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Transition au Mali : Jusqu’où mèneront les errements de la stratégie de communication à outrance de Choguel ?

Avec une parfaite maîtrise de la rhétorique, il ne rate aucune occasion pour haranguer les Maliens en tenant un discours flattant leur ego. Mais, à force de trop tirer sur son ennemi et d’ouvrir de nouveaux fronts, on finit par réduire le cercle de ses admirateurs.

 

«La démocratie ne peut pas primer sur la vie et la sécurité des citoyens et de leurs biens… On ne peut pas ramener la vie d’une nation à des élections… La priorité du gouvernement est de restaurer la sécurité…» ! Vous avez compris qu’il s’agit ici des flèches lancées par Dr Choguel Kokalla Maïga, Premier ministre de la Transition, à ses adversaires politiques dans le pays et aux ennemis du Mali, notamment la Cédéao et la France qui se retrouvent à la même enseigne dans ses sorties médiatiques.

Ces déclarations ont été faites vendredi dernier (4 février 2022) à l’ouverture de la 18e édition du «Festival Ségou art» (Festival sur le Niger). Et comme on pouvait s’y attendre, il a rappelé pour la énième fois que «notre pays est frappé par des sanctions illégales dont le seul objectif est de renverser les institutions et le gouvernement». Mais, à ce rythme, ce ne sont pas la France et la Cédéao qui vont saboter la transition et renverser le gouvernement, mais l’inaction de l’exécutif face aux attentes des Maliens de plus en plus impatients de sentir le changement promis.

Depuis un mois le Mali subit les sanctions de la Cédéao et de l’Uémoa. Les comptes du pays sont bloqués à la banque centrale (BCEAO) et les frontières avec certains pays voisins sont fermées. Et malgré les déclarations mielleuses de patriotisme des opérateurs économiques, les consommateurs constatent chaque jour la hausse constante des prix. Et ce qui fait encore mal, c’est de constater aussi l’incapacité du gouvernement à tenir ses promesses sur le maintien des prix à un niveau raisonnable. Et comme si cela ne suffisait pas, presque tous les moyens de transfert monétaire sont aujourd’hui bloqués entre le Mali et la plupart de nos pays voisins.

Aujourd’hui, nous sommes fiers de nos dirigeants parce qu’ils se sont assumés en remettant la France à sa place et en imposant désormais le respect de notre souveraineté nationale comme une condition sine qua non du partenariat bilatéral et multilatéral avec le Mali.  Mais, à ce rythme, si le président Goïta ne reprend pas réellement les choses en main pour recadrer son PM, il y a fort à craindre que le réveil soit cauchemardesque pour tout le monde.

Profiter de la brèche ouverte par l’Union africaine pour parvenir à un consensus avec la Cédéao

S’affranchir d’une tutelle ne saurait être une fin en soi. Il faut travailler pour conforter ce nouveau statut pour ne plus s’exposer à une telle domination. Inaugurer des Centres de santé de référence (CsRef), lancer des festivals devenus des tribunes de règlements de comptes avec la France… Ce n’est pas ce que les Maliens attendent aujourd’hui du Premier ministre. Mais, qu’il agisse pour sortir le pays de la crise actuelle !

Et pourtant, le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Mahamat Faki, nous avait judicieusement ouvert une brèche par laquelle nos autorités auraient dû s’engouffrer avec une proposition concrète par rapport au chronogramme. Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA a en effet plaidé pour une prolongation de la transition n’excédant pas 16 mois. Une proposition raisonnable même si nos autorités aspirent à au moins 2 ans. Nous sommes convaincus qu’il est possible d’avoir un accord avec la Cédéao sur un chronogramme n’excédant pas 16 à 20 mois. Encore fallait-il faire cette proposition.

Et visiblement ce n’est pas le cas parce que le sommet du jeudi dernier (3 février 2022) a justifié le maintien des sanctions prises le 9 janvier 2022 par l’absence de nouvelles propositions de la part du gouvernement malien. Comme beaucoup d’observateurs, nous sommes  convaincus que ce n’est pas par un bras de fer que nous allons obtenir la levée des sanctions. Autant alors arrêter de distraire la galerie et aller à l’essentiel en proposant un nouvel agenda assorti d’un calendrier électoral avec une durée raisonnable afin «d’atténuer les discordes avec la Cédéao».

Maintenant que tous nos partenaires savent ce que les Maliens veulent et qu’ils sont prêts à payer le prix fort pour y parvenir, il est aisé de pouvoir discuter, dialoguer avec eux au lieu de continuer à jeter  l’huile sur le feu par des déclarations incendiaires du Premier ministre Choguel comme stratégie de communication. Il ne faut pas se voiler la face, nous n’avons pas la capacité diplomatique (même si nous pouvons compter sur la Chine et la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU) ni le poids économique suffisant pour tenir tête à la France et la Cédeao. C’est pourquoi il n’est pas judicieux d’ouvrir autant de fronts d’hostilité.

Ce n’est pas en tournant le dos au reste du monde que nous réussirons à redonner au Mali ses lettres de noblesse ! Ce qui ne doit pas être négociable, c’est notre souveraineté et la dignité du peuple malien !

Moussa Bolly

Source : Le Matin

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