Au Mali, on a tendance à dire que « ni mogo min chii bana, foy té sé ka saya bali » ( quand l’heure d’une personne arrive, rien ne peut empêcher sa mort). Cette assertion réelle, a forte connotation religieuse constitue aujourd’hui une philosophie pour ceux qui n’ont aucune volonté d’agir en ayant l’espoir. L’histoire que nous allons vous conter à travers ces lignes et avec un grand chagrin est bien sordide et démontre à quel point la vie humaine n’est plus sacrée aux yeux de certains maliens, particulièrement aux yeux de ceux qui doivent à tout prix la défendre en application de leur serment d’Hippocrate.
Dans la matinée du Samedi 03 Juin dernier, nous avons appris la triste nouvelle du décès de Della DEMBELE morte des suites d’un accouchement. La jeune Della, âgée de 19 ans venait de se marier à notre Collègue affectueusement appelé « Brama ». Ensemble, le jeune couple attendait son premier bébé, un petit garçon. Arrivée au centre de Santé de référence de la commune 6 de Sogoniko dans la matinée du Mercredi 31 Mai pour l’accouchement , Della a donné naissance aux environs de 8 heures du matin , a un petit garçon en pleine santé. La joie, sans nulle pareil n’a point duré, car Depuis lors Della n’a plus ouvert les yeux. La jeune dame qui venait d’accoucher a semble-t-il, selon son médecin traitant, eu une hémorragie qui l’a conduite dans le coma. Apres 24 heures ou la famille de l’intéressée était laissée a elle-même, sans des explications claires, nous avons décidé d’aller sur les lieux et comprendre ce qui s’y déroulait réellement afin de comprendre comment encore en 2023, une femme en couche peut sombrer dans le coma sans que l’équipe médicale en charge ne puisse correctement informer la famille.
C’est ainsi que des membres de notre rédaction se sont rendus sur place le jeudi matin (01 juin) . Sur les lieux, nous avons été atterrés de voir une jeune femme pale, alitée et qui ne donnait aucun signe de vie. En voulant en savoir davantage sur la situation de la jeune Della , nous nous sommes mis à la recherche d’un membre du corps médical qualifié et imprégné de a situation, ce fut laborieux. C’est finalement une infirmière qui est venue à nous et , qui prise de panique par nos questions, nous a clairement signifié « ne rien savoir », une aberration. C’est ainsi qu’elle alla appeler le médecin en chef en charge de notre chère Della. Celui-ci, nous voyant poser trop de questions a fini par nous demander qui nous étions pour la jeune dame . Comprenant les liens qui nous liaient, le médecin indiqua alors rapidement que la jeune dame en état d’inconscience avait en réalité un besoin urgent de sang car en ayant perdu énormément lors de l’accouchement, une chose qu’il avait omis de dire aux proches de Della, dans le coma depuis plus de 24 heures, un scandale !
Dans la soirée du jeudi, voyant que l’état de Santé de Della ne s’améliore guère et que trop d’attention était porté sur leur patiente, l’équipe médicale du centre de santé de sogoniko décida de la transférer au CHU du Point G. Arrivée sur les lieux, les médecins qui ont pris la relève n’ont pas manqué de manifester leur étonnement face à l’état désastreux de la jeune patiente. « Ils voulaient la tuer ou quoi ? » s’est exclamé un membre du corps médical du CHU du point G. Le lendemain, dans la journée de vendredi, la jeune Della a été transférée à la réanimation du Point G. Apres quelques analyses, les médecins nous signifiait que son état était « stable » mais qu’elle souffrait d’une anémie sévère et avait urgemment besoin de sang puis qu’elle continuait à saigner . Apres l’achat des médicaments prescrits par ordonnances, des analyses effectuées et des transfusions sanguines dont elle a bénéficié, nous avions encore l’espoir ce vendredi 02 Juin, en quittant l’hôpital que très vite Della allait rouvrir les yeux. Mais tel ne fut malheureusement pas le cas.
Au matin du quatrième jour de son accouchement, soit le samedi, nous fumes informés du décès de Della. Dans ces moments atroces que vécût sa famille et ses proches, les prières et les larmes ne cessèrent et les condamnations à l’encontre du corps médicale négligeant du centre de santé de Sogoniko fusèrent. Comment comprendre une telle nonchalance de soi-disant médecins vis-à-vis de la vie humaine ? Comment comprendre que la mort entre leurs mains leur paraisse si misérable et insignifiante ? Comment comprendre qu’encore en 2023 des femmes meurent en couche par faute de négligence avérée et qu’on remette tout sur Dieu ? Comment comprendre que dans un centre de santé de référence tel que celui de sogoniko, les médecins soient aux abonnés absents au profits des stagiaires ? Comment comprendre que dans un centre de santé dit de référence, un nouveau-né n’ai pas été conduit à la pédiatrie et n’ai eu de carnet de naissance confectionné que 48 heures après sa naissance et à la suite de la visite de notre directrice de publication ?
On retient fondamentalement de cette triste histoire que notre système sanitaire est lamentable et à refonder. Cette charge n’incombe pas uniquement à nos autorités mais a notre corps médical également qui, devenu assoiffé d’argent, en vient à mépriser la vie humaine et a traiter son prochain comme si eux même n’avaient point de parent qui un jour auront besoin certainement de soins de Santé. La charge incombe à nos autorités de suivre ce qui se passe dans ces hôpitaux et centres de santé devenus des mouroirs à ciel ouvert ; et de sévir quand cela est nécessaire pour que plus jamais la vie humaine ne soit bafouée la ou elle devrait être la plus sacrée. Il est bon de se rappeler, que peu importe notre confession religieuse et notre rang dans la société, que tout bien que l’on fait nous revient et tout mal que l’on fait nous revient aussi. Pour le moment, en attendant que les autorités prenne le mal à bras le corps, que ces hommes et femmes prennent conscience , que la fatalité n’est pas une science exacte et relisent l’ampleur des dégâts causés, le jeune Della Dembélé vient s’ajouter aux centaines de femmes qui meurent en couche chaque année au Mali.
Le bébé quant à lui se porte bien mais n’aura jamais la chance d’être pris dans les bras de sa maman et ne connaitra jamais l’amour de sa mère.
Que le paradis Al Firdaws soit la dernière demeure de toutes celles qui ont perdu la vie en couche. Honte à ces agents de santé pour qui une vie ne veut plus rien dire.
AWA CHOUAÏDOU TRAORE – NOUVEL HORIZON