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Transition : l’An 1 de la rectification

Il y a un an, la transition malienne prenait une nouvelle trajectoire. Après l’annonce de la liste du nouveau gouvernement, qui écartait les colonels Sadio Camara et Modibo Koné, le colonel Assimi Goita, alors Vice-président, faisait arrêter Bah N’Daw et Moctar Ouane. Le lendemain, ils seront placés hors de leurs prérogatives. Depuis, c’est le duo Assimi – Choguel qui est au sommet de l’État, pour conduire, selon la formule consacrée par le Premier ministre, la « rectification » et refonder le Mali. Après un an de cette gouvernance partagée avec Choguel Kokalla Maïga, le pays peine toujours à trouver sa voie à la suite de deux coups d’État. 

 

Les nouveaux ministres ne l’auront été que quelques minutes. Après la lecture de la liste du gouvernement Ouane II par le Secrétaire général de la présidence, le Dr Kalilou Doumbia, les évènements se sont accélérés. Bah N’Daw et son Premier ministre sont arrêtés et démis de leur fonction le lendemain. Il leur est reproché la non inclusivité dans la formation du gouvernement et l’incapacité à gérer le climat social, entre autres. Le colonel Assimi Goita, alors Vice-président de la transition, mais que certains voyaient déjà comme le vrai chef, prend les rênes de l’État. Ce qui allait devenir un coup d’État le lendemain, le 25 mai, venait de commencer. Un deuxième coup de force des ex membres du CNSP un an après celui du 18 août 2020. Un événement rocambolesque, digne d’un film hollywoodien, dont l’épilogue fera du Vice-président le nouveau chef de l’État, le 7 juin 2021, et du Président du Comité stratégique du M5 – RFP, Choguel Kokalla Maïga, le nouveau Premier ministre. Celui-ci va aussitôt annoncer une nouvelle ère : celle de la « rectification » de la transition.

Ce qui a changé

Arrêtés puis mis en résidence surveillée, Bah N’Daw et Moctar Ouane sont aujourd’hui libres de leur mouvement. « Le Président Bah N’Daw a retrouvé ses avantages d’ancien chef d’État, avec des bureaux vers Niarela. Quant au Premier ministre Ouane, il a retrouvé sa liberté de mouvement et passe son temps entre les visites sociales, la lecture et l’écriture. Il a des projets de déplacement, mais il attend que la situation s’améliore pour éviter que ses voyages ne donnent lieu à des interprétations », confie une source proche de Moctar Ouane.

De péripéties en péripéties, la situation du pays bascule de jour en jour. Des sanctions économiques et financières de la CEDEAO et de l’UEMOA depuis plus de quatre mois, une brouille diplomatique avec la France, la fin de l’Opération Barkhane, la suspension définitive de RFI et de France 24, un retour aux sources avec le partenaire historique Moscou, le retrait du G5 Sahel, l’annonce d’une tentative de coup d’État avortée, etc. sont quelques-uns faits marquants de cette première année de rectification de la transition.

Sur les 64 actions à réaliser dans le cadre du Plan d’action du Gouvernement (PAG), selon le Bureau opérationnel de suivi, seulement 34,38% ont été entièrement réalisées. Par rapport au premier axe du PAG, à savoir le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire, l’armée a adopté une position plus offensive et s’est efforcée de combler le vide sécuritaire que va laisser Barkhane. Le renforcement des capacités des FAMA s’est poursuivi, notamment avec « le recrutement de 6 000 éléments, l’acquisition de 9 aéronefs, la réalisation de 11 500 patrouilles de sécurité, la construction et l’opérationnalisation de 43 postes de sécurité, etc. »

Au titre de l’axe 2, les réformes politiques et institutionnelles, le peu d’actions réalisées concernent surtout la tenue des Assises nationales de la refondation et l’adoption du projet de loi électorale en Conseil des ministres. Il consacre la création de l’Autorité indépendante de gestion des élections.

Par rapport à la promotion de la bonne gouvernance, le Gouvernement a annoncé plusieurs audits de dépenses, dont notamment ceux de la Loi de programmation et de sécurité intérieure, du fonds Covid-19, de l’Assemblée nationale, du Haut conseil des collectivités, de la Haute cour de justice, etc. Plusieurs dossiers judiciaires sont également instruits pour soupçons de corruption. Mais de nombreuses personnalités n’ont pas encore été jugées et Soumeylou Boubeye Maiga, ancien Premier ministre, est même décédé dans une clinique alors qu’il était toujours sous mandat de dépôt.

