La récente mutinerie de Kati et ses conséquences, le contexte de vive tension dans le nord, l’actualité politique de la tenue prochaine des élections législatives, les appréhensions du Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et la République (FDR), le gouvernement Oumar Tatam Ly à ses débuts d’activité…
Le leader de l’URD non moins candidat finaliste malheureux à la dernière élection présidentielle, Soumaïla Cissé se confie à nous dans une interview exclusive sur ces sujets brûlants de l’heure. Pour celui que certains n’hésitent pas à considérer comme le futur leader de l’opposition malienne, il faut rapidement mettre de l’ordre à Kati. Il a, en outre, réaffirmé son engagement à briguer un siège de député dans son fief de Niafunké…
L’actualité est encore dominée par la mutinerie de Kati avec à la clé des arrestations et des morts retrouvés en divers endroits de Kati et d’ailleurs. Quelle est votre lecture de ces événements et des mesures prises par les autorités militaires à la suite du discours musclé d’IBK sur la situation?
Je voudrais tout d’abord profiter de l’occasion que vous m’offrez pour souhaiter à toutes les Maliennes et à tous les Maliens ainsi qu’à tous vos lecteurs une très bonne fête de Tabaski, dans la paix et la concorde.
Mes vœux s’adressent à vous même, à vos familles respectives, au journal L’Indépendant et à tous ses collaborateurs.
Pour en revenir à votre question: je dirai que quelque part les observateurs n’ont pas été surpris par les récents événements à Kati. Depuis le coup d’Etat, la situation n’a jamais été éclaircie. Le coup d’Etat, a d’ailleurs été vigoureusement condamné par le FDR (Front pour la sauvegarde de la démocratie et de la République, anti-putsch ndlr). Nous avons assisté ces derniers temps à beaucoup de promotions exceptionnelles qui ont été jugées non équitables par certains soldats. Le gouvernement doit apprécier à sa juste valeur ces troubles et ces mécontentements pour gérer, comme il le faut, avec la hiérarchie militaire afin de ramener l’ordre dans l’armée malienne. C’est une très bonne chose de mettre de l’ordre à Kati pour éviter l’installation d’un pouvoir parallèle.
Il y a eu récemment un regain de tension à Gao avec le lancement d’obus qui a fait des blessés. Quelle lecture faites-vous de cette intervention revendiquée par le MUJAO ? Pensez-vous qu’on peut organiser les élections législatives le 24 novembre prochain dans un tel climat de violence qui menace le nord du pays ?
Je condamne avec la dernière énergie ces actes de violence perpétrés contre nos forces armées et de sécurité et les populations civiles. Ceci nous concerne tous et c’est l’occasion pour moi d’interpeller les auteurs de ces troubles et de demander que force reste à la loi. La sortie de crise n’est pas encore totale. Il faut s’attaquer fermement à la situation et prendre toutes les mesures sécuritaires nécessaires dans le nord du pays et sur l’ensemble du territoire national, en collaboration parfaite avec nos partenaires de la MINUSMA et des forces Serval. Avant Gao, il y a eu Kidal, il y a eu Tombouctou. A Kidal, une délégation gouvernementale a été très fortement chahutée. C’est le lieu de condamner fermement cet acte inacceptable et intolérable. Dans le nord, il y a des acteurs qui veulent la paix et certains qui entretiennent un climat de violence. J’encourage le dialogue amorcé tout en précisant que l’Etat doit s’assumer et prendre ses responsabilités chaque fois qu’il le faut.
Maintenant, est-ce que les conditions sont réunies pour aller aux élections législatives? Nous disons que c’est de la responsabilité du gouvernement d’assurer les conditions minimales de sécurité. Les électeurs et les candidats doivent se sentir en confiance pour battre campagne et aller aux urnes, singulièrement dans la région de Kidal.
