A Bamako, nombreux sont les consommateurs qui se plaignent des conditions de livraison de la viande dans nos marchés, souvent transportée sur des motos, des tricycles, sans aucune protection, exposée au vent et à la poussière. Mais, ces conditions de transport déplorables ne sont que la partie visible de l’iceberg. Selon les témoignages des usagers, la viande que nous consommons est aussi produite dans des conditions d’hygiène notoirement insuffisantes à l’abattoir frigorifique de Bamako, le rendant, à la limite, impropre à la consommation.
A l’abattoir frigorifique de Bamako, situé au quartier Sans fil, en Commune II, les conditions d’hygiène de l’abattage, de traitement et de transport de la viande ne sont pas respectées, selon les confidences d’un ancien agent qui a requis l’anonymat.
Dans cet établissement, a-t-il fait savoir, il y a un désordre indescriptible. Les engins à deux roues sont garés un peu partout dans la cour, les bovins sont laissés en divagation, en plus de la présence envahissante des vendeuses ambulantes, des bouchers et autres visiteurs opportunistes. Ce n’est pas tout, un véritable dépôt d’ordures est formé derrière les ateliers de préparation des produits dégageant des odeurs nauséabondes.
Quant à la salle d’abattage conçue comme une triperie, elle est aujourd’hui délabrée et sert de salle de saignée, d’habillage, de découpe, d’inspection et même de lieu de traitement des peaux.
Selon notre source, les eaux utilisées par cette structure pour laver les carcasses sont puisées directement à partir du fleuve. Ce qui pose un problème de santé publique.
«Les services de la SOMAGEP sont suspendus depuis juin 2022 en raison de plus de 500 mille francs de factures non payées. Pour laver les carcasses, l’abattoir utilise directement l’eau du fleuve sans autre forme de traitement», révèle notre source.
Comme conséquences de cette situation, le sang stagne sur le sol, faute d’utilisation du jet d’eau, entraînant une odeur nauséabonde.
Or, chacun sait combien les eaux du fleuve Djoliba sont insalubres avec les immondices, défécations, les eaux usées des teinturières ou provenant des toilettes et usines qui s’y déversent.
C’est pourquoi, certains n’hésitent pas à dire que cette viande est impropre à la consommation car ils estiment que l’eau qui sert à laver l’aliment n’obéit pas aux conditions sanitaires espérées. Cette situation a été décriée par les populations, mais aucun changement jusqu’à présent.
Toujours selon les confidences de notre source, il arrive qu’on abatte des animaux en état de gestation. Pire, certains animaux y sont dépiécés alors qu’ils sont déjà éteints lors de leur transport.
Mais ce qui fait l’unanimité au niveau de cet établissement, c’est la mauvaise gouvernance érigée en système de gestion.
«L’abattoir est aussi administrée par des responsables qui n’ont pas la qualification adéquate. Ils procèdent souvent au lancement de faux recrutements qui n’aboutissent à rien après avoir reçu plusieurs dossiers de candidature», a-t-il confié.
A l’abattoir frigorifique de Bamako, difficile de s’y rendre sans se rendre compte de l’arrogance de son DG qui, selon nos sources, continue de faire la sourde oreille aux différentes recommandations des missions de contrôle et des complaintes des usagers.
Par exemple :«Un jour, quand il venait d’arriver, il a trouvé qu’un agent de sécurité s’était endormi à son poste. Au lieu de le signaler à sa hiérarchie, il lui a donné un coup de poing qui a fait jaillir du sang à la figure de l’homme. Dans son rapport, la hiérarchie de l’agent a parlé d’accident », a-t-il déploré.
En dépit d’une visite du département de tutelle, courant 2018, la négligence reste de mise. Le bâtiment est vétuste, datant de 1965, avec une capacité de 190 tonnes d’entreposage.
En 2021, les autorités avaient suspendu toutes opérations d’abattage pour cause de non-respect des mesures d’hygiène et d’assainissement des lieux.
Les résultats de ces missions avaient révélé des insuffisances notoires, rendant impropre à la consommation la viande d’animaux abattus dans cette usine.
L’abattoir traite en moyenne 250 bovins, 800 ovins caprins. Le problème est que l’infirmerie n’a pas un droit de regard suffisant sur l’abattage des animaux qui ne sont pas en état d’embonpoint, alors que la station de pompage ne satisfait pas aux besoins demandés à telle enseigne que l’eau est pompée directement du fleuve Niger
L’Etat a consenti plus d’un milliard de F CFA pour l’équipement de ce centre.
Unité spécialisée, les activités sont réalisées par différents groupes. Ceux-ci sont composés de personnes chargées d’immoler, de dépouiller, d’arranger les peaux, les pattes et les têtes décapitées. Des bouchers dépècent les carcasses pour en faire de petits morceaux.
Par Abdoulaye OUATTARA