Ces manifestations surviennent quelques jours après que M. Saied, qui s’est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet, a prolongé d’un an le gel du Parlement — dominé par le parti d’inspiration islamiste Ennahdha, sa bête noire — jusqu’à la tenue de nouvelles législatives le 17 décembre 2022.
Au préalable, il entend réformer, via un référendum, la Constitution de 2014 qu’il juge trop déséquilibrée en faveur du Parlement.
Un peu plus d’un millier de personnes opposées à M. Saied se sont retrouvées bloquées par des cordons policiers à l’entrée du centre ville, selon l’AFP. « Le peuple veut ce que tu ne veux pas », « A bas le coup d’Etat » ou encore « le peuple veut destituer le président », scandaient-ils.
A moins d’un kilomètre de là, près de 200 partisans du président étaient rassemblés devant le Théâtre municipal, avec pour slogans: « le peuple veut assainir la Justice » ou « le peuple veut juger les corrompus ».
– « 10 ans de démocratie » –
Dans le camp des opposants au président, Samira, 42 ans, souligne que « la rue tranchera. Nous n’abandonnerons pas 10 ans de démocratie ». Ibrahim, 50 ans, estime pour sa part que les difficultés économiques « ne justifient pas » que M. Saied concentre tous les pouvoirs.
« Nous sommes contre le coup d’Etat et les dernières mesures du président », renchérit Abdellatif Mekki, ancien cadre dirigeant d’Ennahdha.
Signe d’une polarisation croissante, le ton est tout autre chez les partisans du président. Pour Mouna Akremi, la trentaine, « durant 10 ans, la Révolution a été volée par les Frères musulmans qui ont détourné les revendications du peuple ».
La division entre pro et anti-Saied était similaire à Sidi Bouzid (centre-est), berceau de la Révolution de 2011, où ils étaient plus de 600 à participer côte à côte aux commémorations de l’immolation le 17 décembre 2010 du vendeur ambulant Mohammed Bouazizi, coup d’envoi de vastes manifestations et du Printemps arabe.
M. Saied a décidé en début de mois de commémorer la Révolution tunisienne le 17 décembre, alors que l’anniversaire était jusque-là célébré le 14 janvier, jour de la fuite de l’ex-dictateur Zine el Abidine Ben Ali. Pour M. Saied, cette date n’était pas appropriée car la Révolution reste à ses yeux inachevée.
« Nous n’avons pas fait une révolution pour que Kais Saied accapare tous les pouvoirs, il n’est pas le chef de la révolution », a protesté auprès de l’AFP le militant Lasaad Bouazizi, 53 ans, rappelant que les Tunisiens ont voté pour « avoir un Parlement, une preuve de démocratie ».
– « rien de vraiment concret » –
« Il a fait une sorte de coup d’Etat mais la vie est toujours chère, le chômage toujours fort et nous vivons toujours dans l’indifférence », déplore Saida Hamdi, une mère au foyer de 50 ans.
De son côté, Hamza Hajlaoui, un chômeur de 36 ans, a perdu tout espoir: « nous n’arriverons à rien dans ce pays. Ni Ennahdha, ni Kais Saied, ni Ghannouchi (le chef d’Ennahdha), ni aucun parti politique n’arrivera à faire quelque chose ». « La seule idée qui fonctionne c’est d’immigrer clandestinement », dit-il, prédisant que « le peuple va se diviser et que ce sera pire dans les années à venir ».
Pour Youssef Cherif, du centre de recherche Columbia Global Centers, « la majorité de la population est désenchantée par la classe politique ».
La présidence tunisienne a diffusé vendredi un message de M. Saied adressant ses « félicitations au peuple tunisien » pour l’anniversaire de la Révolution, appelant à la poursuite « du processus au sein des institutions étatiques et via de nouvelles législations afin que le peuple recouvre ses droits au travail, à la liberté et à la dignité nationale ».
SOURCE : AFP