Nous vous proposons dans ce numéro la dernière partie de la grande interview que le Directeur Général de l’APEX-Mali, Abdoulaye Sanoko, a bien voulu nous accorder, dans la foulée de la décision du Président américain, Barack Obama, de réintégrer le Mali dans le processus de l’AGOA.
Quelles sont les principales difficultés que votre Agence rencontre dans l’accomplissement de ses missions?
Les principales, dites-vous? Maintenant qu’on a évoqué certaines de ces difficultés, il ne servirait à rien que je me répète. Mais, en résumé, nous avons des problèmes de couverture financière. Nous avons également des besoins de développement de nos ressources humaines, qui constituent aussi notre capital.
S’y ajoute la problématique de la formation et du recrutement d’experts dans des domaines pointus, expérimentés dans des secteurs très spécialisés. Cela ne peut pas aller sans ressources financières.
Quels sont vos projets à court, moyen et long termes?
Je disais tantôt que nous avions entrepris une enquête d’évaluation des besoins des entreprises exportatrices et à vocation exportatrice. Il s’agit des besoins en information, en formation, en assistance marketing, en assistance approvisionnement. Bref, tout ce qui compte dans le développement des chaines de valeurs.
Il est clair que l’Agence ne peut pas tout faire. On n’a même pas intérêt à prétendre tout faire, dans la mesure où d’autres structures existent, qui développent leurs domaines de façon très professionnelle. Par exemple, nous nous ferons accompagner régulièrement d’une agence comme l’AMANORM, l’Agence Malienne de la Normalisation. Mais nous avons également des structures telles que l’API (l’Agence pour la Promotion des Investissements), notre voisin direct.
Il y a beaucoup d’investissements qui se font dans des entreprises à vocation exportatrice et qui, comme telles, bénéficient effectivement d’un bon régime fiscal, dans le cadre du Code des investissements. Il y a aussi le Bureau de restructuration et de mise à niveau des entreprises et le FAFPA (Fonds d’Appui pour la Formation Professionnelle et l’Apprentissage).
Bref, il y a plein de structures qui sont sur le terrain et qui œuvrent. En quelque sorte, c’est une synergie que nous essayons de construire. Nous sommes nouvellement arrivés sur la scène et nous y allons graduellement, mais résolument. Il s’agit d’aboutir à une plateforme pluridisciplinaire, avec l’adhésion que nous rechercherons auprès de toutes les structures que nous jugerons pertinentes, y compris notamment les structures du secteur privé, la Chambre de Commerce, bien entendu et le Patronat avec l’Organisation Patronale des Industriels.
Il y a aussi le PCDA (Programme pour la Compétitivité et la Diversification Agricole), par exemple, et l’APCAM (Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali). Nous avons effectivement entrepris de faire le tour de tous nos partenaires institutionnels, sans oublier les Partenaires Techniques et Financiers du Mali. On était déjà suffisamment avancés en la matière l’année dernière. C’était en temps de crise.
C’est avec grand bonheur que nous pensons que, lorsque nous reprendrons notre bâton de pèlerin, nous allons pouvoir trouver des réponses favorables par rapport à nos attentes. Et, dans le cadre du partenariat bilatéral et international, il me plait d’indiquer que, dès le mois de février, nous allons recevoir une équipe néerlandaise, qui va nous aider à faire un premier diagnostic de l’APEX, pour voir quelles sont ses forces et ses faiblesses, en vue d’améliorer nos performances.
Je peux évoquer, sur le plan multilatéral, le cas du Centre du Commerce International. Je parlais tantôt de cette stratégie de développement des exportations du Mali que nous allons entreprendre, avec des organisations telles que le Centre du Commerce International et la CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement), mais aussi avec l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
Dans la définition de cette démarche nous sommes en étroite collaboration avec les autres structures, notamment avec le département en charge du Commerce, en particulier avec la DNCC (Direction Nationale du Commerce et de la Concurrence) et le Cadre d’Assistance Intégré lié au Commerce.
Etes-vous optimiste quant à l’atteinte de vos missions?
