Devant la justice, chacun a droit à un procès équitable. Or l’ex –CNRDRE, considère qu’il n’est plus en demeure d’espérer un procès équitable.
En effet, il y a plus de trente ans, M. William Casey, alors patron de la CIA, était venu en France, avec l’arrogance que semble conférer ce type de fonction, exercer, en prévision de la comparution de Georges Ibrahim Abdallah (terroriste libanais membre du FPLP (front populaire pour la libération de la Palestine), devant les assises, une pression sur le gouvernement français, en la personne de M. Robert Pandraud, Ministre de la Sécurité. Au cours du repas offert par M. Pandraud : William menace Robert de sa fourchette. Le message est clair : « si Abdallah n’est pas condamné à perpétuité, les Etats-Unis considéreront que la France n’a pas respecté la plus élémentaire justice, qu’elle a manqué à ses devoirs envers eux, et ce sera la rupture diplomatique. »(Tiré du livre intitulé Les Masques du terrorisme.)
En Avril 2014, le Général Amadou Haya Sanogo et certains de ses coaccusés, prévenus de l’Etat malien, ont déposé entre les mains du tribunal de la commune III, une demande de liberté conditionnelle. L’Ambassade des USA au Mali n’a pas mis longtemps à réagir. Sous la forme brutale à quoi l’on reconnait désormais lorsqu’il s’agit de l’ex-CNRDRE, la signature de sa diplomatie, il fait savoir : « Le gouvernement des Etats-Unis exprime sa ferme opposition quant à l’éventualité d’une mise en liberté conditionnelle du Général Amadou Haya Sanogo et consorts, pouvant résulter de la procédure à venir devant le tribunal de grande instance de la commune III. »
Les autorités américaines oublient que la sanction pénale et la privation de liberté relèvent des prérogatives des seuls Etats responsables et pas de leurs alliés. Certes, rien n’interdit formellement à un Etat étranger de souhaiter la sévérité de la part de la justice d’un autre pays, si le Dieu vengeur dont il se réclame l’exige au nom des millions de dollars investis dans la formation de leurs protégés. Rien, excepté le savoir-vivre, les bonnes manières internationales, les vieux usages diplomatiques, dont on semble à Washington ignorer jusqu’à l’existence.
Pour autant rien ne l’autorise, à notifier à la justice malienne, sur un ton impérieux « sa ferme opposition » à une mesure de liberté éventuelle qu’elle pourrait prononcer.
Il y a dans cette prétention des autorités américaines une ingérence inacceptable et un outrage à la justice malienne. Est-il besoin de le rappeler, que ce n’est pas à un Etat étranger, se crût-il le maître du monde, de régenter la justice malienne ou d’exprimer sa ferme opposition à une décision souveraine qu’elle pourrait rendre en tapant du poing sur le bureau des juges.
Et pour convaincre nos autorités, les services américains qualifient l’ex-CNRDRE de « menace pour la sécurité du régime d’IBK », cela est un non-sens. Mais comment peut-on menacer notre propre pouvoir ? Elle ne peut s’expliquer que d’une seule manière : la trahison ! Depuis qu’on a décidé que Kati ne viendra plus jamais faire peur à Bamako. Sinon le temps où Bamako venait à Kati lui taper sur les épaules, il n’y avait aucune menace, mais beaucoup d’émotions. Un soir même, quand l’émotion était vive, quelqu’un a eu même droit à un mouchoir blanc des mains d’un capitaine ou d’un Général, je ne m’en souviens plus…Ta bouche, petit hassidi ! Mais c’est comme ça, il y a eu la notoriété, les faux amis, ces promesses de la nuit qui ne voient pas le jour ! Et pis la fameuse troisième mi-temps comme disait Blondin : « on boit à plusieurs mais on est saoul tout seul. »
Notre gouvernement avale tout cela lentement, en silence. Ce principe inacceptable du chantage des relations diplomatiques dans sa nudité, dans son ridicule absolu.
Ah ! Malheur aux vaincus et vivent les vainqueurs provisoires ! Ici ceux qui ont le sens supérieur de la justice veulent qu’on donne l’exemple. Or il n’y a rien de pire qu’un exemple en matière judiciaire. L’exemple, c’est une manière de condamner quelqu’un non pour les fautes qu’il a commises, mais pour que les autres le voient.
Aujourd’hui, Mesdames, Messieurs les détenteurs des valeurs universelles, les adeptes du deux poids deux mesures, de la justice à double vitesses, les ténors de la lumière contre celle des ténèbres, des valeurs fondamentales contre celle de l’abjection les ont déjà condamnés sans tenir compte d’un principe fondamental du droit : la présomption d’innocence.
On a fait d’eux des salauds, des monstres, des assassins. Ah ! Comme disait l’autre : « le héros a une obligation, celle de ne pas tomber. Parce que s’il tombe, il prend des coups de pied. »
Ils ont oublié que juger c’est comprendre, il faut savoir qui on juge et pourquoi on le juge sinon l’on ne jugera pas. Pour juger, il faut pouvoir se mettre dans les circonstances dans lesquelles se trouvait celui qu’on va juger.
En définitive, Comme les mots peuvent tout changer, la voix de l’abjection vous demande de ne pas les condamner avant leur procès. Faisons en sorte qu’ils aient droit à un procès équitable, car le but d’un procès équitable est de ramener l’accusé dans la communauté des hommes, même si c’est un « monstre », même si c’est le pire des « salauds ». C’est un pari sur l’humanité et agit sur le destin des hommes pour rendre l’humanité encore plus lisible.
Mesdames, Messieurs, les détenteurs des valeurs universelles, chers républicains intraitables, ne hurlons pas dans le désert de la pensée unique et du politiquement correct, alors même que nous étions ou nous sommes tous infréquentables.
Empruntons le chemin qui protège la victime et préserve les innocents. Ce chemin qui refuse de remplacer une violence par une autre, évitant ainsi que l’innocence meurtrie ne devienne l’innocence meurtrière.
M. MARIKO BAKARY
EX-PORTE PAROLE DE L’EX-CNRDRE
BAMAKO.