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Un jour, un événement : 22 septembre 1960

Après avoir été membre de la fédération de l’Afrique-occidentale française (A-OF) jusqu’en 1958 et fait partie de l’éphémère Fédération du Mali depuis quelques mois, le Mali, jadis connu sous le nom de Soudan français, proclame son indépendance le 22 septembre 1960.

Le Soudan français connaît une évolution semblable à plusieurs autres pays d’Afrique. Il obtient une autonomie administrative relative en 1956 et se prononce en faveur de l’adhésion à la Communauté française en 1958. Le Soudan français et le Sénégal s’unissent en 1960 au sein de la Fédération du Mali. Lors de la proclamation d’indépendance, le 20 juin 1960, Léopold Sédar Senghor assure la présidence de l’Assemblée fédérale et Modibo Keita exerce la fonction de premier ministre. Des différends politiques entraînent le retrait rapide du Sénégal de la fédération, laissant seul le Mali qui proclame son indépendance le 22 septembre 1960. Modibo Keita est à la tête du nouveau pays qui rompt avec la France et s’oriente vers le socialisme. Deux autres pays qui vont dans cette direction, la Guinée et le Ghana, formeront quelques mois plus tard avec le Mali l’Union des États africains. Keita sera renversé par un coup d’État en novembre 1968.

Discours d’indépendance du Mali

Le Soudan français connaît une évolution semblable à plusieurs autres pays d’Afrique. Il obtient une autonomie administrative relative en 1956 et se prononce en faveur de l’adhésion à la Communauté française en 1958. Le Soudan français et le Sénégal s’unissent en 1960 au sein de la Fédération du Mali. Lors de la proclamation d’indépendance, le 20 juin 1960, Léopold Sédar Senghor assure la présidence de l’Assemblée fédérale et Modibo Keita exerce la fonction de premier ministre . Des différends politiques entraînent le retrait rapide du Sénégal de la fédération, laissant seul le Mali qui proclame son indépendance le 22 septembre 1960. Modibo Keita est à la tête du nouveau pays qui rompt avec la France et s’oriente vers le socialisme.

Chers Camarades,
A la Conférence territoriale du Parti, il y a trois semaines, nous nous sommes contentés d’un exposé objectif du déroulement des événements de Dakar, sans en tirer les conséquences. Nous avons par la suite pris un certain nombre de contacts qui ont projeté plus de lumière sur les origines plus ou moins lointaines desdits événements. C’est ainsi que j’ai répondu à l’appel du Président de la République Française aux invitations du Roi du Maroc et du Président de la République du Ghana.
D’autre part, des missions ont été envoyées à l’extérieur : U.S.A., O.N.U., Allemagne Fédérale, pays de l’Est, Afrique occidentale.

Pour mieux suivre le sens de notre action politique pendant ces derniers mois, il est indispensable que nous examinions la situation créée en Afrique depuis le Référendum du 28 septembre 1958.
Le 28 septembre, les conditions politiques intérieures nous imposèrent un vote favorable à l’entrée dans la Communauté.
En outre, nous avons pensé et pensons encore que les chances de réalisation de l’unité sont très aléatoires pour des État accédant à l’indépendance car, devenus souverains, ils affirment leur personnalité aussi bien sur le plan intérieur que sur le plan extérieur.
Aussi avions-nous espéré que l’autonomie était pour les État africains la période la plus favorable de leur évolution pour la réalisation de leur unité. Évidemment, cela supposait de la part des dirigeants de ces État, une indépendance totale à l’égard des puissances d’argent et des autorités des anciennes métropoles.
Par ailleurs, nous avons estimé et estimons encore que c’est dans l’unité que l’Afrique pourra résister à l’emprise des forces impérialistes et renforcer le camp de la paix.


