Annoncé à coups d’un grand battage médiatique, le souverain du Maroc sera finalement dans nos murs en milieu de semaine, pour un séjour qui va durer au moins trois jours selon nos sources au cas où elle n’est pas écourtée par la grève du personnel des Affaires Etrangères en gestation.
Quoi qu’il en soit, Sa Majesté sera à son troisième passage au Mali depuis l’installation d’Ibk au pouvoir et confirme du coup son attachement à la consolidation des liens séculaires d’amitié avec notre pays : d’abord au nom des intérêts économiques et financiers d’un partenaire qui fait mainmise sur les secteurs des banques et des télécommunications au Mali, mais aussi pour les visées diplomatiques d’un pays qui marque un retour fracassant sur la scène panafricaniste après plusieurs décennies d’absence. Voilà qui justifie, entre autres, la présence du Roi Mohamed VI en terre malienne, en dépit des récentes bisbilles consécutives au premier rôle attribué au rival le moins fréquentable du Maroc dans le règlement de la crise malienne, l’Algérie.
Le Royaume chérifien aurait pourtant pu et dû se hisser au rang de privilégié parmi les privilégiés de notre pays pour peu qu’il se résolve à imprimer une autre nature de rapport avec une nation à laquelle la lignée royale est liée par le sang et le nombril. En effet, les relations avec le Mali, singulièrement le septentrion malien, se sont tissées dans le sillage de l’invasion de l’Empire Songhay depuis la période médiévale en 1591 par le Sultan Moulay El Mansour ancêtre du roi Mohamed VI Motivé tant par les richesses minières et la vengeance contre l’empereur et sa famille (Il avait en tant que Grand Calife du Tekrour accepté d’accorder l’asile et la protection à des centaines de familles juives persécutées et venues d’Espagne et du Maghreb) que par la menace que représente le plus glorieux des États subsahariens noirs de l’époque, le trône chérifien du Maroc , selon les témoignages et les écrits historiques, a eu recours aux services de mercenaires européens (irlandais , anglais, romains, espagnols etc.) et leur arsenal de guerre des plus sophistiqués pour réduire en ruine l’immense empire noir jamais égalé en Afrique et forgé par de nombreuses dynasties d’Askia.
Ce tournant décisif de l’histoire de l’Afrique noire, pour barbare qu’il paraisse, a laissé en revanche des traces indélébiles susceptibles de devenir le socle sur lequel les relations diplomatiques entre le Mali et le Royaume chérifien pouvaient solidement reposer. Car, en définitive, il ne saurait en exister de plus rigide et de plus belle occasion de fraternité que les liens de sang ancestraux qui lient Sa Majesté Mohamed VI et la poignée de familles qui, depuis six siècles environ, peuplent un modeste secteur communément appelé ‘Chirfeï Kalo’ ( le jardin des chériffens ) sis au quartier Farandjirey à 20 mètres du Tombeau des Askias. Consignés dans les écrits dont les traces existent jusque dans les bibliothèques occidentales, les témoignages sur la famille chérifienne de Gao prouvent qu’elle est issue du même arbre généalogique, des mêmes origines filiales que l’actuelle dynastie royale du Maroc. Comme le Roi Mohamed VI et ses ascendants, ils sont également originaires de la grande famille chérifienne de «TAFILAT» avec leurs grands aïeux que sont Moulay Ismaël et son fils Moulay Idriss, ses petit-fils Moulay El Kebir, Moulay Addahabi, Moulay Hafez, etc.
Il ressort des rares traces écrites en arabes, traduites en français par la mission Gironcourt de 1906 et tenues dans le Tarik des chériffens de Gao, Tombouctou et Djebok que les liens de sang entre ceux-ci et la famille royale du Maroc sont incontestables, quoique majestueusement ignorés. Il est à rappeler que le rôle de Cadi ( juge islamique) est depuis le 16 e siècle dévolu de père en fils à ces familles à Gao Tombouctou Djebok etc.
Quant aux racines de Mohamed VI à Tombouctou, elles sont d’autant plus évidentes qu’elles découlent, par-delà le fruit des nombreux brassages de représentants de la couronne avec les autochtones, du mariage de l’un de ses ancêtres dans la Ville des 333 Saints pendant la domination marocaine.
Alors question : quand est ce que ces liens consanguins vont-ils impulser les rapports qu’entretient le Royaume avec le Mali ? A Tombouctou comme à Gao, en tout cas, ses proches ou lointains parents ont hâte de voir le Roi Mohamed VI boire aux sources communes et franchir ce Rubicon que ses prédécesseurs ont tous donné l’impression de fuir, à cause peut-être des responsabilités historiques du Royaume dans les supplices barbares infligés au passé ou encore de la crainte d’en assumer les compensations éventuelles.
Le Roi aura- t- il le courage politique et émotionnel de présenter ses excuses publiques au peuple songhay et par-delà au peuple malien ? Surtout que l’histoire récente des ex pays colonisateurs est ponctuée de déclarations solennelles publiques de grands hommes d’État visant à assumer leurs passés peu glorieux faits de crimes contre l’humanité, telle l’opinion courageuse d’Emmanuel Macron lancée à Alger il y a moins d’une semaine.
À suivre
Source : le Témoin