Parlant de l’adoption d’un pacte de stabilité sociale, le dernier axe du PAG, des efforts ont été consentis dans la réduction du train de vie de l’État, notamment la réduction des fonds de souveraineté de la Présidence et de la Primature, « dont 2/3 ont été réaffectés aux œuvres sociales ». Cependant, la tenue de la Conférence sociale et la signature d’un pacte de stabilité sociale se font toujours attendre, alors que plusieurs mots d’ordre de grève sont suspendus et pourraient être déclenchés de nouveau en cas d’évolution négative de la situation politique avec la CEDEAO et l’UEMOA.

Un bilan controversé

Sur les quatre axes du PAG, le succès du premier, portant sur le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, semble faire l’unanimité au détriment des autres. « Nous nous félicitons de la montée en puissance de nos FAMa,  qui font aujourd’hui un travail extrêmement important, que nous soutenons. À part le volet militaire, il n’y a rien de positif », déclare Amadou Koïta, Porte-parole du Cadre d’échange des partis politiques pour une transition réussie. « Le seul changement notable que nous constatons, c’est la montée en puissance de l’armée. Il y a aujourd’hui des zones qui ont été libérées et cela est indéniable. Mais, sur les autres aspects, je pense qu’il y a une stagnation », pense Yaya Sangaré, Secrétaire général de l’ADEMA.

Cependant, l’ancien député Moussa Diarra se réjouit du bilan de l’année dite de la rectification et relativise. Selon lui, la transition a pris du plomb dans l’aile à cause des sanctions économiques et financières de la CEDEAO et de l’UEMOA. « Nous sommes plus que satisfaits du bilan d’une année de nos autorités. Après la rectification, ce sont des efforts considérables qu’on a enregistrés au niveau sécuritaire. C’est l’embargo imposé au Mali depuis le 9 janvier dernier qui a freiné les élans de nos autorités. Il y a eu non seulement une rectification de la transition, mais aussi du budget de l’État, dont le maximum a été alloué au secteur de la Défense et de la  sécurité. »

Adama Diarra, membre du Conseil national de transition et porte-parole de Yerewolo – Debout sur les remparts, abonde dans le même sens. « J’ai reçu personnellement plus de 27 demandes écrites de nationalité malienne de la part de mes camarades panafricains de tous les horizons. Cela veut dire tout simplement que nous sommes sur la bonne voie et que nous devons continuer. L’histoire des cinq colonels sera enseignée dans les écoles africaines et françaises », renchérit-il.

Cependant, malgré le contexte de crise difficile de la gouvernance de la transition, marqué par les sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA, les autorités ont été éclaboussées par plusieurs scandales, des pratiques antérieures contre lesquelles le peuple s’est soulevé. Il s’agit notamment de ceux nés de récents concours de recrutement de la Police, de la Caisse nationale d’assurance maladie et de l’affaire de l’attribution des logements sociaux.

Malgré la multiplication des œuvres sociales de la Présidence, aujourd’hui plusieurs localités restent sevrées de services sociaux de base, en dehors de toute opération de communication. « L’eau ne coule pas dans les robinets de plusieurs localités, malgré les dons de forages dans le cadre des œuvres sociales du Président. Les délestages de courant continuent et provoquent le mécontentement des consommateurs. Les écoles restent fermées dans plusieurs localités et les hôpitaux sont dans des conditions d’hygiène ne favorisant pas la santé des malades », déclare Mamadou Sansy Bah, Président du Réseau des jeunes des partis politiques du Mali.

Défis

Malgré des insuffisances pointées du doigt, le dernier sondage Mali-Mètre, l’enquête d’opinion politique de la Friedrich Ebert Stiftung publiée en mai 2022, indique que «  plus de quatre personnes enquêtées sur cinq (84%) » pensent que « la situation générale du pays s’est améliorée au cours des douze derniers mois ». Le sondage poursuit « plus de neuf personnes sur dix sont satisfaites (67% très satisfaites et 28% plutôt satisfaites) de la gestion de la transition ». Et c’est en le Président de la transition que « plus de 72% des enquêtés ont le plus confiance ».

Le défi des autorités de la transition sera de continuer à bénéficier de ce soutien populaire, qui se manifeste lors de grand rassemblements. Alors que les diplomates et les médiateurs sont toujours à la recherche d’un consensus sur le nouveau chronogramme de la transition avec la CEDEAO, le pays subit toujours les affres des sanctions et les acteurs politiques disent attendre les autres réformes, politiques et institutionnelles.

Boubacar Diallo

Source : Journal du Mali

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