Le terme malinké désigne celui qui travaille de façon saisonnière pour une famille moyennant un salaire mensuel. La pratique a l’avantage d’éviter l’émigration des jeunes et constitue un grand secours pour les familles ne disposant pas de suffisamment de bras valides
Des pays comme le Mali sont peu dotés d’infrastructures hydro agricoles et de périmètres aménagés pour une agriculture moins tributaire de la pluie. L’hivernage apparaît alors comme la période de production par excellence. à l’occasion, les activités du monde rural battent leur plein comme c’est actuellement le cas. Les paysans, généralement, avec des moyens rudimentaires, s’adonnent corps et âme aux travaux champêtres.
Cela afin de subvenir à leurs besoins vitaux et rehausser la contribution du secteur à l’économie nationale. L’agriculture, la pêche et l’élevage inclus, contribuent pour environ 33% du Produit intérieur brut (PIB). Occupant 79% de la population active, ils contribuent à hauteur de 20% aux recettes d’exportation.
Dans la contrée du Bafing, Cercle de Bafoulabé, Région de Kayes, les travaux champêtres occupent également la majeure partie de la population. Dépourvus de bras valides, certains paysans se font aider par des journaliers payés 1.500 voire 2.000 Fcfa par jour.
Des jeunes, souvent regroupés en coopératives ou en associations, mènent aussi des travaux champêtres collectifs en travaillant tour à tour les champs des membres. Objectif : réduire pour leur famille les charges liées aux activités culturales en s’entraidant et renforcer par la même occasion les liens de solidarité au sein du groupe. Certains, parmi eux, mènent parallèlement des activités génératrices de revenus.
Mais c’est le phénomène de «Surugaya» qui est récurrent dans la région. Le «Suruga», un terme malinké, désigne celui qui travaille de façon saisonnière pour une famille moyennant un salaire mensuel. Il peut aussi être celui qui possède un champ qui le cultive à son propre compte pendant quatre jours sur les sept de la semaine et consacre les trois autres jours aux champs de son tuteur. En contrepartie, ce dernier le loge et le nourrit durant son séjour.
SURUGA-Natifs de la zone, ces jeunes vont de localité en localité pour appuyer les gros cultivateurs ne disposant pas de suffisamment de bras valides. Ceux-ci les sollicitent également pour éviter d’être en retard sur le calendrier agricole tel que annoncé par les prévisions saisonnières des services météorologiques.
Un matin du mois de juillet dernier à Manantali, localité située à plus de 300 km de Bamako. Plus que deux jours avant la fête de Tabaski. La journée s’annonce belle. Un vent léger souffle sur la ville. Beaucoup de ressortissants sont de retour au bercail pour fêter en famille. Il a plu la veille. La ville s’est réveillée les pieds dans l’eau.
Chérif Coulibaly se promène, une daba accrochée à l’épaule. Vêtu d’un T-shirt blanc et d’un Jean noir, ce jeune âgé d’environ 20 ans, est ressortissant de l’arrondissement de Toukoto. Depuis près de trois mois, il a quitté son village natal pour venir faire le «Suruga» dans le Bafing. Ce jour-là, Chérif Coulibaly cherchait à se faire embaucher par un chef de ménage pour désherber les alentours de la concession de celui-ci.
Interrogé, il explique avoir commencé à travailler comme journalier dans les champs. Aujourd’hui, il a un tuteur fixe pour qui il travaille actuellement. «Être Suruga n’est pas chose facile. Chaque jour, tu travailles de 8h à 13h dans le champ du tuteur avant de regagner ton propre champ que ce dernier t’a attribué, où tu continues de travailler jusqu’à 17h», explique Chérif. Il ajoute qu’il mène souvent des activités parallèles pour assurer ses dépenses quotidiennes et s’acheter des habits à l’occasion de la fête.
Si Cherif Coulibaly a pu trouver un champ qu’il cultive pour son propre compte, d’autres jeunes viennent uniquement pour travailler comme journalier durant l’hivernage avant de regagner leurs villages respectifs. C’est le cas de Fantamadi Keïta. Ce ressortissant de Kita précise que ce déplacement est considéré par les familles comme une sorte d’émigration. «Je suis venu chercher de l’argent. Dans mon village, ma famille possède beaucoup de terres. Mon grand frère, l’aîné de la famille, s’occupe de l’entretien de ces patrimoines avec les autres frères. Cette année, je dois me marier. Mon objectif est de retourner au village avec beaucoup d’argent pour y ouvrir ma propre boutique de vente de produits divers», répond Fantamadi Keïta.
EN COOPÉRATIVE- D’autres travaillent en groupe au service des exploitants agricoles, explique Famalé Sissoko, cultivateur dans le périmètre irrigué de Manantali. Chaque année, il loue les services des coopératives de jeunes (hommes et femmes) des villages environnants qu’il rémunère à la fin des travaux.
Cette pratique est itérative dans le Bafing, comme à Bangassi, un village situé à environ 5 km de la ville de Manantali. Là-bas, des jeunes ont créé l’Association des jeunes pour le développement de Bangassi (AJDB). Son but est de promouvoir l’entente et participer à l’épanouissement de la localité. Aujourd’hui, le groupement existe grâce aux ressources issues des travaux champêtres (labour, repiquage, débroussaillage, etc.), se réjouit son secrétaire général, Djibril Bah.
En la matière, explique le leader, le nombre de jeunes aptes à travailler dans la famille importe. S’il y a deux, l’un est mis à la disposition de l’association. S’ils sont trois ou quatre jeunes, deux participent forcément à la vie de l’association. «En cas de manquement à son engagement, les absents payent une amende de 1.000 Fcfa par jour d’absence», détaille Djibril Bah. Grâce à ces fonds, l’association a pu mettre en place un moulin et deux moteurs. Au-delà de cette réussite, ces jeunes contribuent également à l’amélioration des conditions de vie des villageois notamment, à la construction d’infrastructures.
Makan SISSOKO
Source : L’ESSOR