Hier, mercredi 23 février 2022, le secrétaire général du Parti pour la renaissance nationale (PARENA), Djiguiba Keïta dit PPR (Prêt pour la révolution), ancien ministre, a adressé une correspondance au Représentant Spécial de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) au Mali, Mario Gomes Fernandes pour lui signifier son désaccord quant à l’exclusion de la classe politique à la rencontre entre la Médiation internationale et le Gouvernement malien. Selon le secrétaire général du parti bélier-banc, il n’y a «aucune volonté politique d’avancer vers la restauration de la légalité constitutionnelle dans un délai raisonnable». «La restauration de la légalité constitutionnelle ne saurait être la responsabilité de ceux qui ont passé 18 mois à ne rien faire en matière de préparatifs des élections et dont l’immobilisme et le manque de volonté politique ont conduit le pays dans l’impasse et aux sanctions de notre communauté. Pour aller vers des élections et sortir de la crise, une nouvelle architecture de la transition s’impose. Elle doit faire l’objet de consensus. Comme le nouveau calendrier électoral », précise le secrétaire général du parti présidé par Tiébilé Dramé. Lisez ci-dessous l’intégralité de la correspondance !
Le Secrétaire Général du PARENA (Parti pour la renaissance nationale)
A
Son Excellence Mario Gomes Fernandes, Représentant Spécial de la CEDEAO au Mali.
Monsieur le Représentant Spécial, Le Parti pour la renaissance nationale (PARENA) a l’honneur de vous envoyer des observations sur votre Rapport confidentiel dont la presse internationale a parlé hier. Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Représentant Spécial, les assurances de notre considération distinguée.
Observations sur le Rapport confidentiel d’une mission technique internationale d’évaluation
1- le document est daté du 22 février;
2-il s’agit du rapport d’une mission technique d’évaluation dirigée par le Commissaire aux Affaires politiques, Paix et Sécurité de la CEDEAO;
3-le chef de la MINUSMA, le nouveau représentant de la CEDEAO, un membre de la Misahel, les ambassadeurs du Ghana et du Nigéria ont pris part aux travaux ainsi que plusieurs experts de la CEDEAO et des Nations-Unies ;
4-la mission a rencontré les ministres de la Défense, de l’Administration territoriale, de la Sécurité, des Affaires étrangères et de la Refondation de l’État. Elle a sollicité et obtenu du gouvernement de rencontrer une Équipe technique nationale;
5-les deux équipes techniques se sont rencontrées à plusieurs reprises et ont convenu d’une liste d’ « actions prioritaires indispensables au retour à l’ordre constitutionnel »;
6-les « actions prioritaires » vont de la rédaction d’une nouvelle constitution à la réorganisation territoriale (création de nouvelles circonscriptions électorales) en passant par l’audit du fichier électoral et la mise en place d’une Autorité indépendante de gestion des élections;
7-malgré les sanctions, l’équipe technique du gouvernement a fait ses propositions sur la base d’une transition de quatre (4) années supplémentaires;
8-l’équipe technique conjointe de la CEDEAO, de l’UA et des Nations-Unies a extrait des propositions gouvernementales une synthèse interne en deux scénarios :
– un premier scénario d’une transition de 12 mois pendant lesquels une Autorité indépendante de gestion des élections serait créée et opérationnalisée, la constitution serait révisée, un référendum constitutionnel et des communales, locales, régionales, sénatoriales, législatives et l’élection présidentielle auraient lieu avant mars-avril 2023 (page 4);
-un second scénario d’une transition de 16 mois avec toutes les actions ci-dessus énumérées, les sénatoriales, les législatives et la présidentielle se tenant en juillet et août 2023 (page 6);
9- le rapport de la mission technique de la CEDEAO se termine (page 8) par la « prise en compte des conditions sine qua non» édictées par le gouvernement. Ces « conditions sine qua non» vont de l’amélioration de la situation sécuritaire à la révision de la constitution en passant par la relecture et la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, le retour des réfugiés et des déplacés internes, le parachèvement de la réorganisation territoriale, le redéploiement de l’État et ses services techniques ainsi que les réformes politiques, institutionnelles et électorales: La constitution révisée devant inclure les articles relus de l’Accord d’Alger;
10-Ce compte-rendu de la mission conjointe internationale, les deux scénarios qui en découlent et les « conditions sine qua non» posées par le gouvernement montrent à suffisance qu’il n’y a aucune volonté politique d’avancer vers la restauration de la légalité constitutionnelle dans un délai raisonnable.
Pendant dix jours, les représentants de la médiation internationale ont été dans un tête à tête avec le gouvernement sans aucun contact avec les représentants des forces vives, les partis politiques et les organisations non gouvernementales concernées par les élections
11-ce qui est encore plus incompréhensible, c’est que l’équipe technique internationale semble s’éloigner d’une recommandation centrale maintes fois réaffirmée par les Chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO à savoir qu’il n’incombe pas à une transition de conduire des réformes politiques et institutionnelles comme la révision de la constitution (cf le paragraphe 5 du communiqué final du dernier sommet de la communauté qui dit clairement:
« La Conférence réitère son appel aux autorités de la transition pour que l’accent soit mis sur les activités visant à assurer un retour rapide à l’ordre constitutionnel, tandis que les grandes réformes devront être suspendues jusqu’à l’entrée en fonction des institutions légitimes qui seront mises en place après les élections ».
Dès lors comment comprendre la mention (page 3) au « Synopsis des actions prioritaires indispensables » de :
« Rédaction d’un avant projet de constitution intégrant les dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du Processus d’ Alger ;
– Popularisation du Projet de constitution suivie d’adoption par référendum »?
Après examen du rapport confidentiel, une impression se dégage nettement: la mission technique internationale a voulu « loger » en 12 ou 16 mois les actions que le gouvernement prévoit sur quatre ans;
12-la transition actuelle prend fin le 25 mars 2022. La question d’une transition neutre dotée d’une volonté politique vérifiable et mesurable est désormais posée.
La restauration de la légalité constitutionnelle ne saurait être la responsabilité de ceux qui ont passé 18 mois à ne rien faire en matière de préparatifs des élections et dont l’immobilisme et le manque de volonté politique ont conduit le pays dans l’impasse et aux sanctions de notre communauté.
Pour aller vers des élections et sortir de la crise, une nouvelle architecture de la transition s’impose. Elle doit faire l’objet de consensus. Comme le nouveau calendrier électoral.
Bamako, le 23 février 2022
Djiguiba KEITA/PPR
Ancien Ministre
Source: Le Républicain