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Tiébilé Dramé propose de soustraire les jeunes maliens des mouvements jihadistes comme le Mujao, Sariat Al Forqane, en dialoguant aussi avec eux

C’est l’un des vœux chers à Tiébilé Dramé et exprimés au cours de la conférence des cadres du Parena et sympathisants tenue ce samedi 20 décembre 2014 au Centre international de conférence de Bamako (CICB) sous le thème : le Mali, le processus d’Alger, la stabilité du Sahel. « Pourquoi ne parlerons pas avec ces peulhs maliens du Mujao qui sont à la frontière du Niger ? Pourquoi parler seulement avec ceux qui sont allés à Alger ? Ce sont des Maliens et en leur parlant cela pourrait contribuer à arrêter les attaques actuelles dans le Nord du pays », ce sont là les convictions du président du Parena qu’il a partagées avec l’assistance au cours des débats. D’ailleurs, le conférencier avait abordé le sujet dans sa communication que nous vous proposons ici en intégralité.

I- INTRODUCTION 

tiebile drame parena opposition conference reunion debat1- 2014 aura été une année particulièrement éprouvante pour le Mali et son peuple. Rien n’a été épargné à notre nation au cours de l’année qui s’achève : crise économique et financière, gouvernance calamiteuse, défaite militaire, humiliation de notre nation, partition de fait du pays, pourparlers inter-maliens poussifs, atteintes sans précédent à la morale publique, scandales financiers, érosion de la crédibilité internationale du pays, épidémie à virus Ébola….

II- LE ROYAUME DE L’IMPUNITÉ :

Illustrations :

2-  Premier exemple: en mai 2014, à l’issue des combats des 17 et 21 mai, près de 200 jeunes maliens, membres de l’administration préfectorale, des forces armées et de sécurité sont morts à Kidal, des dizaines de pick-ups équipés d’armes de guerres, une dizaine de BRDM, des blindés légers, des camions de transport de troupes, des citernes ont été récupérés par les groupes rebelles au détriment de nos forces. Les efforts de refondation et de re-motivation de l’armée ont ainsi été sapés.

Les FAMAS ont dû quitter leurs positions. Les unités qui sont restées sont confinées sous contrôle onusien à Tessalit et à Ménaka. Par dessus tout, l’État qui se redéployait progressivement a cessé d’exister dans la région de Kidal, dans une bonne partie de la région de Gao et dans les immensités désertiques du Nord de Tombouctou. Les troupes rebelles sont à une quarantaine de kilomètres de Gao, Kidal est administré par un comité de gestion HCUA/ MNLA, Ménaka est sous administration MNLA. Ça et là au Nord, les groupes armés délivrent des ” actes d’état civil”.

La presque totalité du Nord est sous une autonomie de facto. L’homme de gouvernement, le politique qui est directement responsable de la situation décrite ci-dessus, celui dont les décisions aventureuses, les actes hasardeux ont provoqué tant de morts, tant de pertes militaires et politiques, tant de revers pour la nation, cet homme est toujours en place ! C’est cela l’impunité. Quel message est ainsi envoyé aux jeunes générations ? Que l’on peut causer tant de torts à son pays, ” foyi tè b’o a la” ! (sans aucune conséquence).

3- Deuxième exemple : la section des comptes de la cour suprême et le bureau du vérificateur général ont mis le doigt sur une immense ingénierie financière d’essence mafieuse avec des sociétés-écrans établies dans des paradis fiscaux, des transferts de milliards dans des comptes à l’étranger. Dans tout autre pays, des mesures conservatoires auraient conduit à l’éloignement même temporaire de ceux qui ont été associés à ces affaires. Mais au royaume de l’impunité ” foyi ma bo a la” (sans aucune conséquence).

Dans les deux cas, ceux qui sont concernés par ces graves faits continuent tranquillement leurs activités, passent à la télévision tous les soirs, tiennent des réunions, même des congrès, comme c’est le cas ce week-end à Sikasso !

