Le nouveau président de la Fédération malienne des échecs (Fémade), Youssouf Maïga, nous a accordé une interview exclusive dans laquelle, il nous parle de son élection, l’état actuel de la discipline au Mali, les défis majeurs qu’il compte relever au cours de son mandat, la participation du Mali à la prochaine Olympiade des échecs Budapest-2024 et les difficultés auxquelles la Fédération est aujourd’hui confrontée.
Aujourd’hui-Mali : Vous avez été élu président de la Fédération malienne des échecs il y a plus d’une année. Comment s’est déroulée cette élection ?
Youssouf Maïga : Je suis à la tête de la Fédération malienne des échecs (Fémade) depuis le 12 mars 2023. J’ai été élu à l’issue d’une assemblée générale élective de la Fémade après une première assemblée générale qui s’est déroulée en octobre 2022 qui n’avait pu élire un bureau parce qu’à l’époque, il avait deux candidatures, la mienne et une autre. Lors de cette assemblée, les délègues n’ont pas pu nous départager après trois tours du scrutin. Finalement, nous avons décidé de reporter cette élection à une autre assemblée qui s’est déroulée le 12 mars 2023. Au cours de cette assemblée générale élective que j’ai été élu, à l’unanimité avec sept voix sur sept. Il est important de dire qu’à l’issue de cette élection, mon challenger de 2022 m’a personnellement appelé pour me féliciter et m’encourager.
De façon générale, comment jugez-vous l’état actuel des échecs au Mali ?
Je pense que si nous voulons améliorer une situation, il est important de poser le problème clairement. A mon avis, le jeu d’échecs se porte assez mal aujourd’hui au Mali parce que la Fédération malienne des échecs a été créée depuis 1978, mais jusqu’à présent il y a très peu de joueurs qui pratiquent la discipline. Je ne vais pas accuser mes prédécesseurs, mais c’est un constat que je fais. J’ai pratiqué la discipline et j’ai même participé à une Olympiade en 1988 en Grèce. J’ai vu un peu le parcours de cette Fédération, mais aujourd’hui avec le nombre de pratiquants que nous avons et vu le titre que nous n’avons pas pu avoir, c’est vraiment décevant. Aujourd’hui, au Mali, nous n’avons qu’un seul maître fédéral alors que d’autres pays ont des maîtres internationaux et de grands maîtres, cela prouve réellement que le constat n’est pas bon. Alors, pour moi, il faut poser le diagnostic afin que nous puissions trouver la solution. Cependant, si nous pensons que tout est bon dès le départ, je pense que nous n’arriverons jamais à trouver la solution. C’est ce constat que nous avons fait dès notre prise de fonction et c’est pourquoi nous nous attelons à améliorer cette situation afin que le jeu d’échecs puisse renaître de ses cendres au Mali.
Quels sont les défis que vous comptez relever au cours de ce mandat ?
Le défi majeur est surtout le problème que je viens d’évoquer. Nous n’avons pas suffisamment de joueurs et il est important que nous ayons des joueurs un peu partout et sur toute l’étendue du territoire. Pour cela, nous nous sommes fixés l’objectif d’introduire le jeu d’échecs auprès des enfants et des jeunes. C’est cela l’avenir. Si ces enfants et jeunes sont bien accompagnés dans la pratique, ils deviendraient des maîtres et des grands maîtres et même des grands champions dans le monde des échecs.
Pour cela, il faut qu’il y ait des projets et qu’on mette ces projets en œuvre pour que nous puissions arriver à des objectifs précis. L’année dernière, nous avons commencé à mettre en œuvre un atelier de formation des enfants et des jeunes de moins de 16 ans et je suis heureux aujourd’hui que parmi les jeunes que nous avons formés, trois d’entre elles vont participer à la prochaine Olympiade des échecs prévu du 10 au 22 septembre 2024 à Budapest en Hongrie.
