Sur quoi est fondée cette certitude de François Hollande à propos de la mise en place du scrutin de juillet ? Sur sa propre volonté peut-être, mais sûrement pas sur la réalité sociopolitique qui prévaut au Mali, encore moins sur le fait que tout a été mis en place pour que les choses se passent dans les règles de l’art.
En effet, pour établir les fondements d’une élection présidentielle, à fortiori dans un Etat à l’image du Mali actuel, il est impératif de prêter une attention toute particulière à trois éléments fondamentaux : un calendrier respectant un délai suffisant, un fichier électoral unanimement validé par les formations politiques concernées et des candidats assez préparés à ces joutes. A moins d’un mois du démarrage de la campagne, aucune de ces conditions ne semble être respectée par le processus. Etonnant !
La France modifie tout à sa guise
Sur la question du calendrier, le Mali s’apprêtait à organiser des élections en 2012. A cause du coup d’Etat du capitaine Sanogo et de tous les évènements qui ont suivi, le processus n’aboutira pas. La France, appelée à la rescousse le 11 janvier 2013, va tout modifier à sa guise. Et en mars déjà, les contours d’un pseudo calendrier électoral étaient dessinés par Paris. L’idée n’ayant pas enthousiasmé un grand nombre d’analystes politiques et certains cadres maliens, Laurent Fabius se déplace en personne à Bamako le 4 avril dernier pour s’assurer auprès des partis politiques représentés à l’Assemblée Nationale du “respect de la volonté du sauveur”.
Ainsi, moins de 5 mois semblent suffire pour mettre en marche toute la logistique du scrutin. Mais en réalité, il s’agit là d’un camouflage de l’imperfection totale du processus. Une légèreté volontaire de Paris pour replonger le Mali dans un chaos postélectoral afin de légitimer davantage la présence des troupes françaises au Mali. Les délais sont courts et ne permettent pas la tenue correcte d’élections de sortie de crise. L’enveloppe de 3,5 milliards d’euros obtenue à la conférence des donateurs du 15 mai à Bruxelles, n’est qu’un moyen de pression de plus sur Bamako. Mais, comme on dit justement, l’argent ne règle pas tout.
Beaucoup d’électeurs non inscrits
Plus grave, le fichier électoral est à un stade quasi embryonnaire. Même si le général Siaka Sangaré, président de la Délégation Générale des Elections (DGE), affirme, à 3 semaines du début de la campagne électorale prévu le 7 juillet, être encore dans les délais, il est certain que ce sera, là aussi, un bricolage fait plus pour satisfaire les exigences de Paris que pour garantir des élections apaisées aux Maliens.
Parmi les facteurs qui compliquent la tâche à la DGE, on trouve en bonne place le recensement des électeurs. En effet, un nombre important de Maliens ont été déplacés par le conflit. Près de 400 000 Maliens du nord ont fui vers le sud et vers les pays limitrophes. A Kidal par exemple, seuls près de 40 000 personnes seraient recensées à ce jour sur une population estimée à 7 millions. Au niveau national, si on en croit certaines analyses, le collège électoral ne dépasserait pas 7 millions d’inscrits sur une population de près de 16 millions de personnes. Aberrant !
Une contestation inévitable ?
La troisième question fondamentale de la préparation des candidats reste aussi improvisée que les deux premières. Ils seront près d’une vingtaine à briguer le fauteuil de Koulouba. Pour s’assurer de leur bonne foi, on leur fait signer un “code de bonne conduite” tels des enfants à l’école. Cela suffira-t-il à éviter des contestations postélectorales par exemple ? J’en doute bien. Quand on sait les rivalités qui opposent les formations politiques maliennes où des partis ont “donné” naissance à leur adversaire, on a du mal à croire à ce miracle dans un contexte de crise politique et sociale.
Pendant ce temps, les accords signés mardi 18 juin à Ouagadougou entre le gouvernement et les rebelles touareg n’augurent rien de bon. En effet, selon le texte, le désarmement des éléments des groupes touareg ne doit intervenir qu’une fois qu’un accord “global et définitif de paix” sera signé entre les nouvelles autorités installées après la présidentielle, d’une part, et les communautés et groupes armés du Nord, d’autre part.
Avec toutes ces incertitudes, Bamako se lancera le 28 juillet prochain dans une aventure dans l’issue est imprévisible. Fingers crossed!
Par Courrier International – 21/06/2013
Source: Courrier international