Après seize mois au pouvoir, la junte d’Assimi Goïta continue de réfléchir, à voix haute, à la suite des évènements. Les résolutions des Assises nationales de la refondation n’alimentent-elle qu’un surplace ?
C’est bien connu : dans un marché populaire, le margoulin qui veut vendre sa pacotille à 500 F CFA en réclamera d’abord 2 000 au client, avant d’affirmer qu’il ne cédera la bimbeloterie à 1 000 F CFA qu’à perte, et uniquement parce qu’il s’agit là du premier client de la journée – porte-bonheur – ou le dernier chaland – consolateur. Et ceci avant de conclure : « donne ce que tu as ».
Entre deux réveillons, les observateurs de la situation malienne espéraient l’annonce d’un chronogramme politique susceptible de projeter le Mali, dès 2022, vers un renouveau démocratique. Dans leurs résolutions, les Assises nationales de la refondation ont recommandé une prolongation de la transition de six mois à… cinq ans.
Certes, les tâches présentées comme préalables et donc prioritaires sont légion : réforme de la Constitution, adoption d’une nouvelle loi électorale, mise en place d’un organe unique de gestion des élections ou encore amélioration de la situation sécuritaire. Mais la fourchette de prolongation de la transition – de six à soixante mois, soit un rapport de 1 à 10 – est étrangement large. Faut-il voir dans le sursis potentiel de 1 800 jours de la présidence Goïta la première base de négociation avec une Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) quelque peu grognonne ? Cette base à laquelle, sur le marché, ne croient ni le vendeur ni le client ?
Le flou allié de la junte ?
L’échéancier proposé par le gouvernement malien, dans l’apathie du jour de l’An, au chef de l’État ghanéen Nana Akufo-Addo, président en exercice de l’institution sous-régionale, table sur la tenue d’un référendum constitutionnel en janvier 2024, des élections législatives et sénatoriales couplées en novembre 2025 et une élection présidentielle au plus tard en décembre 2026.
BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN
Dès le lendemain de la proposition, une dizaine d’organisations politiques maliennes rejetaient le projet de prolongation, qui « violerait » la propre charte de la transition, par « une tentative de confiscation du pouvoir par la force et la ruse ». Mais la junte s’en soucie-t-elle ? Le médiateur de la Cedeao, Goodluck Jonathan, est attendu à Bamako le 5 janvier. Et, dimanche 9 janvier, devrait se tenir un sommet extraordinaire des chefs d’État de l’organisation…
« Beaucoup de bruit pour rien », aurait peut-être écrit le dramaturge William Shakespeare à l’issue des Assises. La décision de la junte est-elle une absence consciente de décision ? La fourchette surréaliste de la prolongation éventuelle de la transition ne sert-elle qu’à jouer la montre dans un marchandage à prolonger ? Certains considèrent que le flou est l’allié de la junte, en matière de légitimation politique comme de partenariat sécuritaire.
Qui nierait que le Mali a toute latitude pour choisir souverainement ses partenaires sur le terrain militaire ? Personne de sensé. Pourtant, le Mali a-t-il choisi clairement ? Combien de temps faut-il pour annoncer officiellement le déploiement d’un contingent paramilitaire du groupe Wagner que certains semblent observer ? La diplomatie n’est pas plus un jeu de bonneteau que de devinettes.