Quels messages veut-on envoyer aux jeunes générations ? Que rien n’est suffisamment grave pour mériter une sanction ?

III- LE PROCESSUS D’ALGER

4- Engagés en juillet dernier sous les auspices de l’Algérie, les pourparlers inter-maliens piétinent, suscitant exaspération et impatience des uns, lassitude et inquiétude des autres.
5- L’avant-projet d’accord soumis, le 20 octobre, aux parties maliennes, et intitulé :

” Éléments pour un accord pour la paix et la réconciliation nationale” a été contesté (pour des raisons différentes) par plusieurs partis politiques et organisations de la société civile et par les groupes armés.  Des militants d’une des factions du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) ont mis le feu à Ber (Tombouctou) à un exemplaire du document venu d’Alger. Le gouvernement qui y avait vu une “bonne base” pour la résolution de la crise a fini, sous la pression de l’opinion, par déclarer qu’il le rejetait.

6- À l’issue du 4ème round des négociations d’Alger, un document formellement intitulé “projet d’accord” a été distribué par la médiation le 27 novembre.
Comme en octobre dernier, au retour d’Alger, la délégation gouvernementale a jugé que le projet d’accord est bon.

Plusieurs voix se sont élevées pour souligner la gémellité entre l’avant-projet et le projet.

7- Partisan de la résolution de la crise du Nord par des moyens démocratiques, le PARENA continue de privilégier le dialogue et la diplomatie pour restaurer la paix, l’unité et la cohésion de notre Nation. C’est en cela qu’il salue les efforts de nos voisins, de l’Afrique et de la communauté internationale pour aider les Maliens à se retrouver.

8- Toutefois, il estime que les documents provisoires issus des pourparlers d’Alger ne sont pas de nature à restaurer durablement la paix et la concorde au Mali. A bien des égards, ils recèlent les germes de l’affaiblissement du Mali, de la division et de la guerre civile intercommunautaire.

9- Notre gouvernement a une responsabilité particulière dans le piétinement du processus d’Alger : de son accession au pouvoir (septembre 2013) à nos jours, le président de la République n’a démontré à aucun moment qu’il avait une vision claire, une stratégie mûrie, un schéma rigoureux de résolution de la crise du Nord.  Pire, l’État souverain du Mali assiste en spectateur aux efforts de résolution de sa crise, il n’a aucune maîtrise du processus en cours, déléguant à la médiation la méthodologie, l’agenda, les contacts avec les groupes armés, les propositions et les contre-propositions.

En dehors de l’idée de “décentralisation poussée” ( dont les contours restent flous pour le commun des Maliens)  et l’évocation sans cesse répétée de ‘lignes rouges” à ne pas franchir, (lignes rouges, du reste acceptées à Ouaga) l’action de notre gouvernement se caractérise sur le Nord par une absence insoutenable de lignes directrices. Ce qui fait de la délégation gouvernementale une partie comme une autre à Alger.

10 – Les déclarations contradictoires et les tergiversations des premiers mois du quinquennat d’IBK (un jour, je ne laisserai aucun rebelle se hisser à mon niveau, un autre, je ne négocierai que quand les groupes auront déposé les armes, le lendemain, je suis prêt au dialogue sans condition), les aventures désastreuses de Kidal au mois de mai sont les illustrations du manque criard de vision et de schéma de sortie de crise.

La faiblesse de la direction malienne engluée dans des scandales financiers, l’érosion de notre crédibilité extérieure et le rapport des forces crée sur le terrain à la suite de la visite du Premier ministre à Kidal ont eu incontestablement des effets sur les négociations d’Alger.  Les documents distribués par la médiation sont le reflet des revers militaires et politiques de mai dernier et de l’autonomie de facto qui prévaut dans plusieurs contrées du Nord.