On ne peut pas être dans la promotion si on n’a pas été piqué par le vecteur de l’optimisme. C’est grâce à l’optimisme qu’on peut croire en la faisabilité d’un certain nombre de programmes porteurs de développement. En dehors de cela, l’optimisme est absolument de mise, puisque, nous l’avons dit en début d’entretien, par rapport à l’AGOA, notre retour dans cet ensemble est une très bonne nouvelle pour nous, comme symbolique du dégel de la coopération avec d’autres partenaires qui, pour certains, n’ont pas attendu aujourd’hui pour se mettre avec nous.
Je voudrais mettre l’accent sur le fait que l’APEX, quelque part, fait également sa réapparition, pour la simple raison que c’est une structure qui existait dans le passé, à travers le Centre Malien de Commerce Extérieur (CMCE). Je dois dire qu’en tant qu’ancien de cette maison-là, je l’ai senti lorsque j’ai eu la redoutable chance de devoir conduire l’APEX.
J’ai, au cours de mes prises de contact, rencontré beaucoup de responsables et d’anciens collègues qui se rappelaient avec beaucoup de bonheur une certaine époque où les choses étaient en train de bien marcher. Nous n’allons pas faire comme à l’époque – le contexte a certainement changé – car nous devons compter avec les défis qui sont nombreux, à l’image de notre continentalité, toute chose qui nous amènera à voir dans quelle mesure nous pourrons faire en sorte que les procédures, qui paraissent très lourdes, puissent être allégées.
Il faut aussi chercher les voies et moyens de faciliter le commerce dans un contexte d’intégration sous-régionale, le Mali étant membre, à la fois, de l’UEMOA et de la CEDEAO. L’UEMOA est une union douanière, la CEDEAO le sera bientôt. Ces organisations d’intégration visent à être des unions douanières, en ce sens qu’elles seront amenées à développer des politiques commerciales qui engageront tous les pays membres. Ces politiques commerciales ont, sans doute, une incidence importante sur les chances de réussite d’une stratégie de développement des exportations.
Donc, en ce qui concerne le secteur privé malien, nous avons vu que ses attentes sont grandes. Les opérateurs économiques sont nombreux et ils ont énormément de besoins. Nous avons pu le mesurer, à travers les processus de participation à certaines foires-expositions. Nous avons pu mesurer leur degré de préparation ou d’impréparation, sans désobliger les structures professionnelles dont ils sont membres.
Quels appels avez-vous à lancer à l’adresse des opérateurs économiques, des autorités et des Maliens, d’une manière générale?
Ce qu’il me plairait de dire ici, c’est que le secteur de la promotion des exportations devrait être – il l’est sans doute – considéré come un domaine parmi les rares de consensus national. Un domaine où il nous faut bâtir un consensus national. Il s’agit de faire en sorte que nous nous donnions la main, que l’on puisse travailler en chaîne, afin de pouvoir promouvoir notre compétitivité sur le marché extérieur, et même sur le marché intérieur, dans la mesure où la compétitivité est déterminée par les conditions de production, les moyens de production mis en place, la maîtrise des circuits de commercialisation et les technologies impliquées, qui doivent être les plus adéquates, les plus adaptées.
Ce faisant, nous devons avoir effectivement à l’esprit que nous avons aussi cette priorité, c’est-à-dire faire en sorte qu’on puisse créer, à chaque fois qu’on investit, un minimum d’emplois. Cette chaîne va du transport au conditionnement, en passant par le marché extérieur, les services d’appui potentiel qui sont là, c’est-à-dire nos ambassades, nos consulats. Donc, c’est un appel universel à tous nos nationaux, à tous nos pouvoirs publics, et au secteur privé, bien entendu, comme à nos grandes écoles, où se forme la main d’œuvre qui doit compter, elles aussi.
La concurrence, il faut bien le dire, ne concerne pas que les entreprises. Elle concerne aussi les administrations. Si vous avez un secteur privé compétent, concurrentiel, mais que l’administration qui est là pour l’accompagner, le guider, n’a pas la même qualité, il va sans dire que le couple ne produira pas grand-chose. C’est, encore une fois, cette idée de compétitivité qui veut que nous en fassions une question de consensus national, pas passif, mais un consensus national que nous allons activement bâtir et consolider ensemble, afin de favoriser une croissance économique plus forte et, ce faisant, créer le maximum d’emplois. Dieu sait que les potentialités sont considérables.
Propos recueillis par Yaya Sidibé
SOURCE: 22 Septembre