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Tontines des femmes : Sur un air de nouvelles solidarités urbaines

Bamako, 19 fév (AMAP) Les Maliennes ont l’imagination fertile. Dans le contexte difficile que traverse le Mali, à cause de la Covid-19 et de la crise sécuritaire, les ingénieuses épouses arrivent à aider les époux à faire bouillir la marmite. Ces femmes ont mis sur pied une chaîne hebdomadaire solidarité, à travers des tontines dans leur domaine d’activité. L’originalité dans cette solidarité résout ainsi, chaque jour, des petits problèmes dans les ‘Ténèni’, au ‘Taratani’, ‘Arabani’, ‘Alamoussani’, ‘Dioumani’, au ‘Sibiribi’ au « Karini », du nom en bambara de chaque jour de la semaine qui devient le label du maillon de solidarité.

A Bamako, particulièrement, rares sont les femmes qui n’adhèrent pas à ces tontines dans les quartiers, les marchés et les services publics. La contribution journalière à la cagnotte des centaines de tontines varie entre 200 et 1.200 Fcfa. Les membres se retrouvent, au moins, une fois par semaine pour verser la somme convenue. Les tontines aident à économiser de l’argent pour des réalisations. Au-delà du côté financier, les réunions sont des occasions de détente et d’information sur les mariages, les baptêmes et les décès.

Nous sommes dans une famille du quartier Samé, quartier non nanti de Bamako. Les membres de la tontine ici sont des amies. Elles sont assises les unes à côte des autres. Elles sont habillées en uniforme : une tenue cousue dans le même tissu Wax. Les foulards de plusieurs conceptions sont bien attachés. Les discussions vont bon train au sein de petits groupes. Un peu à l’écart, une bonne volonté se charge de faire bouillir du thé ou du bissap (oseille rouge). Une secrétaire de séance circule, au milieu du cercle, munie d’un cahier et d’un stylo. Elle dresse la liste des adhérentes présentes. Elle encaisse l’argent et met une croix devant le nom de celle qui vient de s’acquitter du montant de sa cotisation.

Cette scène se déroule un ‘arabani’ (mercredi). La responsable de cette tontine est Mme Diallo Coumba Diallo. Elle nous révèle que son association accueille 73 femmes mariées résidant à Samé. « L’objectif de notre ‘arabani’ est de se réunir entre femmes, une fois par semaine, pour échanger, discuter et gérer ensemble des évènements sociaux », a-t-elle déclaré.

« Tous les mercredis, chaque adhérente paie 1.200 Fcfa. Il est prélevé 200 Fcfa qui sont versés dans notre caisse. Le montant total de la collecte des 1000 Fcfa, qui reste, s’élève à 73 000 Fcfa. Cette somme est partagée entre deux personnes après un tirage au sort », a expliqué notre interlocutrice.

A la fin de chaque tour de tontine, le dépôt dans la caisse est utilisé pour acheter des chaises et des bâches utilisées lors des cérémonies sociales. Quand un membre de la tontine organise un évènement social, mariage, baptême ou décès, les chaises et les bâches sont gratuitement mises à sa disposition. Une personne retenue après le tirage au sort, dont le besoin d’argent n’est pas pressant, peut céder la main à une autre adhérente dans une situation plus difficile.

Selon Mme Koumaré Assétou Ballo, la tontine de Samé, lui a permis de payer les frais d’école de ses enfants. Et elle rappelle les circonstances : «  Je suis vendeuse de condiments au marché de Samé. Mon mari est maçon. J’ai reçu l’argent de « arabani » pour inscrire mes enfants à l’école. Mon mari est malade, depuis quelques mois. Il ne peut plus travailler. Raison pour laquelle j’ai utilisé l’argent pour l’éducation de nos enfants »

Mme Keita Adiaratou Doumbia est fonctionnaire. Elle est, aussi. un membre de la tontine de Samé. A l’issue du tirage effectué en notre présence, elle a été retenue pour recevoir le montant de ce ‘arabani’. Son projet ? « Je vais utiliser cet argent pour le mariage de ma nièce. Je suis la marraine (demba diala tigui)’, a-t-elle revelé. « Cette tontine permet de se regrouper entre femmes. Je vous jure que j’attends impatiemment les réunions des ‘arabani’ pour me détendre et me divertir », ajoute Mme Keita.

