La transhumance politique est un phénomène qui atteint au Mali des proportions inquiétantes. Il est un fait constant d’apprendre qu’un député vient de quitter son parti politique pour faire allégeance au pouvoir en place. Ainsi les honorables députés changent de groupes et d’obédience comme bon leur semble. Les gens valsent et fuient comme ils veulent chaque fois qu’il y a changement de régime.
Mais comment peut-on mettre un terme au spectacle répugnant qu’offrent les hommes politiques de chez nous ? Spectacle qui à la limite constitue une tare de la démocratie ? L’adoption d’une loi organique permettant de ’’combattre la transhumance politique’’ n’est-elle pas indispensable ?
Force est de constater qu’aujourd’hui, la transhumance politique semble réinstaller ses quartiers avec l’avènement de la refondation. D’abord, c’est la quasi-totalité des députés élus sous les couleurs du parti Fare An ka wuli qui ont abandonné leur navire pour rejoindre le Rpm. Pour la simple raison que ses derniers refusent de suivre les consignes de leur parti, qui est de demeurer dans l’opposition. Dans la foulée, il faut savoir que le seul député de ce parti Bakary Woyo Doumbia est rentré aussi dans la danse, car il est sur le point d’effectuer le mouvement migratoire vers la marmite, que dis-je, la mouvance plurielle.
Ce phénomène déstabilise les formations politiques et surtout les groupes parlementaires à l’hémicycle.
C’est dommage, car le plus souvent, c’est pour des raisons alimentaires, que des gens cherchent à quitter leur groupe pour aller vers un autre. Poussés par leurs intérêts personnels, ils n’hésitent point à fouler au pied leur conviction, à ravaler leur propre vomissure.
Mais que faire face la transhumance politique à outrance qui plombe et désorganise notre démocratie ? Vu l’envergure du phénomène et son impact sur le jeu démocratique, il est plus que nécessaire de poser le débat sur ce sujet dans un Etat de droit.
Au Sénégal la Constitution prévoit qu’un député qui quitte son parti politique perd son mandat à l’Assemblée nationale.
Au Maroc les projets de loi organiques sur la Chambre des représentants et la Chambre des conseillers interdisent (en l’occurrence l’article 61) la transhumance politique. « Ainsi tout membre de l’une des deux Chambres du parlement marocain qui renonce à son appartenance politique au nom de laquelle il s’est porté candidat aux élections ou le groupe ou groupement parlementaire auquel il appartient, est déchu de son mandat ».
Et pourquoi pas au Mali ?
N’est-il pas tant d’envisager une loi pour mettre fin au nomadisme politique au Mali, car la transhumance est une tare pour la démocratie. C’est un manque de citoyenneté. L’exemple marocain est sans doute le plus abouti car dans la dynamique d’«assainissement» du paysage politique, outre la lutte contre la transhumance, les critères de financement des partis politiques, ainsi que le renforcement du rôle de la justice sont, entre autres, les grandes lignes contenues dans le projet de loi organique sur les partis politiques.
Par conséquent, l’exemple marocain, toute proportion gardée, apparaît ici pertinent en ce sens qu’au-delà de la plaie «transhumance», c’est un «bilan de santé politique» qu’il suggère à travers notamment l’autre «plaie» purulente du financement des partis politiques, sujet plus que d’actualité au Mali en ce moment. Les députés devraient se pencher sur la question. Il est impérieux de freiner le vagabondage politique !
Paul N’GUESSAN