Bourama Doumbia est un traumatologue traditionnel qui soigne gratuitement des milliers de personnes victimes de fractures en tous genres. À cheval entre Ouezzindougou et Samanko en périphérie et au sud-ouest de Bamako, son centre de soins refuse du monde et est confronté à d’énormes difficultés en termes de capacités d’accueil.
Trois petites maisons non clôturées servent de lieux d’hospitalisation, deux en dur et une en banco. Elles regorgent de patients couchés sur des nattes étalées au sol. Dans l’une des salles, le praticien Bourama Doumbia s’occupe d’une vielle dame. Il tient un pot contenant du beurre de karité sur lequel il formule, à voix très basse, des incantations accompagnées de petits crachats. La mixture est par la suite appliquée sur les deux genoux de la malade. D’autres attendent leur tour. La quasi-totalité a abandonné les grands hôpitaux au profit de la traumatologie traditionnelle et de Bourama Doumbia, qui exerce depuis 30 ans.
Par hasard
C’est après avoir été victime d’une fracture au bras, sous le régime du Président Moussa Traoré, que Bourama Doumbia a été initié à la traumatologie traditionnelle, par celui qui l’a soigné. « C’était un vieil homme de Samanyana, Guindo Balla Diakité, décédé aujourd’hui», se souvient-il.
Pour être reconnaissant et assurer la postérité, il a formé à son tour 15 anciens patients qui l’assistent aujourd’hui dans la prise en charge des malades. « Je suis le premier patient que Bourama Doumbia ait soigné. J’avais été victime d’une fracture à la jambe. Après une mauvaise première prise en charge, la mère de Bourama Doumbia a conseillé à la nôtre, car nous étions voisins, d’aller voir son fils. Nous avons fait ainsi et il m’a soigné. Ensuite, à chaque fois qu’il y avait des fractures dans le voisinage, on venait demander conseil à mes parents. Et nous les amenions chez Bourama Doumbia », explique Abdoulaye Traoré, aujourd’hui son adjoint.
Des patients comblés
Selon Bourama Doumbia, les malades du centre viennent de partout, de Guinée, du Sénégal, du Burkina. Il y a même des Maliens de France. Même pour la prise en charge de fractures très graves, le maître Doumbia soigne sans contrepartie, mais il ne refuse aucune main tendue. « Hier, j’ai commencé à soigner un homme qui a été victime de l’effondrement d’une mine artisanale. Il a eu le dos fracturé », explique-t-il.
La qualité des interventions de Bourama Doumbia est saluée. « J’ai un cousin qui a été victime d’une fracture au dos à cause d’un accident. On a fait beaucoup de grands hôpitaux qui nous demandé de l’évacuer vers l’étranger. On n’avait pas les moyens de le faire et un de nos voisins nous a conseillé de venir voir Bourama Doumbia. Aujourd’hui, grâce à Dieu, il a été bien pris en charge et a repris son travail de chauffeur », témoigne Djibril Sidibé, membre de la Garde nationale.
« Mon fils est tombé à vélo. Nous l’avons emmené à l’hôpital et fait des radios. On nous a dit que ce n’était pas une fracture. Sa jambe s’est enflée durant 16 jours. Lorsque l’on l’emmenait dans ce centre de traumatologie traditionnelle, je ne savais plus s’il pourrait se lever un jour. Bourama Doumbia a sauvé mon fils de la mort », renchérit Ténin Diarra, ménagère, au chevet de son garçon.
Difficultés
Fin janvier, Bourama Doumbia avait en charge 318 patients. Les trois petites salles du centre étant insuffisantes pour la prise en charge de tous, plusieurs ont loué des logements proches du centre. En outre, les soins étant prodigués sans contrepartie exigée, Bourama Doumbia et ses 15 apprentis ont des difficultés à concilier leur vie professionnelle avec le centre de traumatologie traditionnelle. « Certes, on bénéficie de bénédictions comme on le dit, mais une bénédiction, ça ne fait pas bouillir la marmite. Sinon, je ne serais pas obligé d’aller nettoyer les bureaux de l’ICRISAT (Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides) pour subvenir à mes besoins. Il en est de même pour mes apprentis ».
Pour soulager le centre, un bienfaiteur a offert 11 terrains nus d’une dimension de 15 / 20, pour un coût de 72 millions de francs CFA. Il y a également construit un bâtiment et six toilettes.Une ONG a aussi fait don d’un forage. « Je ne demande pas de liasses d’argent, juste des possibilités pour donner un toit aux malades », plaide Bourama Doumbia.
Source : Journal du Mali