Une dizaine de candidats à l’élection présidentielle malienne font bloc déjà contre les résultats du 1er tour, attendus dans les heures qui suivent. Ils ont animé hier mercredi une conférence de presse pour rejeter les résultats qui seront issus du scrutin du dimanche dernier, parce qu’entachés de beaucoup d’irrégularités.
« Nous n’accepterons pas les résultats du scrutin du 29 juillet parce qu’il a été affecté par des irrégularités », s’insurgent, dans une déclaration commune, plusieurs candidats à l’élection du président de la république du Mali, dont le 1er tour s’est tenu le dimanche dernier.
Cette déclaration a été lue par les candidats Modibo Koné et Mohamed Ali Bathily, au nom du groupe des seize candidats qui s’opposent déjà aux résultats du scrutin du 29 juillet passé, cependant non encore rendus publics. Le ministre a cinq jours pour déclarer les résultats provisoires. La conférence de presse, à l’allure d’un meeting politique, a enregistré la présence des candidats tels que Soumaila Cissé, Aliou Diallo, Mountaga Tall, Dramane Dembélé, Hamadoun Touré, Choguel Kokalla Maiga.
Seize candidats s’opposent aux résultats
Dans cette déclaration commune, les signataires font état d’irrégularités qui ont entaché la sincérité, la transparence et la crédibilité du scrutin du dimanche dernier, pourtant déroulé sous la supervision de la communauté internationale. Ils reprochent précisément au processus le retrait massif de cartes d’électeur par des personnes non titulaires et non habiletés ; le bourrage d’urnes et l’attribution de résultats fantaisistes à des candidats ; l’absence des cartes d’électeur non distribuées dans de nombreux bureaux de vote en violation de la Loi électorale ; l’utilisation frauduleuse de certaines cartes d’électeur non retirées. La liste n’est pas exhaustive.
Parallèlement à ces accusations, le groupe de candidats, furieux contre les premières tendances des résultats, soutiennent également que le candidat Ibrahim Boubacar Keita a utilisé abusivement des moyens de l’État pour son réélection. Face à ces accusations, qui jurent avec la sincérité des résultats du processus électoral dans le pays, ils demandent instamment une évaluation de la mise en œuvre des mesures annoncées lors de la rencontre entre les candidats et le Premier ministre, tenue le 28 juillet 2018 ; la publication de tous les résultats bureau de vote par bureau de vote ; la publication du nombre de procurations utilisées par bureau de vote, la publication de la liste détaillée des localités et des bureaux de vote où l’élection n’a pas pu se tenir le 29 juillet.
De même, ils exigent, « le démenti par la Cour Constitutionnelle de graves accusations portées contre elle et l’ouverture d’une enquête judiciaire ».
Ainsi, au regard de tous ces manquements, cette coalition des candidats affirme qu’ils n’accepteront pas « les résultats affectés par des irrégularités », avant d’inviter les observateurs nationaux et internationaux « à examiner et à analyser avec la plus grande neutralité (leurs) observations et critiques ».
Le procès du candidat Bathily contre la Cour Constitutionnelle
Après la lecture de la déclaration par Modibo Koné, le candidat Mohamed Ali Bathily s’est prêté aux questions des journalistes. À l’entame de ses propos, il a déclaré que les résultats en cours de dépouillement au ministère de l’Administration Territoriale ne sont pas ceux « des urnes, mais des sotramas que le camp présidentiel a rempli d’urnes ».
Puis, il a consacré le reste de son intervention à la Cour Constitutionnelle, l’Institution en charge de proclamer les résultats définitifs du scrutin. Selon le candidat Mohamed Ali Bathily, la Cour Constitutionnelle a perdu sa neutralité et sa crédibilité dans ce processus en faisant un parti pris. Pour lui, la plus haute juridiction du Mali compétente pour les questions électorales a manqué d’inscrire ses décisions dans l’impartialité.
« La Cour Constitutionnelle n’a pas fini de nous inquiéter quant à certaines de ses décisions ou avis, en particulier la généralisation des procurations. En violation de la loi, l’Institution a donné son avis favorable à l’utilisation abusive des procurations », a critiqué le candidat Bathily. Or, en la matière la loi est claire, relève-t-il : « Les procurations ne peuvent être données à quelqu’un qui vote dans le même bureau que celui qui donne la procuration. Une même personne dans un bureau de vote ne peut disposer de plus deux procurations », a clarifié Me Bathily.
Dans son réquisitoire contre la Cour Constitutionnelle, il a déclaré qu’aucune institution n’a le pouvoir de dénaturer le sens d’une loi claire et précise comme cela a été fait par les neuf sages. C’est pourquoi, affirme-t-il, la Cour s’est inscrite d’une manière énigmatique dans le processus électoral en violant délibérément la loi.
Selon Me Bathily, qui fait partie de la liste des candidats mal en point dans le classement, l’institution aurait dû se contenter d’être un arbitre au lieu de prendre fait et cause pour un camp. À cause de l’avis de la Cour, l’utilisation massive des procurations, par tout le monde et sans limites, a changé le sens du vote dans beaucoup de localités au point de fausser la vérité des urnes.
« Au regard de tout cela, nous avons estimé que cette Cour est très mal placée pour proclamer les résultats définitifs de l’élection du 29 juillet. Sa décision a permis de nourrir la fraude », a déclaré le conférencier Mohamed Aly Bathily avant de se prononcer sur les rumeurs d’accusations de fraude contre la Cour. L’ancien garde des Sceaux et ministre des Domaines ajoute que lui et les cosignataires de la déclaration commune « récusent la Cour parce qu’ils estiment qu’elle n’est pas impartiale. Elle a violé la loi et elle permettra aussi à IBK de violer la loi pour rester au pouvoir ». N’ayant plus confiance en cette Cour, Mohamed Ali Bathily souhaite une autre Cour pour se prononcer sur les résultats.
En outre, dans sa colère contre le pouvoir après la Cour, il s’en prend au gouvernement dirigé par le Premier ministre Soumeylopu Boubèye Maiga, qui est sorti de son rôle de neutralité en utilisant des biens de l’Etat pour soutenir le candidat Ibrahim Boubacar Keita.
« Le gouvernement, c’est le gouvernement du peuple, ce n’est pas le gouvernement d’IBK. Le gouvernement a utilisé le bien de l’État pour faire de la réclame électorale pour IBK. Le président sortant était devenu une marchandise des ministres pour garder leurs postes », a-t-il expliqué, en soutenant que ces dérives autorisées par IBK font honte en démocratie.
Cependant à la question de savoir si ce front peut rester soudé pour soutenir un candidat au second tour, le conférencier principal répond sans ambages : « Notre concertation du mardi dernier s’est fait autour uniquement des questions purement électorales. Je ne peux pas dire maintenant que nous nous sommes entendus pour faire bloc et barrer la route à IBK. Puisque nous avons osé commencer, nous allons donc poursuivre les discussions sur cette question ».
Par Sikou BAH
Info-matin