Manifestement remontée contre le Premier ministre, Dr Choguel Kokalla Maïga, l’Union nationale des Travailleurs du Mali –UNTM – sous la plume de son Secrétaire général en personne, Yacouba Katilé, lui a adressé le 6 mai 2022, une correspondance pour lui faire des remontrances. Une sortie qui tombe au mauvais moment pour le Chef du gouvernement.
«C’est avec le cœur serré qu’il nous est arrivé d’apprendre à l’issue de la séance d’interpellation à laquelle vous avez répondu au Conseil national de Transition (CNT) le jeudi 21 avril 2022, vos propos sur les droits des travailleurs victimes de réformes économiques initiées par l’Etat malien avec la Banque mondiale et le FMI », écrit le Secrétaire général de la Centrale syndicale, le 6 mai 2022, tout en saluant et félicitant le Premier ministre pour l’œuvre de restauration de notre souveraineté entreprise sous sa haute inspiration et autorité.
« Autant vos prises de position pour le paiement direct des droits aux bénéficiaires sans passer par les services de notaires et d’avocats ont fait merveille aux travailleurs, autant le jugement que l’on vous prête selon lequel les problèmes des compressés et des retraités par anticipation ne sont pas prioritaires pour le gouvernement ont attristé le monde du travail », poursuit-il. La lettre de l’UNTM rappelle qu’il s’agit des droits ayant des fondements salariaux d’anciens travailleurs qui ont fait des sacrifices pour que les Programmes d’ajustement structurel du pays ne soient voués à l’échec. La Centrale syndicale déplore la privation d’innocentes personnes de leurs droits acquis sur la base de leurs salaires sous l’autorité du Chef du gouvernement.
Plusieurs refus
Le Secrétaire général de l’UNTM note quelques refus du Premier ministre. «Vous refusez la relecture du Décret n° 2011-051/P-RM du 10 février 2011 qui est cependant à l’avantage des citoyens victimes d’une gouvernance calamiteuse que vous prolongez en brimant notre Centrale, par voie de conséquence des pauvres citoyens qui sont nos membres…Vous refusez de rétablir dans leurs droits des responsables syndicaux licenciés soit pour fait de grève, soit sous le prétexte de la COVID-19 (SYAMA, BRAMALI et bien d’autres services…)….Vous refusez une révision des Codes portant création des Bureaux de Placement Privé (BPP) qui exploitent seul des milliers de jeunes travailleurs Maliens. Vous refusez que Patronat et UNTM ouvrent des discussions pour l’octroi des augmentations de salaires que le privé n’a pu satisfaire ni en 2014, ni en 2019, ni en 2021, en incitant les employeurs à ne pas mêler l’UNTM dans vos discussions. Vous refusez toute intervention pour le respect de l’intégralité des domaines de l’ORTM et de l’IER laissés aux mains des spéculateurs fonciers, parce que l’UNTM en fait une revendication essentielle ».
Attention : la ligne rouge…à ne pas franchir !
Katilé lance quelques piques. « Nous aurions pu soulager le calvaire des fonctionnaires face à la cherté de la vie à travers des mesures consensuelles. Puisque c’est l’UNTM, vous vous y refusez. Nous salariés, toutes catégories confondues, auraient pu gérer autrement l’accumulation des hausses de prix, car ne touchant pas des salaires et indemnités en millions, qu’est-ce qui peut les retenir ? A côté de nous, les charges publiques de transition sont bénévoles. Voilà une marque de patriotisme qui vous a manqué, vous et vos camarades » « Le syndicalisme peut entrer dans le jeu politique national. Toutes les conventions et résolutions le consacrent. Donc, faites attention ! », avertit la plus grande Centrale syndicale du pays.
Le Secrétaire général de l’UNTM déclare ne nourrir aucun ressentiment aucune rancune, aucun désir de revanche contre qui que ce soit. Selon lui, « I’UNTM et ses membres soutiennent le Président de la Transition en lequel le peuple se reconnait ». « Cela a justifié l’option libre et souveraine d’arrêter les grèves, de ne plus déposer de nouvelles revendications, pourvu que, les anciennes soient progressivement apurées. Vous et votre tendance M5-RFP, et membres du gouvernement, pensez que tout respect des accords signés est une abdication devant le casse-pied que constitue l’UNTM. D’accord, mais c’est oublier que l’UNTM peut beaucoup plus que ça », enfonce-t-il.
A en croire Yacouba Katilé, « l’UNTM est brimée sous votre propre impulsion au sein du M5-RFP pendant les rencontres que vous assistez dans le cadre du M5-RFP, en demandant aux départements de faire la promotion des syndicalistes et de leurs organisations qui ont fait selon vous, la lutte pour le changement. C’était le signal contre notre Centrale partout ».
Pour le patron de la Bourse du travail, jadis Quartier Général du mouvement démocratique dont la lutte a abouti à la chute du général Moussa Traoré, « la ligne rouge est la tentative de prolifération du négationnisme de la Révolution démocratique du 26 Mars 1991 et de ses résultats ».
Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger