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[Tribune] Ce que la France défend réellement au sahel

Polémiques, conflits, émeutes, coups d’État, guerres, attentats, l’époque est à la colère et à la terreur. Ces mots ne cessent de revenir dans l’espace public.

Pour le philosophe Emmanuel Kant, la guerre serait greffée dans la nature humaine. Tout observateur averti du sahel s’apercevra que la présence militaire française dans cette région vise la déstabilisation des États souverains que sont ses anciennes colonies afin de sauver son patrimoine et sa suprématie. C’est pourquoi « il y a la France au Tchad, il y a donc la France au Sahel » et non pas de rébellion.

Plus d’une décennie nous sépare de la mort du guide libyen Mouammar Kadhafi, tué par ses ennemis. Son corps a même été exposé et les Libyens partaient le filmer comme un trophée de guerre.

La France de Nicolas Sarkozy venait de débarrasser la Libye de son dictateur. Après cette mission en octobre 2011, voyant les combattants libyens s’installer au Mali, il fallait s’attendre à l’embrasement de toute l’Afrique de l’Ouest. Cette disparition du guide libyen a été une porte ouverte au terrorisme dans la région.

Nombreux sont les Africains qui se demandent toujours de la source du financement des activités terroristes. Ce qui reste sûr, rares sont les présidents africains qui peuvent financer cette activité, ne serait-ce que pendant deux ans.

Le terrorisme coûte extrêmement cher

Aujourd’hui, on nous dit que la France est au four et au moulin pour combattre le terrorisme et défendre la démocratie en Afrique. Le combat de ce « pays des droits de l’homme » contre le terrorisme et pour la démocratie, tant vanté, est épouvantablement fallacieux. La présence militaire française au sahel vise plutôt d’autres objectifs.

Le Qatar est un financeur massif du terrorisme. Pourtant, il n’y a pas d’intervention militaire française au Qatar. En termes de dangerosité de propagation du terrorisme, le Qatar est plus dangereux que les combattants du nord du Mali, en guise d’exemple. Pourquoi il n’y a-t-il pas d’intervention militaire française au Qatar ?

La présence de la France au sahel ne se justifie pas non plus pour le combat contre l’islamisme. La plus grande puissance dangereusement islamiste, c’est l’Arabie Saoudite. Pourtant, c’est la France qui lui vend des armes. Si c’était pour combattre l’islamisme, la France continuerait-elle à vendre des armes à ce pays ?

Elle ne vise pas non le rétablissement de la démocratie ou la défense de ce régime politique. Parce qu’au Sahel, l’armée française bombarde les « rebelles », qui combattent pour imposer leur volonté, au Tchad. Pays qu’elle soutient malgré un contexte très particulier et pire que celui du Mali ou du Burkina Faso.

Si la démocratie (pour paraphraser le professeur Ayissi Lucien) est l’appropriation de la politique par le peuple souverain, avec quel mandat populaire, Macron promet-il aux Tchadiens la sécurité, la paix et la garantie de leur intégrité territoriale ? 60 ans après les indépendances, c’est un État sous tutelle étrangère, qui est le pilier de notre sécurité ? Comment peut-elle réaliser de telles promesses sans se rendre coupable de complicité active dans la déstabilisation d’un État souverain ?

« Si la démocratie est le meilleur des régimes, elle est politiquement falsifiée et idéologiquement déterminée lorsqu’on s’en sert comme une arme de déstabilisation massive des États », conclut le professeur Ayissi Lucien (philosophe).

Si la démocratie n’est pas falsifiée pour servir d’arme de déstabilisation massive des États par les donneurs de leçon, comment, sans transition, Macron peut-il légitimer un coup d’État constitutionnel au Tchad et le délégitimer au Mali ?

Que reste-t-il à la France pour sauver son patrimoine et sa suprématie ? Elle doit semer le chaos dans ses anciennes colonies. Car la paix est le principal facteur de développement. Une fois que toutes les autres pistes seront évacuées, quel est donc le véritable motif de la présence militaire française au Sahel ?

Un intérêt « géoéconomique »

C’est pour protéger l’accès de certaines grandes firmes françaises aux ressources stratégiques du Sahel. C’est la communication des autorités françaises et de l’armée française. Regardant la carte du Mali, nous avons la Mauritanie puis le Niger. Au Niger, il y a AREVA (une grande multinationale française) qui exploite des gisements d’uranium pour les centrales nucléaires françaises. En Mauritanie, la France exploite du pétrole à travers sa firme appelée TOTAL. Au nord du Mali, nous avons une situation révoltante.

La défense de son intérêt « géoéconomique » est le principal motif de sa présence au Sahel parce que ce n’est pas seulement au Tchad. D’où la prolifération des conflits armés, des insurgés qui combattent la dictature installée par feu Idriss Deby Itno au Tchad. La France, au nom du soi-disant serment de fraternité, bombarde ceux qui veulent faire appliquer les principes de la démocratie. La France est donc toujours dans un jeu d’intérêt au Sahel. Dans ce contexte, difficile d’espérer sur une paix une paix durable dans cette région africaine.

Tidiani Bakary Guindo

Sahel Tribune

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