Le 20 janvier prochain, le Mali signera avec la France un accord de défense militaire qui autorisera la France à installer une base militaire dans notre pays. Pour les consciences plus éveillées, cet accord est celui de la honte, de la recolonisation.
Le 20 janvier est écrit sur les feuilles de l’histoire de l’armée de notre pays comme le départ du dernier soldat français sur le territoire malien. C’était une volonté nourrie des pères de l’indépendance de s’affranchir, d’affranchir leur peuple du joug de la colonisation et d’instaurer une République avec une vaillante armée, disciplinée prête à défendre la Nation. Pendant des décennies, cette armée s’est distinguée à travers le continent par son exemplarité sur les champs de bataille, au point de forcer le respect et l’admiration des autres pays du continent. Une armée qui reflétait l’image de l’homme malien, digne et respectueux.
Franz Fanon disait que : «chaque génération doit dans une relative opacité, découvrir sa mission, l’accomplir ou la trahir». Les pères de l’indépendance ont vite compris cette pensée et s’en sont appropriés en prenant les précautions idoines qui s’imposaient pour ne plus revivre les nuisances idéologiques de la colonisation. Et permettre au peuple malien d’être indépendant. Qu’en est-il du malien moderne ?
Un saut dans le passé nous fait ressortir un décor amer qui étale les vices de notre société basée sur la corruption, l’arrivisme, la malhonnêteté. Lesquelles des vices ont eu raison sur l’organisation de nos institutions, et sur notre être en tant que Malien. Le patriotisme n’est plus une fierté. L’incivisme est devenu notre quotidien. L’armée s’est formée sur ces maux depuis vingt ans, la société aussi. Nous n’avons pas su conjugué les trois temps que sont le passé, le présent et le futur. Si notre passé est marqué par une civilisation millénaire, une résistance enviable aux colonisateurs, notre présent attire la honte et le futur est inquiétant.
C’est dans ce contexte humiliant et dépendant que l’armée compte fêter le 20 janvier 2014. Pour célébrer l’évènement qui attestait aux yeux du monde notre indépendance totale, notre pays s’apprête à signer avec l’ancien colonisateur un accord de défense militaire. Le choix de la date n’est pas vain. Surtout pas pour le colonisateur qui saisit l’occasion pour sceller un compromis qui lui permettra d’installer sa base militaire dans notre pays. Une véritable honte, surtout pour ceux qui ont vécu la colonisation. Nous avons le choix de recruter, former en grand nombre des porteurs d’uniformes, leur inculquer la discipline ou laisser la France s’installer définitivement dans notre pays et puiser ses ressources.
L’opération française demandée par nos plus hautes autorités doit se faire dans un cadre juridique bien déterminé avec des limites. Nous sommes une nation et nous devrions pouvoir combattre nos ennemis sans demander l’aval d’une autre nation. Le contraire serait de tomber dans la recolonisation. Malheureusement, c’est la nouvelle recolonisation que nous vivons car nous n’avons pas su établir des politiques pour des institutions fortes avec des citoyens disciplinés.
Sinaly KEITA