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Titre Foncier N° 1372: le scandale d’un marathon judiciaire

Création de la concession urbaine à usage d’habitation n°00160 en date du 29 février 2012 délivrée par le Maire du District de Bamako portant sur la parcelle n°1/Bis/B du lotissement de Niaréla, sur le titre foncier N°1372/CII Vol II-F-171 du district de Bamako ; chevauchement d’audiences ; disparition suspecte de dossier ; collusion avérée ; une ‘’Cour autrement composée’’ pourtant composée presqu’à l’identique, tels sont quelques points ubuesques de cette affaire qui donne lieu à un marathon judiciaire aux dessous sulfureux.

Le présent feuilleton judiciaire oppose Yahaya SANGARE, fonctionnaire de Police à la retraite, entrepreneur à Sadio TANGARA, Ingénieur Génie Civil.
A la lumière du dossier que nous avons pu compulser, Sadio TANGARA est propriétaire d’un terrain à usage d’habitation et détient le Titre Foncier N° 1372 inséré au Livre foncier de la Commune II du District de Bamako.
Il en ressort que Yahaya SANGARE, acclimaté et endurci aux scandales fonciers, en complicité avec le Maire du District, a réussi à se procurer un Permis (CHU) n°00160 en date du 29 février 2012 délivrée par le Maire du District de Bamako.
Aussi, découvre-t-on dans le dossier, c’est en constatant des travaux sur sa parcelle que M. TANGARA a assigné l’Inspecteur général de Police Yahaya SANGARE au Tribunal de première instance de la Commune II pour expulsion-démolition.

De la collusion
Mais, M. SANGARE a plus d’un tour dans son sac puisque pour cocufier le Tribunal de première instance de la commune II pour débouter M. TANGARA de sa demande de démolition/expulsion, il a mis le grappin sur un juge du Tribunal Administratif pour décrocher un jugement auquel M. TANGARA n’a jamais été invité. Il s’agit du jugement n°141 du 17 avril 2014 qui annulait les arrêtés n°051 et 052/G-DB-CAB des 25 juillet et 07 août 2013 portant autorisation de cession directe de parcelles de terrain sises dans le District de Bamako.
Face à la tierce opposition à cette décision de M. TANGARA, le Tribunal Administratif, en sa séance du 27 novembre 2014, s’est rétracté en rejetant le recours du sieur Yahaya SANGARE.
C’est donc ce fameux jugement n°141 du 17 avril 2014 que Yahaya SANGARE a utilisé pour faire annuler l’Acte Administratif de Cession du Titre n°1372 de la Commune II.
M. TANGARA a fait appel de ce jugement le 06 août 2014.
Il a fallu attendre le 22 avril 2015 pour que la Cour d’Appel se prononce en Avant Dire Droit (ADD) sur la question.
« Grande a été ma surprise de constater qu’au lieu de me remettre dans mes droits, la Cour a reconnu tacitement ma propriété, mais en commettant un expert évaluateur pour évaluer les investissements fait par Yahaya SANGARE sur ledit terrain. Yahaya SANGARE en profitera pour mettre trois équipes de maçons sur le chantier (dès le lundi 27 avril) pour gonfler ses investissements. J’ai pris le soin de faire un constat d’huissier et une expertise par un expert évaluateur agréé. J’en ai ensuite informé le Président de la Cour d’Appel, le Président de la Cour Suprême, le Président de la République et toutes les autres institutions de la République, ainsi que tous les juges qui ont statué ce jour sur le dossier », nous a confié M. TANGARA qui souligne également que le juge qui a présidé la séance lui a conseillé d’aller négocier avec son adversaire qui est un ami d’enfance à lui.

De la disparition
de dossier
Selon les informations recueillies, chargé de faire la réquisition ordonnant l’expertise des investissements faits par M. SANGARE, le juge mué en conseiller a traîné les pieds pendant trois mois, le temps pour Yahaya SANGARE de finir de construire.
Toutes choses qui ont contraint M. TANGARA à assigner M. SANGARE en référé à la Cour d’Appel pour obtenir l’arrêt des travaux sous astreinte de 200.000 F CFA/jour.
Les pièces du dossier révèlent que la Cour d’Appel, dans son jugement N°560 du 22 juin 2016 a ordonné l’expulsion de Yahaya SANGARE, tant de sa personne que de ses biens et de tous occupants de son chef.
Le pourvoi N°218 du 28 juin 2017 casse et annule l’arrêt N° 560 du 22 juin 2016 de la Cour d’Appel au motif que la démolition n’est pas suffisamment motivée.
Revenu à la Cour d’Appel, nous apprend-on, le dossier disparaît avant de réapparaître un 29 mai 2019 au cours d’une audience qui se tient au même moment que l’audience consacrée à la demande de réclamation d’impenses. Quelle coïncidence ? Naturellement, M. TANGARA est débouté, la Cour confirme le jugement N°333 du 28 mars 2014 du Tribunal de première instance de la Commune II.
Pour la demande de réclamation d’impenses, il est débouté et ne fera plus de recours.

De la ‘’Cour autrement composée’’
Le dossier retourne à la Cour suprême où au cours du Pourvoi N°322 du 15/06/2019 elle casse et annule l’Arrêt déféré et renvoie la cause et les parties devant la Cour d’Appel autrement composée. Sauf que le dossier n’arrivera jamais à la Cour d’Appel. Il disparaît dans les méandres du bureau de la Greffière en Chef.
C’est après une lettre adressée au Président de la Cour Suprême et une attente de deux jours que le dossier réapparaît entre les mains d’un vice-président de cette institution. C’est cee dernier, nous fait-on savoir, qui a informé M. TANGARA du nom du juge rapporteur qui faisait le rapport suite au Rabat d’arrêt que lui avait ordonné (suite à une requête introduite par l’avocat de son adversaire) parce qu’ayant constaté que deux des juges qui étaient dans la dernière formation au niveau de la Cour Suprême, en l’occurrence M. SAMAKE et M. DIARRA ont eu à siéger dans des compositions concernant cette affaire. Que cela violait l’article 155 de la Loi organique N°2016-046 du 23 septembre 2016 fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour Suprême.
A l’issue du Rabat d’arrêt, les parties ont été renvoyées devant la Chambre civile à nouveau.
Étrangement plusieurs juges ayant statué sur cette affaire reviennent dans la formation. Au rôle, il y avait Taïcha MAIGA (présent dans trois formations) ; Moussa DIARRA (présent dans quatre formations) ; Fatoma THERA.
L’on est tenté de croire que l’article 155 de la Loi organique N°2016-046 du 23 septembre 2016 est d’application sélective.
Depuis bientôt 8 ans que ce dossier à l’issue incertaine poursuit son marathon. Le pauvre sera-t-il rétabli dans son droit ou ce sera «selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir» (La Fontaine dans «Les Animaux malades de la peste»).

PAR BERTIN DAKOUO

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