Que comptez-vous faire pour consolider les acquis et rehausser davantage l’image des échecs au Mali ?
Effectivement, il a des acquis indéniablement par le fait même que nous avons une Fédération et un siège où le bureau fédéral se réunit régulièrement. Depuis la mise en place de notre bureau, nous tenons régulièrement nos réunions et ce sont des réunions mensuelles qui sont imposées par les statuts. Tous nos comptes-rendus de réunion sont envoyés à la direction nationale des sports et de l’éducation physique (Dnsep) et au Comité national olympique et sportif du Mali (Cnosm).C’est pour dire que nous sommes en train de consolider ce qui a été fait pour que demain, nous puissions avoir une Fédération digne de ce nom. La semaine dernière, seulement, nous avons reçu le président de la commission d’organisation de l’Olympiade 2024, Dr. Gustav Font, qui est venu au Mali pour nous expliquer comment l’Olympiade va se dérouler, mais aussi pour un partenariat dans le cadre d’une fondation qu’il préside la “Fondation Judit Polgar”.
A travers ce partenariat, nous allons voir comment faire en sorte que le jeu d’échecs soit un module d’enseignement dans les écoles. Dès que nous serons présents en Hongrie, nous allons approfondir les échanges pour nouer ce partenariat. En plus, nous sommes en train de voir comment nouer le partenariat avec d’autres fédérations et organismes afin que la discipline puisse être développée dans notre pays.
Le Mali va participer à la prochaine Olympiade d’échecs de Budapest au mois de septembre prochain avec plusieurs athlètes. Est-ce que tout est fin prêt afin que nos athlètes puissent remporter des médailles ?
Aujourd’hui, l’un de nos objectifs est de remporter des médailles, mais nous ne voulons pas le faste. Cependant, à l’heure actuelle, ce n’est pas possible parce qu’il y a de très fortes nations et l’obtention des médailles dans les échecs est faite par échiquier. Nous allons participer à l’Olympiade des échecs de Budapest pour apprendre. Aujourd’hui, nous avons de très jeunes joueurs et joueuses dont le moins âgé à 11 et 15 ans chez les filles. Cela prouve que nous avons l’avenir devant nous. Nous devons les préparer pour que dans les prochaines olympiades, nous puissions éventuellement viser des médailles.
Quelles sont les difficultés auxquelles la Fédération malienne des échecs est confrontée aujourd’hui ?
Les difficultés majeures auxquelles nous sommes confrontées aujourd’hui sont d’ordre financier comme dans les autres fédérations nationales sportives. Je pense que toutes les fédérations nationales sportives manquent cruellement de moyens que cela soit des moyens financiers et logistiques pour pouvoir mener à bien leurs activités.
Vous savez, l’Etat à de sérieux problèmes avec la crise multidimensionnelle que nous traversons depuis quelques années. L’Etat ne peut pas jouer pleinement son rôle dans la promotion et le développement des disciplines sportives. Malgré cela, il fait de son mieux en finançant souvent certains déplacements des équipes à l’extérieur, mais il ne peut pas aussi tout financer.Le Cnosm aussi fait beaucoup d’efforts pour les fédérations nationales sportives et c’est le lieu pour moi de remercier Habib Sissoko, président du Cnosm, pour tout ce qu’il fait pour le sport malien. C’est avec l’appui du Cnosm que beaucoup de fédérations mènent des activités dans l’année.
Un message ?
Je dirais au monde des échecs qu’il est important que nous soyons ensemble. La devise de notre Fédération est : “Nous sommes une famille”. C’est pour dire que nous sommes ensemble. Bien que la famille ne soit pas grande, elle doit se donner la main pour aller de l’avant. Après une longue traversée de désert, je pense que beaucoup de personnes ont compris que rien ne sert à se battre, mais qu’il faut la paix pour progresser.
Propos recueillis par Mahamadou Traoré
Source: Aujourd’hui-Mali