Ouverte en août dernier, la première session ordinaire de la Cour d’assises de Kayes a pris fin le 28 septembre dernier, en présence du directeur de cabinet, Meïssa Fané et de nombreux autres invités.
Pendant 30 jours ouvrables, la Cour a traité 48 dossiers. Selon le président de la Cour d’assises, Banahari Maïga, cette session s’inscrivait dans le cadre du désengorgement des prisons. Il a insisté sur la modernisation de la justice pénale afin de l’adapter aux standards internationaux, tout en plaidant la cause du personnel judiciaire qui a besoin de travailler dans des conditions décentes.
Banahari Maïga a aussi évoqué les conditions dans lesquelles se déroulent les enquêtes préliminaires et a demandé aux Officiers de la police judiciaire de mettre l’accent sur le respect de la dignité humaine. Surtout que de son avis, les aveux obtenus à tort ou à raison sous l’effet de la pression, entravent la justice. Il a aussi évoqué le problème de préservation des preuves et des témoignages.
Il faut noter que lors des travaux de cette première session de la Cour d’assise, dont l’ouverture avait été présidée par le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Me Mamadou Ismaïla Konaté, le public a suivi les différents procès dans la salle d’audience « mal éclairée, sans climatiseur, ni amplificateur».
«L’essentiel pour moi, c’est que le ministre vienne dans la région de Kayes, une région importante du point de vue de sa géographie, de la diversité de sa population et de ses services judiciaires », avait déclaré le ministre Mamadou Ismaïl Konaté à propos de sa présence à la cérémonie d’ouverture de la Cour d’assises. Il avait indiqué que sa visite s’inscrivait dans le cadre d’une prise de contact avec les acteurs du monde judiciaire. Hormis ces difficultés, tout s’est bien déroulé. «L’essentiel des affaires ont été jugées. Celles datant de moins de trois mois ont été diligentées», a constaté le président de la Cour d’assises.
Dans son réquisitoire, le procureur général près la Cour d’assises de Kayes, Ibrahim Konta, a fait ressortir le bilan de cette première session. Parmi les 49 dossiers qui étaient inscrits au rôle, seul un a été renvoyé à la prochaine session. Il s’agit d’un cas de tentative d’assassinat qui a été commis dans le cercle de Yélimané. L’accusé est en liberté provisoire. Sur 90 accusés, 12 ont été jugés par contumace. Au titre des condamnations prononcées, on retient 10 condamnations à mort, 6 condamnations à la réclusion à perpétuité, 8 acquittements. Le reste des peines prononcées était relatif à des condamnations à la réclusion à temps, à l’emprisonnement et à l’amende. Les amendes se chiffraient à 18 900 000 Fcfa, le remboursement ordonné à 457 393 534 FCFA. Les dommages intérêts accordés étaient évalués à 36 217 850 FCFA.
Ces affaires criminelles portaient 19 cas d’infractions d’atteinte à la vie (assassinat, meurtre, coups mortels, infanticides) ; 13 cas d’atteinte aux biens d’autrui (vols qualifiés, association de malfaiteurs, incendie volontaire) et 9 cas d’infractions contre les mœurs (viol, pédophilie, attentat à la pudeur). Parmi les affaires à traiter, figurent également 5 cas de trafic de stupéfiants ; 1 cas d’atteinte aux biens publics ; 1 cas de faux en écriture et 1 cas de traitement d’épreuves et pratiques nuisibles à la santé.
Le procureur Ibrahim Konta a souligné que ceux qui ne méritent pas la punition ont été acquittés parce que les charges de l’accusation n’ont pu être établies à leur encontre. Par contre, ceux qui méritaient la punition, l’ont eue, et les parties civiles ont été rétablies dans leur droit conformément à la loi. La société a été réconfortée dans l’équilibre qui doit être la sienne pour son développement.
Les accusés ont été régulièrement assistés par des avocats commis d’office par l’Etat. Les droits de la défense ont été respectés de lors de ces assises.
«Une justice expéditive n’est pas une justice, une justice trop lente n’en est pas une, nous avons besoin de procès équitables dans les délais raisonnables. La grande lenteur de la justice crée chez les justiciables la frustration, la suspicion, la méfiance, le mépris et même la tentation d’une justice priée. Il en est de même que pour des décisions de condamnations par contumace qui ne permettent pas aux victimes le bénéfice rapide des condamnations civiles», a-t- indiqué.
Le procureur Konta a reitéré son invitation aux chefs des circonscriptions administratives et aux maires chargés de proposer les citoyens comme assesseurs auprès de la Cour d’assises, à tenir compte du genre et surtout de l’obligation que chaque assesseur doit savoir écrire et lire en français en vertu de l’article 263 du Code de procédure pénale. S’agissant de la participation des populations à l’action judiciaire, il a rappelé que l’article 25 du Code pénal fait obligation à tout citoyen de dénoncer aux autorités compétentes les faits infractionnels dont il a connaissance. Lors des présentes assises, de simples citoyens, des chefs de villages et même des conseillers municipaux ont comparu devant la Cour par ce qu’ils n’avaient pas dénoncé le crime dont ils étaient supposés avoir connaissance.
« Si chacun respectait ces dispositions (Constitution du 25 Février 1992, Loi fondamentale et Code pénale), nous pourrons mettre hors d’état de nuire beaucoup de malfaiteurs et contribuer ainsi à l’instauration d’un climat de paix et de sécurité », a estimé Ibrahim Konta. «La Cour d’assises, loin d’être un théâtre, est une réalité. Elle a été un succès. Le droit a été dit. Mais, les assesseurs ne sont pas tous habitués au débat du palais (justice)», a déclaré Me Towéfo Mounkoro, au nom des avocats de la défense.
La prochaine session est prévue avant la fin de cette année.
BANDé MOUSSA SISSOKO
AMAP KAYES
Source: essor