A l’exclusion de la République Arabe Unie dont on ne peut pas encore tirer toutes les conclusions sur le plan africain, mais qu’il faut néanmoins saluer comme une volonté de l’Afrique de réaliser son unité, et de la Fédération du Mali dont l’existence fut précaire par la trahison des dirigeants sénégalais, les État indépendants d’Afrique en sont encore à la recherche des bases de coopération sur le plan économique et culturel. Mais nous pensons qu’il faut aller au-delà de ces formules pour que l’Afrique puisse résister à l’action destructrice des anciennes puissances coloniales qui, ayant perdu la domination politique, veulent asseoir une domination économique et culturelle.
Certes, il faudra du temps et des efforts. Dans ce domaine, aucun pays ne peut nous donner des leçons de patience et de courage.
D’aucuns peuvent penser que notre association avec le Sénégal a été un échec. C’est voir subjectivement le problème, ce qui empêche d’en saisir toutes les conséquences.
Tout d’abord, la Fédération du Mali a permis au Sénégal d’aller à l’indépendance parce que tout le monde sait que les dirigeants sénégalais, empêtrés dans leurs difficultés intérieures, isolés du reste de l’Afrique, et pour cause, ne pouvaient pas, seuls, y conduire leur pays.
D’autre part, l’accession à la souveraineté internationale de la Fédération du Mali a conduit certains États africains, jusqu’alors hostiles à toute idée d’indépendance, à faire usage de leur droit à l’indépendance. Faudrait-il rappeler que la création du Mali et son accession à l’indépendance ont considérablement contribué à la réalisation de l’unité politique au Soudan. Nous avons pu ainsi nous assurer du contrôle politique et administratif de la République Soudanaise. J’estime également que la sécession du Sénégal a été le ferment de la mobilisation générale des populations soudanaises. Elle permettra à la République Soudanaise de réaliser pleinement ses objectifs politiques, économiques, sociaux et culturels sur la base d’un véritable socialisme, et uniquement en fonction des intérêts des couches les plus défavorisées. La démonstration sera également faite aux dirigeants sénégalais que la République Soudanaise était le principal marché des industries et entreprises sénégalaises, que notre République n’était pas pauvre et que le Sénégal était riche de notre richesse. Nous entendons garder nos richesses, mêmes humaines, pour accélérer le développement économique de notre république.


Les mesures prises, tant à l’intérieur de la République Soudanaise qu’à l’extérieur, nous imposeront pour une certaine période des sacrifices qui sont, je le sais, déjà acceptés. Il faut prévoir un isolement possible du Soudan, par la force des choses et par l’évolution des événements politiques. Il s’agit donc dès maintenant, face à cette éventualité, d’envisager les voies et moyens pour une économie socialiste planifiée. Nous ne nous arrêterons pas aux slogans, aux formules toutes faites, nous innoverons, partant des réalités maliennes greffées sur les expériences réussies ailleurs. Est-il besoin de préciser que la modification de nos structures économiques n’entravera en rien les activités normales du secteur privé ?
Vis-à-vis de la République Française, nous avons fait preuve de loyauté. Je ne veux pas ici reprendre les arguments développés dans certains journaux qui précisent les origines, les causes réelles de la sécession du Sénégal. Notre position sur le problème algérien, notre détermination à construire un véritable socialisme, notre volonté de réaliser, avant toute autre association, une véritable communauté africaine, ont déterminé certains responsables français à conduire les dirigeants sénégalais à la sécession. Je n’en veux pour preuves que quelques faits :
1° Le refus systématique de la France, en application des accords franco-maliens, d’apporter son appui pour que soit assurée la sécurité intérieure de la Fédération du Mali ;
2° L’attentisme du Gouvernement Français dans l’application des accords franco-maliens, en particulier dans le domaine économique ;
3° L’intervention de la République Française auprès des organismes directeurs du Marché Commun pour que ceux-ci attendent la conclusion des événements avant d’honorer leurs engagements vis-à-vis de la Fédération du Mali ;
4° Les termes mêmes du message de félicitations du Général de Gaulle à M. Senghor, nommé Président de la République du Sénégal ;
5° L’aveu du Premier Ministre de la République Française de son action, en décembre dernier, auprès de M. Senghor et Dia, pour qu’ils transforment la Fédération du Mali en confédération ;
6° La reconnaissance par le Gouvernement Français de l’indépendance du Sénégal. Cela se conçoit aisément puisque ce sont les dirigeants français qui ont inspiré, préparé, déclenché, soutenu la sécession de la République du Sénégal ;
7° Enfin, la demande d’ajournement par la France à l’O.N.U. de l’admission de la Fédération du Mali.
Nous ne voulons pas abuser de votre patience en faisant un long développement que j’estime en la circonstance inutile. Il s’agit donc pour nous de prendre des décisions en fonction des seuls intérêts de la République Soudanaise.
Dans un monde de plus en plus tourmenté où la légalité n’apparaît qu’à travers les intérêts stricts des pays, la lutte pour nous devra s’engager sur le plan politique.
Nous demeurons certes fidèles à l’idée de la Fédération africaine, nous nous considérons toujours liés par le serment du 17 janvier 1959. Mais pour le succès de notre action en faveur de la Fédération, il est indispensable et urgent que la République Soudanaise s’affirme sur le plan africain et sur le plan international. C’est la raison pour laquelle nous vous invitons à autoriser l’Assemblée législative :
1° A appréhender les compétences transférées par la République Soudanaise à la Fédération du Mali ;
2° A proclamer comme État indépendant et souverain la République Soudanaise ;
3° A proclamer que la République Soudanaise s’appelle République du Mali, libre de tous engagements et liens politiques vis-à-vis de la France, comme la Haute-Volta, la Côte d’Ivoire, le Niger, le Dahomey. C’est la conséquence logique de la caducité des accords franco-maliens que la France a délibérément violés en reconnaissant la République du Sénégal comme État indépendant.
Notification de ces décisions sera faite au Gouvernement Français, à l’Organisation des Nations Unies et à tous les pays indépendants.


