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Tombouctou – Gao : une vie à l’écart d’Internet

À l’heure où le monde se rue sur le réseau internet 5G, les habitants du Septentrion malien sont encore en quête d’une bonne connexion. Privée d’Internet haut débit depuis août 2021, suite à des perturbations liées à des actes de vandalisme contre les installations techniques des opérateurs de téléphonie Orange et Moov Africa Malitel, c’est tout une population qui réapprend à vivre sans Internet en plein 21ème siècle.

 

Avoir Internet est un privilège. Oumou Tounkara, 19 ans, le sait maintenant. La ressortissante de Niafunké, qui l’utilisait surtout auparavant pour faire le tour des réseaux sociaux, traine aujourd’hui son spleen. « Sans WhatsApp, Facebook… je me demande souvent comment les gens arrivent à tenir », confie celle dont le passe-temps favori était de regarder les vidéos de ses « stars » sur TikTok.

Dans sa localité, à 250 km au sud-ouest de Tombouctou, il faut parcourir à peu près 3 km en dehors de la ville, derrière le poste des forces de sécurité, pour avoir accès à un brin de connexion internet. « On dirait des drogués. Du matin au soir, les gens errent partout pour venir prendre leur dose au lieu où se trouve l’antenne de Malitel », explique hilare Soumaila Traoré, domicilié en ce lieu. Selon lui, certains y passent même la nuit, le moment où la connexion est la plus rapide. Notamment les travailleurs des organisations non gouvernementales, qui, « pour envoyer ou recevoir des mails, ont mille et un problèmes », confie Kaourodo Daou, agent d’une ONG.

La situation à Niafunké est comme celle des autres villes de la région de Tombouctou. Comme à Diré, là où Djeneba Maïga n’a pas pu partager sur Facebook les photos du baptême de ses jumeaux et celles du « Mariage mondial » de sa meilleure amie. Privée d’Internet, l’enseignante se résigne. « On ne sait la valeur d’une chose que lorsqu’on la perd. À Diré, actuellement, il faut monter sur le toit de sa maison ou patienter très tard dans la nuit pour avoir un tout petit peu le réseau internet. Arrivé à ce niveau, mieux vaut essayer de vivre sans », explique-t-elle.

Abandon

Autre localité, même préoccupation. À Ansongo, dans la région de Gao, le sociologue Aliou Adourahaman n’a plus l’opportunité de partager sur les réseaux sociaux « les nombreuses souffrances » que, d’après lui, vivent les villages de son cercle. « Avec la crise sécuritaire qui sévit dans notre zone depuis 2012, et qui s’est intensifiée depuis août dernier avec les attaques terroristes dans les villages de Ouatagouna, Karou et Daoutédjef, faisant 50 morts civils, on croyait que rien de plus grave ne pouvait nous arriver. J’avoue que la pilule est très amère avec cette coupure d’Internet, car ça nous donne l’impression d’être à l’écart de la marche du monde  sans pouvoir le dénoncer », regrette le sociologue, selon lequel cette situation peut susciter un sentiment d’abandon chez des populations du nord du Mali. Ce sentiment grandit d’autant plus que la situation n’est pas déplorée « dans les discours des dirigeants du pays, alors même que les communications téléphoniques sont aussi instables depuis plusieurs mois chez nous », regrette-t-il.

Frustration

Le manque de connexion n’a jamais été aussi long dans le nord du Mali. « On a connu des coupures par le passé, problèmes de débit, ruptures de communication entre cette partie du pays et le reste du Mali pendant 24h, 48h voire 72h, mais jamais cela n’avait duré autant », analyse Ibrahima Maïga, spécialiste des questions de paix et de sécurité au Sahel. Pour lui, c’est la raison pour laquelle la situation suscite chez une partie des habitants de ces zones des réactions d’incompréhension et de frustration vis-à-vis de l’État malien. « Pour une partie de cette population, c’est une démonstration supplémentaire de leur statut de Maliens de seconde zone. Des Maliens qui ont moins de droits que les autres, parce que privés de tout, y compris de possibilité de communiquer avec le reste du pays et le monde », explique-t-il.

Les raisons des perturbations de l’Internet énoncées par les deux principaux opérateurs téléphoniques (Moov Africa Malitel et Orange Mali) est qu’il a eu des sabotages sur leurs installations. Ce qui expliquerait les perturbations enregistrées depuis le mois d’août 2021. Selon Yacouba Poudiougou, agent Orange Mali basé à Youwarou, « c’est l’antenne de Sendegue, dans la circonscription de Konna, qui sert de relais Internet pour tout le nord. C’est elle qui a été sabotée et cela a causé le problème ». Un problème à l’issue encore incertaine et qui dure depuis déjà six mois.

Aly Asmane Ascofaré

Source : Journal du Mali

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