Les jubilations patriotiques s’enchaînent avec suffisance et le disputent aux approches et intentions bellicistes à mesure que l’avancée de l’armée malienne ravive les espoirs d’un retour effectif de Kidal dans le giron malien, après une décennie environ d’absentéisme administratif. Les spécialistes de l’exploitation politique sont également à la manœuvre, rivalisent d’ardeurs et y vont de leurs habilités à vendre la peau de l’ours avant de l’abattre.
L’expédition d’Anefis est visiblement passé par-là. Quoique mitigé au regard de la percée laborieuse d’irrésistibles colonnes de blindés, l’épisode fait figure de tournant qu’aucun récupérateur politique ne souhaite rater. Même Moussa Mara, qui incarne la flétrissure de la gifle assénée en 2014, s’échine à ne pas demeurer en marge de ce rendez-vous. L’ancien Premier Ministre d’IBK en a notamment trouvé l’occasion d’associer son nom au succès historique qui se dessine peut-être plus dans l’hypothèse que dans la réalité. Il s’y est pris par une sortie d’autant plus étrange que le vaillant conquérant de jadis passe aujourd’hui pour un repenti en quête de rachat. À son agressivité belliqueuse d’antan s’est substitué un ton beaucoup plus conciliant dans son plaidoyer pour le retour de la république qu’il a contribué à faire expulser de Kidal. Et, aux habitants de cette ville qui seraient gagnés par les préjugés et présomptions de malveillance sur l’armée malienne, il conseille de réserver le plus convivial accueil aux FAMa en tant que vecteurs d’ordre, de sécurité et de protection. Faut-il, en définitive, ne pas être dans la peau de chef de gouvernement pour réfléchir différemment des options porteuses de clivage ? Tout porte à le croire, à en juger par la similitude de posture entre le PM Moussa Mara d’hier et le chef du gouvernement actuel. Vraisemblablement emporté par sa détermination à porter le flambeau d’un éventuel retour triomphal à Kidal, Choguel Maiga, il s’agit de lui, s’illustre au demeurant par une ardeur belliciste plus prononcée que celle qui avait coûté une décennie de rupture entre Bamako et Kidal. Son penchant pour une paix imposée s’affiche nettement et se manifeste par une préférence évidente de l’épreuve de force au traitement de l’équation septentrionale par le dialogue. La rhétorique diplomatique laisse du coup la place à un ton martial plus adapté à «la montée en puissance de l’armée malienne» ainsi qu’à son ascension au rang «de meilleure armée». Pas question, par conséquent, de nuancer le rejet de l’APR par des assurances de sa mise en œuvre intelligente. L’heure a plutôt sonné, semble-t-il, d’une audacieuse remise en cause du processus de paix dans ses fondements les plus sensibles. Les revendications socio-économiques des mouvements armés sont ainsi tacitement assimilées à des alibis fantaisistes et leurs porteurs les cibles des plus disgracieux anathèmes. Bref, la logique de confrontation l’emporte manifestement sur la dynamique constructive et sans s’illustrer par une parade officielle au forceps à Kidal, Choguel Maiga n’en est pas moins le vecteur par lequel s’annihile tous les efforts consentis pour effacer de la mémoire collective le malaise consécutif à la visite mémorable de Moussa Mara. Par ses approches guerrières spectaculaires et contre-productives, le chef de gouvernement de transition aura opté, en définitive, pour un rejaillissement de la crise septentrionale là où l’économie de moyens et d’énergie pourrait produire des résultats plus durables.
A. KEÏTA
Source : Le Témoin