Fidèles à notre idéal d’union et de paix, j’insiste sur ce mot, nous sommes décidés à établir des relations amicales avec tous les États du monde, sans exclusive aucune, singulièrement avec ceux d’Afrique qui seront désireux de promouvoir une politique d’union et de progrès, de s’engager résolument dans la lutte pour la libération totale du Continent africain et l’établissement d’une paix durable entre tous les peuples.
La République du Mali est née. Le Mali continue. Le mot Mali continuera à résonner comme un gong sur la conscience de tous ceux qui ont œuvré à l’éclatement de la Fédération du Mali ou qui s’en sont réjouis. Nous restons mobilisés pour l’idée de la Fédération qui, malgré tout, demeure une semence virile de l’unité africaine. Nous avons perdu une partie, mais nous gagnerons la manche, in Challah. Les puissances d’argent, les forces rétrogrades et impérialistes n’y pourront rien.

 


Camarades, la Fédération du Mali en tant qu’entité territoriale n’existe plus. Son support politique était le Parti de la Fédération Africaine dont le Président est M. Senghor. La rupture entre la République Soudanaise et la République du Sénégal provoquée par des contradictions politiques fondamentales, met en cause l’existence et le fonctionnement du P.F.A. D’autre part, celui-ci était l’expression politique d’une idée à laquelle nous demeurons attachés mais qui fut trahie dans des circonstances peu honorables par son Président et l’Union Progressiste Sénégalaise. Le P.F.A. ne peut donc pas survivre à l’éclatement de la Fédération du Mali. L’Union Soudanaise-R.D. A. doit se libérer de toute attache avec cette formation politique, garder son autonomie jusqu’à ce que puissent s’affirmer des positions claires et nettes sur les problèmes politiques et économiques que les États africains ont à affronter au lendemain de leur indépendance. Plus de construction politique dans l’équivoque. Clarté dans nos positions, clarté dans celles de nos partenaires éventuels, voilà les conditions indispensables d’une dépendance quelconque de l’Union Soudanaise-R.D. A. vis-à-vis de formations politiques africaines. L’Union Soudanaise-R.D. A., fidèle à son option fondamentale en faveur de la paix et l’unité africaine, est décidée dès maintenant à établir des relations de bonne volonté, d’amitié et de solidarité avec tous les partis politiques mobilisés pour la paix, pour la libération du Continent africain de toute domination étrangère et pour l’unité des peuples africains.
Camarades, vous pouvez faire confiance au Bureau politique, au Comité directeur.

Nous voulons ce que vous voulez. Il n’y a pas de temps à perdre. Toutes les Maliennes et tous les Maliens doivent se considérer comme mobilisés pour la construction de la République du Mali, patrie de tous ceux qui sont fermement attachés à la réalisation de l’Indépendance et de l’Unité africaine, toutes les Maliennes et tous les Maliens doivent accepter tous les sacrifices pour que notre pays puisse sortir grandi, rayonnant, de l’épreuve qu’il traverse pour que les Africains libres, réellement libres, puissent, sans possibilité d’ingérence, s’unir pour que s’affirme une grande nation africaine qui marquera de son sceau la politique internationale, pour que la paix, espoir des peuples en voie de développement, s’établisse entre tous les pays du Monde.

Perspective monde

 

Source: L’Informateur
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