Vous avez déclaré que le gouvernement Oumar Tatam Ly est pléthorique. Aujourd’hui avec le début des activités de cette équipe gouvernementale, que pouvez-vous dire sur son fonctionnement ?
Le gouvernement a à peine un mois. Ceci ne me permet pas d’émettre un jugement de valeur. En son temps, j’ai fait remarquer que l’effectif est très important (34 ministres) et que cela n’est pas habituel au Mali. J’ai aussi souligné qu’il y a très peu de femmes (4/34) dans cette équipe et j’ai émis aussi quelques remarques sur le découpage de certains ministères. Ces remarques demeurent et me semblent toujours pertinentes.
Ceci dit, le gouvernement étant constitué, il n’est plus besoin d’épiloguer sur ce sujet, d’ailleurs j’ai adressé personnellement au Premier ministre et à chacun des membres de son équipe un message de félicitations et d’encouragements.
Vous êtes candidat aux législatives à Niafunké. Quelles sont les alliances en vue pour l’URD et ses candidats?
J’ai effectivement déposé ma candidature pour les législatives à Niafunké à la demande des structures du parti, et des notabilités de la circonscription. Je pense que l’Assemblée nationale est un haut lieu du débat démocratique. Il est souhaitable d’ailleurs que la plupart des leaders politiques y soient pour que les échanges se fassent plutôt dans l’hémicycle que dans la rue. Notre parti, l’URD est un parti démocratique, c’est un parti très décentralisé, très déconcentré.
Il a été décidé que le parti noue des alliances en fonction des réalités locales. Donc la latitude a été laissée aux sections de faire librement leur choix et tisser les alliances qu’elles jugent nécessaires. Nous tendons la main à tous les Maliens pour travailler au niveau de l’institution parlementaire pour l’éternité de notre République et le confort de notre Démocratie.
Comment se porte le FDR dont vous êtes devenu le président ? Sa mission n’est-elle pas terminée avec l’élection présidentielle ?
Je tiens a remercier tout d’abord la conférence des présidents des partis et des associations de la société civile composant le FDR pour la confiance placée en moi.
Je les félicite ensuite pour le travail remarquable fait depuis le 22 mars 2012 dans des conditions particulièrement difficiles. Comme vous le savez le FDR a été créé à la suite du coup d’Etat. Il a exigé de toutes ses forces le retour à l’ordre constitutionnel, le retour des militaires dans les casernes, l’intervention des forces militaires étrangères pour appuyer l’armée nationale dans la libération du nord du pays.
Ce que certains avaient fortement combattu. Nous avons été qualifiés, à l’époque d’apatrides. Mais aujourd’hui force est de reconnaître que l’histoire nous a donné raison sur tous ces points.
La mission du FDR prendra fin avec la mise en place de toutes les institutions. Ce qui sera pour bientôt, je l’espère avec la mise en place de la nouvelle Assemblée nationale mais aussi la dissolution effective du CNRDRE. Car, à notre connaissance, il n’y a toujours pas eu un décret de dissolution de ce Comité. Il faut aussi arriver rapidement à trouver une solution au problème des promotions exceptionnelles au sein de l’Armée pour que le coup d’Etat soit définitivement derrière nous.
Comment comptez-vous jouer le rôle de leader de l’opposition que plusieurs observateurs vous attribuent déjà?
Chef de file ou leader de l’opposition, cela ne se décrète pas. Pour le moment, nous voulons aller aux élections et après les élections, on avisera. L’opposition républicaine se définit à l’Assemblée nationale par le jeu d’alliances des forces en présence.
Est-il vrai que le FDR a demandé au gouvernement le report des législatives dont le premier tour est prévu le 24 novembre prochain ? Selon vous que faut-il faire pour que les conditions soient réunies pour la tenue d’élections législatives transparentes et crédibles?
Le FDR n’a pas demandé le report des élections. Par contre il a écrit au Premier ministre pour faire remarquer qu’il était important de corriger les insuffisances constatées lors de la présidentielle.