Un autre quartier, une autre manière de faire. Nous sommes à la réunion du ‘dioumani’ (vendredi) du Banconi, quartier populeux de Bamako. Une adhérente, Mme Touré Korotoumou Lah, retrace le parcours de son association : « Nous avons commencé le ‘dioumani’, il y a plus de six ans. Nous nous regroupons, tous les vendredi soirs, à partir de 16h. Chacune verse la somme de 325 Fcfa. Cette somme est gardée dans la caisse pendant un an. A la fin de l’année, la cagnotte est ouverte en présence de nous toutes. Le montant collecté est partagé entre les membres, après déduction des frais d’organisation de notre fête solennelle animée par un groupe artistique renommé ».

La Covid 19 a ralenti les regroupements de personnes à Bamako, notamment les membres de la tontine ‘taratani’ (mardi) de Djélibougo dont Mariétou Togola est la présidente. « Depuis le début de la pandémie, la tontine ne se réunit plus. Tous les mardis, chacune trouve le moyen de me faire parvenir son argent. Auparavant, tous les mardi soirs, les femmes se regroupaient chez moi. Chacune me versait la somme de 700 Fcfa’, a-t-elle expliqué.

Sur cette somme, le total du prélèvement de 500 Fcfa est partagé entre les membres. Les 200 Fcfa restants sont versés dans la caisse qui sert de « banque ». « L’argent des gagnantes aux tirages au sort, qui ne sont pas dans le besoin, est gardé dans notre banque. Ce fonds est mis à la disposition de tous les membres qui veulent emprunter de l’argent. Tout prêt est remboursé avec un intérêt de 5%.

Ce samedi, il est 11h, au marché de Ouolofobougou-Bolibana. La dame Fatoumata Diawara passe d’un étal à un autre. Elle reçoit 200 Fcfa de chaque vendeuse, du lundi au samedi. Pour le compte de sa tontine, ‘sibirini’ (samedi), elle reçoit 1200 Fcfa de chaque adhérente. L’objectif est de consolider les relations entre plusieurs vendeuses exerçant dans le marché. La caissière souligne les difficultés que rencontrent les vendeuses sur les marchés. En effet, les marchandises coûtent cher. Les tontines aident toujours à renouveler les fonds de commerce en cas de perte. Les plus ambitieuses agrandissent leur business.

Ces ‘teninni’ (lundi) et ‘dioumani’ (vendredi) sont des sources de financement de proximité qui maintiennent durablement le contact entre les membres dans le respect des règles fondatrices. Mais beaucoup de tontines, tel le ‘dioumani’ de Medina Coura, se sont disloquées, à cause de l’indiscipline de certaines personnes. Mme Traoré Kadidia Ologuem témoigne : « Je faisais partie d’un ‘dioumani’ à Medina Coura, mon quartier. Environ 40 personnes se regroupaient, tous les vendredis, sur le terrain de football. Chaque adhérente versait 1.000 Fcfa à la trésorière. La somme totale collectée se chiffrait à 40 000 FCfa ».

Après le tirage au sort, la personne qui gagnait, empochait 20.000 Fcfa et le reste était versé dans la caisse. Ce dépôt servait à aider les adhérentes lors des cérémonies sociales. La tontine achetait 40 uniformes pour bien fêter un mariage célébré dans la famille d’un élément du groupe. Cette personne recevait un appui financier de 100.000 Fcfa.

Certains membres n’organisaient pas de mariage durant le déroulement de la tontine. A la fin du ‘dioumani’, ces personnes recevaient aussi 100.000 Fcfa. Le tour étant bouclé, on recommençait une autre tontine. »

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