Trois jours après la dure opération obstétricale qui a donné naissance à l’Accord politique de Ouagadougou, le pouvoir malien est en train de se préparer sur les modalités du déploiement de l’armée à Kidal.Le président Dioncounda Traoré est, en effet, en conclave avec la hiérarchie militaire pour arrêter la matrice d’une cohabitation à risque entre 4 groupes dans cette localité septentrionale : le MNLA, l’armée française, les éléments de la MINUSMA et ceux de la MISMA.
Autant dire qu’après la signature du document dans la capitale burkinabè, on trace à présent, avec tact, les linéaments de la mise en œuvre de ce modus vivendi.
Mais comme on l’a déjà mentionné, il va de l’Accord de Ouaga comme de tout autre Accord : c’est à l’épreuve du terrain que l’on mesure la solidité du consensus et la volonté des protagonistes de s’y conformer. Autant dire qu’en l’espèce, le plus difficile reste à venir au regard de la ligne de feu et de haine qui sépare Bamako de Kidal.
En attendant de connaître ce qu’il adviendra de ce document, s’il y a bien une personne qui peut légitimement estimer qu’il a remporté une victoire, certes, d’étape, mais une victoire tout de même, c’est bien le médiateur attitré de la CEDEAO, Blaise Compaoré.
Après le Niger dans les années 90, le Togo en 2005, la Côte d’Ivoire en 2006, la Guinée en 2010, c’est au tour des Maliens d’aboutir à une solution médiane dont l’artisan principal est le président du Faso.
Un Blaise Compaoré qui, in petto, boit du petit lait quand il ressasse les péripéties qui ont jalonné l’avènement de cet accord, tel par exemple ce sommet extraordinaire de la CEDEAO à Yamoussoukro, au cours duquel ses homologues béninois et ivoirien étaient partisans de la politique du bâton alors que lui, sans doute instruit par son leg militaire, tempérait les ardeurs de ces va-t-en- guerre. Moralité de cette prudence décriée à l’époque par certains, dont des souverainistes maliens qui brûlaient d’envie de se revancher d’un des groupes armés : on ne combat pas “les hommes bleus” comme dans une guerre conventionnelle.
Il aura eu le nez creux, et quoi qu’on dise, sa stature de médiateur sous-régional est établie, même s’il faut attendre dans le cas malien, de voir si les jointures de cet accord tiendront la route, jalonnée d’obstacles de toute nature.
Alors, nimbé d’une nouvelle victoire diplomatique, à quels dividendes le maître de Kosyam peut-il s’attendre ? Sans doute il n’hésitera pas, et c’est de bonne guerre, à marchander toutes ces nuits sans sommeil dans les sables mouvants du Mali septentrional. Un retour sur investissement, comme on le dit dans le milieu des affaires. Mais à quelles fins?
A l’extérieur, Blaise Compaoré sort auréolé faiseur de paix, et fera sans doute peser la voix du Burkina dans certaines instances surtout en matière de sécurité sahélo-saharienne.
De façon institue personae, le chef de l’Etat burkinabè étoffe sa carapace de leader sous-régional, ce que jalousaient sans doute certains de ses pairs qui auraient préféré le voir ici en treillis militaire plutôt que dans la tunique d’apôtre de la paix.
Va-t-il captaliser tous ces acquis politiques et diplomatiques pour s’ouvrir davantage les portes de médiateur international estampillé “ONU” par exemple, au terme de son ultime mandat dont l’échéance est prévue pour 2015 ? Ou plutôt va-t-il, comme le suspectent d’aucuns, s’en servir auprès de la Communauté internationale, la France en particulier, à des desseins politiques au plan national ?
Car les victoires gagnées à l’extérieur valent également leur pesant d’or à l’interne. Elles peuvent naturellement servir des causes politiques, tout dépend dans quelle direction on veut aller.
Eligible, mais non encore élu, au prix Houphouët-Boigny, Blaise devrait être, selon certains, sur la liste des lauréats de cette distinction, mais pas sur ceux du suédois Alfred, “hors de sa portée à cause de son passé”, selon ses contempteurs. Bref, cette médiation réussie semble être pain bénit pour “l’apôtre de la paix”, qui savoure sa satisfaction face à ceux qui la qualifiait de la médiation de trop.
Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
Source: L’Observateur.bf