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18è édition du Forum de Bamako : L’ANALYSE STRATÉGIQUE DE L’APTITUDE DU SAHEL À DOMPTER SES RÉALITÉS

Pour tirer parti des opportunités du territoire sahélien, les décideurs et acteurs en matière d’aménagement se doivent d’aider le Sahel à changer

Cette fois-ci encore, la tradition a été respectée. Ils étaient donc tous là : monde universitaire et de la recherche socio-politique, économique et géostratégique, Africains et Européens, dirigeants du monde des affaires, décideurs politiques et responsables des organisations financières, leaders de la société civile. Bref, plus de 300 participants, venus de partout à travers le monde, prennent part à la 18ème édition du Forum de Bamako, dont les travaux ont débuté hier, dans la salle de conférence du Centre MAEVA.
La cérémonie d’ouverture a été présidée par le Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maiga, en présence de membres du gouvernement, d’anciens Premiers ministres et ministres, d’anciens diplomates ayant servi au Mali, de responsables d’institutions financières et d’organisations internationales de développement.
Le présent forum va mener la réflexion sur le Sahel et ses enjeux afin de développer des pistes de propositions pour sortir l’espace sahélo- saharien de ses difficultés et favoriser son développement intégré.
Premier orateur, le Président de la Fondation du Forum de Bamako, Abdoullah Coulibaly, a d’abord remercié le PM et le président Ibrahim Boubacar Kéita pour tout l’intérêt qu’ils manifestent au Forum de Bamako. Il s’est, ensuite réjoui du fait qu’au-delà des épreuves, nos hôtes ont pu constater que les Maliens se battent non seulement pour faire de leur pays une terre d’accueil, mais aussi un véritable creuset des sciences et des savoirs. Poursuivant, il fera un commentaire très touchant sur le Sahel : «Partout, il y a de quoi émerveiller l’œil contemplatif. Mais aussi, de quoi choquer toute conscience qui mesure les défis. Comment dormir sur les lauriers quand, sur cette vaste terre de transhumance, à chaque passage, la sécheresse décime cheptel, flore et faune ? Comment ne pas s’attrister quand, succédant à la sécheresse, l’inondation fait crouler des maisons, coupe pistes et routes avant de charrier dans la fureur de ses flots, champs, bétail et autres petits ponts vers des destinations inutiles ? Comment se réjouir quand l’environnement devient extrêmement fragile avec des sols qui continuent de s’appauvrir à cause des facteurs naturels (érosion, inondations, désertification, enfoncement des nappes phréatiques, sécheresses) mais aussi à cause de facteurs anthropiques (mauvaises pratiques culturales, feux de brousse, surexploitation du bois, produits chimiques, occupation anarchique de l’espace) ?», s’interroge t-il. Partant, il a invité les éminents chercheurs et universitaires à profiter des panels pour faire une analyse stratégique de l’aptitude du Sahel à dompter ses diversités et ses paradoxes.

L’étau des paradoxes. Le Sahel est pris dans l’étau des paradoxes, où les richesses et les misères se côtoient et s’engendrent mutuellement, un dualisme inquiétant sur lequel plusieurs intervenants se sont relayé au pupitre. Ainsi tour à tour, Hervé Lorenzo, président du Cercle des Economistes, Léonard Cox, jeune patron français, président du Mouvement des Entreprises, conseiller du président du MEDEF, Mme Soukeyna Kané, Directrice pays de la Banque Mondiale pour le Mali, la Guinée, le Niger et le Tchad ont développé diverses approches sur le thème du forum, à savoir : «Aménagement du territoire de l’espace sahélo-saharien : Facteur de Sécurité, de Développement et de Paix».
Si pour les uns, le développement du Sahel passe indéniablement par un ensemble d’actions et d’interventions politiques ou techniques, volontaires et concertées, visant à assurer la répartition équilibrée des populations et des activités sur l’ensemble d’un territoire, à garantir la cohérence des activités publiques et privées ; pour les autres, la question renvoie plutôt aux défis, aux systèmes de gouvernance et aux enjeux sécuritaires, aux questions des ressources naturelles et à la problématique des changements climatiques. Les orateurs, chacun dans son domaine respectif, fera un décryptage très pertinent de cette énigme que représente l’espace Sahélo-saharien.
L’Ambassadeur de France, Evelyne Descorps et le Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unis, Chef Adjoint de la Minuma, Koen Davidse ont salué le choix du thème qui, selon eux, est vraiment d’actualité. Evelyne Descorps mettra particulièrement l’accent sur la grande combativité des populations de l’espace Sahélo-saharien qui est le plus souvent assimilée à la faible résilience, à la faible capacité de transformation et à l’extrême vulnérabilité face à l’insécurité générale qui revêt plusieurs formes (environnementale, énergétique, alimentaire, financière, politique, etc.). Sans perdre de vue le manque ou la vétusté des infrastructures routières et des réseaux de communication qui entrave le commerce formel intra-sahélien. Sur ce terreau fragile, prospère l’économie criminelle ou économie grise, a t-elle ajouté avant de réaffirmer l’engagement constant de la France à accompagner les pays sahéliens à sortir de cet engrenage. «La réunion du G5 Sahel qui s’ouvre aujourd’hui, à Bruxelles est un exemple de cette volonté des partenaires du sahel à accompagner cet espace à endiguer cette insécurité chronique et le terrorisme».

