Des groupes armés affiliés à la Plateforme sont autant impliqués que ceux de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) dans le trafic de drogues. Mieux, les ennemis d’hier collaborent désormais pour faire circuler des cargaisons de stupéfiants dans le désert malien. C’est le Groupe d’experts des Nations unies sur le Mali qui a révélé cet autre visage des mouvements armés. Dans leur rapport à mi-parcours, transmis le 28 février dernier au Conseil de sécurité, les experts onusiens mettent le curseur sur un rapprochement entre la CMA, le MAA-Plateforme et le GATIA-CMA qui aurait servi à la coordination du mouvement des stupéfiants entre les Régions de Gao et de Kidal. Ce qui expliquerait la baisse en fréquence des incidents violents impliquant des convois de drogues dans ces régions.
Pour en savoir plus sur les individus qui contrôlent ce commerce illicite et les convois associés, les experts entendent approfondir les enquêtes à partir des récentes saisies de «résine de cannabis en Mauritanie et au Sahara occidental, en provenance du Maroc et en route vers le Mali». Déjà, des indices laissent croire à l’implication de Ahmoudou Ag Asriw, un individu bien connu des registres de l’ONU. Cet homme, cité dans un précédent rapport des experts comme étant l’un des auteurs des violentes escarmouches et détournements de résine de cannabis de Gao vers la Région de Kidal, a été nommé chef d’état-major dans la nouvelle section du GATIA qui a cherché à se rapprocher de la CMA en septembre 2019. Et depuis, les experts n’ont pas reçu d’informations analogues concernant une quelconque rivalité sur l’axe Gao-Kidal. Une coïncidence bien troublante pour les experts onusiens qui n’écartent pas cette hypothèse : «Il semble qu’en raison de cette évolution, Ag Asriw ait été suffisamment accommodé dans des opérations de trafic qui nécessitent une coordination entre les réseaux criminels associés au MAA-Plateforme et à la CMA, à Gao et à Kidal, respectivement, à mesure que la drogue circule dans leurs zones de contrôle respectives».
Dans les réseaux criminels associés à la CMA et impliqués dans les convois de drogues, on retrouve également Mohamed Ag Akly, commandant régional du MLNA et Mahamadou Ag Attayoub qui agit au nom de Khalid Ag Mohamed, fils de Mohamed Ag Intallah. Contrairement aux Régions de Gao et de Kidal, des convois de stupéfiants ont été attaqués dans celle de Tombouctou, où plusieurs réseaux se livrent bataille. Selon le rapport, des attaques ont été diligentées par Hussein Ould Ghaname, alias Guigoz, dont les convois avaient été aussi attaqués en 2018 par des hommes agissant pour le compte de Settar Ould Ahmed Hairi, membre de l’autorité intérimaire de Taoudenni. Ce dernier a été assassiné le 8 juillet 2018, en même temps que le commandant du MAA-Plateforme du Mécanisme opérationnel de coordination à Gao, Mohammed Ould Hinnou. Il ressort également du rapport que Settar a entretenu des relations d’affaires avec le chef du MAA-Plateforme, Hanoune Ould Ali. «Guigoz compte aussi sur le soutien militaire du MAA-CMA à Ber, notamment du colonel Goulam», ajoutent les experts. Et de préciser que les réseaux criminels convoyant la drogue soutenus par le MAA-Plateforme et la CMA dans la Région de Tombouctou ne sont pas interdépendants, comme dans les Régions de Gao et de Kidal.
Mais, tous ces réseaux se servent de sociétés écrans pour blanchir de l’argent. Le Groupe d’experts a examiné plus en avant le réseau commandé par Mohamed Ben Ahmed Mahri, alias Rouggy, visé par les sanctions. Cet homme a trempé dans des opérations de trafic de drogue qui ont conduit à trois importantes saisies de drogue au Niger en juin 2018, en Guinée-Bissau en mars 2019 et au Maroc en avril 2019. À partir de ces saisies, le Groupe d’experts a identifié une «série de sociétés écrans établies en Algérie, au Mali, au Maroc et au Niger, selon toute probabilité pour blanchir l’argent de la drogue et financer des opérations de trafic». Parmi ces sociétés, il y a Tilemsi Distribution au Niger, dirigée par Rouggy lui-même. Son frère, Attaye Ben Ahmed Mahri, est le responsable de la société mère à Gao. Tilemsi Distribution est enregistrée en Algérie sous un nom légèrement différent, Tilamsi ou Taldis.
Issa Dembélé
Source : Journal l’Essor-Mali