Kati ne fait plus peur à Bamako, c’est peut-être vrai. Mais les hommes du camp Soundjata restés fidèles à Sanogo n’ont pas dit leur dernier mot. En effet, mis au courant du transfert du chef putschiste de Sélingué à Manantali dans la nuit de samedi dernier, ils avaient tendu une embuscade pour couper la route au convoi qui, malheureusement pour eux et heureusement pour les convoyeurs, est passé par un autre chemin.
Qu’on aime Sanogo ou qu’on le déteste, on est quand même obligé de reconnaître qu’il n’est pas le dernier des cons et l’a prouvé à maintes reprises au détriment de ses geôliers.
En effet, on se rappelle son coup du téléphone dans lequel il avait enregistré une déclaration très menaçante, à la limite subversive, qu’il était parvenu envoyer à sa famille pour diffusion sur les ondes d’une radio privée, quelques jours seulement après son arrestation.
Effectivement, du fond de sa cellule de la gendarmerie de Faladiè où il se trouvait embastillé, le capitaine bombardé Général quatre étoiles avait usé d’un prétexte de maux de ventre pour ne pas toucher au plat de riz servi par sa famille. Mais c‘était pour mieux tromper la vigilance de ses geôliers car le téléphone en question, soigneusement emballé avec de la matière étanche, était enfoui sous l’épaisse couche de riz qui retournait à la maison.
A l’aide du téléphone d’un autre membre de la junte qui était détenu en même temps que lui, le capitaine de gendarmerie Issa Tangara, Sanogo avait donné les instructions nécessaires à sa famille : prendre soin de faire parvenir son téléphone à la radio ciblée pour exploitation de ses propos. Ce qui fut fait.
Heureusement que le peuple malien, incrédule, n’a cru mot à ses délectations et délires. En d’autres termes, n’ont pris ses propos pour crédibles qu’une poignée de marginaux d’ailleurs très vite rattrapés par la raison.
Quelques jours après cet incident, les forces françaises de l’opération Serval avaient fait une descente musclée au camp I de la gendarmerie de Bamako, pour y récupérer une vingtaine de téléphones portables utilisés par des prisonniers ex-putschistes pour communiquer avec l’extérieur et surtout avec les troupes dans les casernes. Il se trouve que des communications de portée subversive avaient déjà été captées par Serval et la Minusma. Raison de l’empressement à agir et avec cette manière : une grosse armada a été déployée par les militaires français arrivés ce jour-là vers le petit soir.
Des affaires qui ont conduit au transfèrement des officiers et sous-officiers de l’ex-junte pour les disperser aux quatre coins du Mali : le capitaine-général Sanogo à Sélingué, le général Sidi Alassane ex-Dg de la Sécurité d’Etat à Koutiala, le général Yamoussa Camara ex-ministre de la Défense et le capitaine Amadou Konaré à Markala, le lieutenant Seyba Diarra et le colonel Blonkoro Samaké à Manantali.
Depuis la semaine dernière, dans l’élan du transfèrement de Yamoussa Camara de Markala vers Bamako pour raison de santé – il serait très malade selon des sources sécuritaires- un mouvement général a été enclenché pour déplacer chacun des prisonniers dans un autre endroit, comme s’il s’agissait d’une permutation de militaires en activité. C’est dans ce cadre que Sanogo s’est retrouvé à Manantali en lieu et place de Seyba Diarra qu’on dit lui aussi très malade et transféré à Sélingué, et Blonkoro Samaké amené à Bamako.
Comme pour le coup du téléphone, usant d’une clé USB de connexion Internet qu’il détenait avec un ordinateur portable demandé sous le prétexte de rédiger personnellement son mémoire en défense, Sanogo communiquait avec l’extérieur. Une fois l’information sur son transfèrement transmise aux troupes de Kati, un groupe de proches radicaux a voulu couper la route du cortège obligé de passer par Kati pour rejoindre Manantali. Leur embuscade sera déjouée par les convoyeurs qui ont préféré passer de pleines rues de Kati, traversant toute la ville avec son tohu-bohu, au lieu d’utiliser l’autre voie détournée. Reste maintenant à savoir si les services de renseignements, avec, bien entendu, la bénédiction de l’Opération Barkhane, ont fait preuve de vigilance pour informer les convoyeurs où s’il s’agit d’une simple mesure stratégique qui s’est révélée finalement payante. Kati ne fait-il pas encore peur ?
Peut-être pas la peur ici, mais l’écœurement ! Informé de la situation qui a prévalu, IBK, n’a pas caché sa grande déception. Ecœuré, il fut, nous confie-t-on. On le comprend si bien ! Une éventuelle attaque du convoi avec d’hypothétiques victimes aurait été vite assimilée à une tentative du régime en place de se débarrasser d’un prisonnier encombrant. Ce, d’autant plus que des allégations font état d’un deal entre les deux hommes et du fait que Sanogo s’estime aujourd’hui trahi.
- Diarrassouba