Le Premier ministre a toutefois invité les partis représentés à l’Assemblée nationale l’un après l’autre pour les informer de la volonté du gouvernement d’aller aux législatives aux dates des 24 novembre et 15 Décembre 2013.
Dès lors nous nous attendons à une réunion prochaine du cadre de concertation des partis politiques avec le gouvernement conformément à la pratique dans notre pays. Nous nous étions félicités à l’époque que les débats au sein de ce cadre de concertation aient permis au gouvernement de transition de revenir sur la date du 27 octobre 2013, initialement prévue pour les législatives et de laisser cette tâche au gouvernement élu. Après cela, nous avons été étonnés que le tout premier dossier du tout premier conseil des ministres du tout premier gouvernement ait fixé de manière unilatérale les dates des législatives.
Il nous est revenu que la CENI elle-même n’aurait pas été consultée.
Pour le confort de notre démocratie, il faut que nous nous asseyons pour analyser la situation et voir comment aller sereinement aux législatives. Nous ne voulons pas tomber dans la situation de certains pays voisins où les législatives se disputent plutôt dans la rue.
D’importantes questions méritent qu’on y réponde : Que faire des 452 villages absents du fichier électoral? Que faire de tous les jeunes qui ont eu 18 ans en 2010, 2011, 2012, 2013 et ceux qui auront 18 ans en 2014, 2015, 2016, 2017 qui n’ont jamais pu voter? La révision des listes électorales prévue par la loi ne donnera pas de résultats effectifs avant les dates retenues et même avant les prochaines communales. C’est dire que tous ces jeunes sont condamnés à attendre 2018 pour leur premier vote, à l’âge de 26 ans pour les plus patients!!! Que faire des centaines de milliers d’électeurs inscrits n’ayant toujours pas leur carte NINA? Qu’en est- il du vote des centaines de milliers de réfugiés et de déplacés?…..
Nous avons fait des propositions concrètes au gouvernement pour que les élections se passent dans de bonnes conditions.
Ce qui peut être fait immédiatement, qu’on le fasse avant la tenue des législatives, comme, du reste, l’ont suggéré les observateurs de l’Union Européenne.
Je trouve que notre système électoral mérite d’être modernisé et nous devons saisir l’opportunité des prochaines élections législatives pour ce faire.
Notre loi électorale contrairement à celle de nos voisins ne donne aucune chance aux jeunes et aux femmes d’être présents à l’assemblée nationale de façon significative. Il ne prévoit pas non plus un mécanisme permettant aux leaders politiques d’y siéger pour que les débats démocratiques aient lieu de façon privilégiée à l’Assemblee Nationale.
On pourrait à titre d’exemple passer le nombre de députés à 150, introduire une proportionnelle permettant d’élire 30 femmes (20%), 30 jeunes (20%) et 22 leaders d’opinions (15%), les autres (68) seraient élus au scrutin uninominal à un tour. On aura ainsi des élections à un tour moins coûteuses et plus à l’image de notre société.
Par exemple au Sénégal, il y a 50% de femmes à l’Assemblée nationale, au Rwanda, 65%, grâce à des lois électorales adaptées.
On murmure de plus en plus que le président de l’URD, Younoussi Touré va bientôt prendre sa retraite et vous laisser les rênes du parti. Qu’en est-il ?
Je rends hommage au président Younoussi Touré pour le travail abattu à la tête de notre parti. Il a fait un travail remarquable et mérite nos félicitations et nous avons encore besoin de lui, de son expérience. Pour le moment, notre parti s’apprête à faire face aux échéances qui sont devant nous.
C’est après cela que, lors de son congrès, le parti pourra renouveler ses organes. Je ne peux dire aujourd’hui qui jouera le premier rôle. L’Urd a besoin de tous ses militants et reste ouverte à tous les Maliens désireux de servir le pays. Notre main reste tendue.