Le Sahel: un mélange cynique entre rivage, mirage et ravage. L’invité d’honneur du Forum, le Professeur Alioune Sall, directeur exécutif de l’Institut des futurs africains, fera un brillant exposé introductif sur le thème de la rencontre. Ainsi, la principale interrogation est, selon lui, comment ériger une muraille socio-économique durable et soutenable pour lutter contre le terrorisme et arrêter le flot des jeunes migrants, notamment à travers le développement des activités génératrices de revenus et de richesses pour les jeunes et les femmes tout le long de la route transsaharienne, et prenant appui sur la réalisation de projets et programmes d’énergies renouvelables, l’agriculture familiale, l’écotourisme, et la protection de l’environnement dans le Sahara ?
De son point de vue, cette question est tellement pertinente que le Sahel ressemblerait à «la Belle au Bois Dormant», avec cette région riveraine du désert faisant penser à une toile impressionniste sur laquelle chaque groupe humain, chaque catégorie d’acteurs apporterait sa propre touche. Pour tirer parti des opportunités du territoire sahélien, comme pour en minimiser les risques (insécurité, pauvreté de masse, détérioration de l’environnement), les décideurs et acteurs en matière d’aménagement se doivent d’aider le Sahel à changer, car au Sahel le présent n’a pas de futur», a t-il analysé.
Pour sa part, le chef du gouvernement a exprimé toute sa satisfaction de se retrouver à ce Forum dont il est un habitué, et qui témoigne de l’intérêt et de la solidarité à l’égard de notre peuple. Le Forum de Bamako dans ses analyses de la situation de l’Afrique a réussi, au fil des années, à faire se rencontrer les compétences africaines et d’autres parties du monde.

Doussou DJIRÉ

Le PM Soumeylou Boubèye Maïga à l’ouverture du forum de Bamako : Affirmer des choix stratégiques claires

Dans son intervention au Forum de Bamako, le PM Soumeylou Boubèye Maiga a attiré l’attention sur le fait que les principaux défis du Mali et du Sahel résident surtout dans la réduction des disparités intra et inter régionales, la diminution des déséquilibres économiques et l’immensité du territoire. Ainsi, par exemple, l’espace désertique de notre pays représente à lui seul 62% du territoire pour moins de 10% de la population, a t-il indiqué. Par ailleurs, «structurellement, les questionnements liés à la démographie, à l’économie, aux structures sociales, aux systèmes de gouvernance et aux enjeux de sécurité, aux ressources naturelles et au changement climatique restent des défis constants et intemporels. Progressivement, sous des influences diverses, le Sahel est devenu, ces dernières années, le noyau à partir duquel se développent des velléités», a t-il fait remarquer. Il s’agit donc d’opter pour l’amélioration de la gouvernance nationale mais aussi pour une réponse régionale à l’épineuse question sécuritaire et au défi transnational pour plus de quête d’efficience. Dans ce processus, «prendre en charge les réalités intra étatiques et supranationales est fondamental pour trouver des réponses intelligentes. En outre, trouver une architecture institutionnelle permettant aux diversités institutionnelles de s’exprimer est un angle que nous privilégions. Cependant, si la réussite de ces approches est fondamentalement fonction de la mutualisation des efforts régionaux, le développement de la capacité nationale est tout aussi fondamental. L’action militaire est au cœur de cette approche, de même que la quête de la cohérence et de l’efficacité de la coopération multilatérale convergente et de l’articulation des stratégies internationales à nos stratégies nationales», a t-il développé, ajoutant que toutes ces approches doivent affirmer des choix stratégiques claires.
Soumeylou Boubèye Maiga, considère que ce thème, pour notre pays, n’est pas que d’actualité. Il s’inscrit dans une analyse fondamentale et les perspectives du Mali. Quant à la multiplicité d’organisations, elle a sans doute favorisé la coopération, mais ne va pas sans problèmes avec notamment la duplication, le chevauchement, la concurrence négative, les charges financières lourdes, a t-il estimé.
Le Premier ministre a aussi mis le doigt sur la nécessité d’une plus grande complémentarité et d’une meilleure coordination des stratégies et approches en vue d’un développement intégré plus efficace et plus durable dans le sahel et afin de prendre des initiatives pertinentes et d’innover pour assurer son destin. Il a aussi insisté sur le défi lié à la sécurité qui interpelle non seulement les pays du Sahel, mais aussi le monde entier avec la montée de l’Etat Islamique.

D. D.

 

Source: Essor

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