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Un accord sur le nucléaire iranien a été trouvé

Rarement dans les annales de la diplomatie, une négociation aura été aussi longue et compliquée. Au terme de plusieurs prolongations et d’une ultime journée de tractations fiévreuses, l’Iran et les pays du « P5+1 » (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) sont finalement parvenus à un compromis sur le nucléaire iranien, aux premières heures de la journée mardi 14 juillet à Vienne, ont confirmé des sources diplomatiques concordantes au Monde. Une réunion plénière « finale » doit avoir lieu aux alentours de 10 h 30 pour confirmer officiellement cet accord, fruit de douze ans de négociations.

 

centrale nucleaire bombe uranium radioactive

Cette percée « est un succès sans précédent de la diplomatie multilatérale sur un enjeu majeur de sécurité collective », relève Ali Vaez, spécialiste de l’Iran à l’International crisis group (ICG).

Cet accord repose sur trois piliers :

  • Une limitation du programme nucléaire iranien pendant au moins une décennie.
  • Une levée des sanctions internationales contre l’Iran.
  • Un renforcement des contrôles.

Cela revient, juge un diplomate occidental, « à mettre plus d’yeux sur moins de matériel, dans moins d’endroits ». En revanche, ce texte ne prône pas le démantèlement du programme iranien, comme initialement envisagé lors des premières négociations, conduites par les Européens entre 2003-2005. Il encadre, bride et surveille de plus près les infrastructures iraniennes dans le but d’empêcher Téhéran de se lancer dans une course clandestine à la bombe atomique. Ce qu’il permet surtout, c’est de gagner du temps.

Levée graduelle des sanctions

Les protagonistes font le pari qu’il sera plus avantageux pour Téhéran de respecter, dans la durée, les clauses de cet accord, qui s’accompagnera de retombées substantielles avec la levée graduelle des sanctions et le déblocage, à terme, de près de 150 milliards de dollars (135 milliards de dollars) d’avoirs gelés à l’étranger.

Le dégel de cette manne inquiète au plus haut point Israël et les monarchies sunnites du Golfe, qui redoutent que l’Iran utilise cette trésorerie pour soutenir encore davantage les milices chiites au Proche-Orient et pour renforcer aussi les capacités militaires de l’Iran, à un moment où Téhéran est activement impliqué dans les grandes crises de la région, de la Syrie à l’Irak, en passant par le Liban et le Yémen.

Fondamentalement, les adversaires de l’accord de Vienne redoutent que ce compromis ne fera que retarder, et pas empêcher, l’Iran de devenir une puissance nucléaire. Ce n’est pas faux. A cela, les diplomates présents à Vienne rétorquent que cette solution négociée est la seule voie pour désamorcer une crise qui était, de toute façon, imminente puisque l’Iran est déjà sur le seuil de pouvoir se doter d’une arme atomique s’il le souhaite.

De plus, soulignent les partisans de l’accord, ce compromis enraye l’escalade mutuelle de la dernière décennie pendant laquelle l’Iran n’a cessé d’augmenter son dispositif nucléaire malgré l’imposition de sanctions internationales de plus en plus contraignantes. Celles-ci ont ralenti le développement du programme nucléaire iranien mais ne l’ont pas enrayé.

En 2003, lors des premières négociations, l’Iran ne disposait alors que de 160 centrifugeuses, contre près de 20 000 aujourd’hui, qui servent à transformer l’uranium. Enrichi à un niveau élevé, il peut ensuite être utilisé pour fabriquer une bombe atomique. D’où le pari qui sous-tend l’accord de Vienne : mieux vaut négocier un encadrement contrôlé des infrastructures iraniennes, plutôt que de miser sur des sanctions qui n’ont pas empêché l’Iran d’avancer vers la maîtrise d’une filière nucléaire au cours des dernières années.

Un impact géopolitique

Quant aux retombées diplomatiques de cet accord, elles sont potentiellement nombreuses mais encore incertaines. « Comme tous les accords de désarmement, celui de Vienne se focalise sur un aspect restreint mais qui exacerbe tous les autres problèmes entre l’Iran et les reste du monde », note Ali Vaez.

Le compromis de Vienne pourrait constituer le premier pas vers une normalisation des relations entre l’Iran et les Etats-Unis, rompues en 1980 après la prise d’otages à l’ambassade américaine de Téhéran. Et par là même, amorcer une coopération plus ouverte entre Washington et Téhéran sur les crises en Syrie et en Irak.

A plus court terme, un accord aura sûrement un impact non négligeable sur les marchés mondiaux de l’énergie, en levant les restrictions à l’exportation des immenses réserves iraniennes d’hydrocarbures. Pendant les tractations dans la capitale autrichienne, M. Zarif a ouvertement fait allusion à ces perspectives en cas d’accord.

« Nous sommes prêts à ouvrir de nouveaux horizons pour affronter les défis importants et communs. Aujourd’hui, la menace commune est le développement de l’extrémisme violent et de la barbarie sans limites », a-t-il dit dans une vidéo postée sur Youtube, dans une allusion au groupe djihadiste Etat islamique (EI). « Pour affronter ce nouveau défi, de nouvelles approches sont absolument nécessaires », a souligné le chef de la diplomatie iranienne, une allusion voilée à la coalition internationale contre l’EI dirigée par les Etats-Unis en Irak et en Syrie, à laquelle ne participe pas l’Iran, qui soutient de son côté les régimes irakien et syrien contre le groupe djihadiste.

Avant d’en arriver là, il faudra encore attendre la mise en œuvre de l’accord de Vienne. Ce premier test permettra de mesurer la volonté de coopération, ou non, de l’Iran.

Si tout se déroule sans obstacles, le texte de Vienne doit maintenant être approuvé par le Congrès américain et par le Parlement iranien. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sera ensuite mandatée pour conduire des premières vérifications pendant l’automne. Et si cette instance de l’ONU certifie que l’Iran joue le jeu, les premières levées de sanctions pourraient intervenir vers la fin de l’année 2015. Pour le moment, les diplomates savourent leur satisfaction d’avoir pu sceller un accord introuvable depuis plus de douze ans. Mais ces tortueuses négociations ont aussi incité les uns et les autres à la prudence. « Il existe deux thèses sur l’impact d’un accord, relève un négociateur : ou bien il pousse l’Iran à avoir une attitude plus ouverte, ou bien il incite le régime à compenser cette ouverture par une plus grande rigidité intérieure ».

 

Le Monde.fr | • Mis à jour le | Par Yves-Michel Riols (Vienne, envoyé spécial)

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