11 – Le PARENA préconise un compromis respectueux de la Constitution, fondé sur les balises contenues dans l’Accord de Ouagadougou (intégrité du territoire, unité nationale, forme laïque et républicaine de l’État) ainsi que sur les résolutions pertinentes du conseil de sécurité, notamment la 2100.

Il invite les groupes armés signataires et adhérents à l’Accord de Ouagadougou à honorer leurs signatures et leurs engagements.

12 – Le 24 juillet dernier, le PARENA a remis au président de la République un mémorandum dans lequel, il invitait, entre autres, le chef de l’État à convoquer une Table-Ronde Majorité-Opposition-Société civile pour dégager une position malienne soutenue par tous et que les négociateurs du gouvernement iraient défendre à Alger. Une telle initiative aurait été l’occasion d’élaborer un consensus sur des questions sensibles engageant la stabilité du pays et la cohésion de la nation.

Malheureusement, cette proposition n’a pas retenu l’attention du chef de l’État.

13 – La suspension des pourparlers intervenue le 27 novembre doit être mise à profit pour se ressaisir : une Table-Ronde doit être convoquée pour examiner le Projet d’accord qui ne saurait être signé en l’état. Une discussion nationale qu’elle qu’en soit la forme, est nécessaire avant la reprise des négociations.

Il serait judicieux de renégocier plusieurs chapitres et articles notamment ceux portant sur “le cadre institutionnel et la réorganisation territoriale”(chapitre 3), la représentation de l’État (chapitre 5), le financement et les moyens ( chapitre 6),  le cantonnement, les unités spéciales et les questions de défense et de sécurité, de démobilisation, de réinsertion, d’intégration dans les FAMAS et de police territoriale ( articles 22, 23, 28, 29, 38 et toute l’ annexe 2 ).

Par exemple, le projet prévoit que les membres des mouvements anciennement officiers des FAMAS puissent être réintégrés”. Une telle disposition n’est pas constructive. Si on ne peut faire l’économie, à l’issue d’un conflit armé, d’une intégration de combattants rebelles au sein des forces armées nationales, les cas des officiers déserteurs et ceux qui ont commis des crimes de guerre méritent un autre traitement.

14 – Par ailleurs, le préambule doit être revu pour y inclure l’attachement des parties à la Constitution votée par le peuple souverain du Mali en janvier 1992, sans préjudice d’une éventuelle modification.

Plusieurs propositions du gouvernement nécessitent débat parce-que portant les germes de crises futures. Exemple : l’idée d’élire au suffrage universel direct le chef de l’exécutif régional. Un tel mode d’élection entraînera l’écrasement de sensibilités minoritaires. Quand on sait que la crise du Nord pose la question de l’expression de minorités communautaires, on se demande comment une telle proposition a pu prospérer.

15-Le conflit du Nord a provoqué en 2012 l’effondrement de l’armée et de l’État. Ces deux cataclysmes ont été le révélateur-grandeur nature des maux qui rongent notre pays. Nous nous devons de jeter un regard lucide sur nos institutions en même que nous négocions pour restaurer la paix et la cohésion nationale. Par deux fois, en 1999 et en 2011, sous les présidents AOK et ATT, tirant les leçons des insuffisances de notre édifice institutionnel, nous avons entrepris de réviser la Constitution de 1992. C’est dire s’il y a un réel besoin de revisiter notre dispositif politique et institutionnel.

16- Les discussions sur “l’organisation administrative des régions du Nord” (art 21 de l’Accord préliminaire de Ouagadougou) doivent entraîner une réflexion générale sur l’ensemble des régions du pays. C’est à ce prix qu’on évitera des dispositions particulières pour les seules régions du Nord pour proposer des réformes pour tout le Mali. Pour ce faire, un addendum à la Feuille de route du 24 juillet permettra d’établir une passerelle entre les pourparlers inter-maliens et des Assisses nationales qui valideront, dans la confiance retrouvée, une architecture institutionnelle nationale.

17- Le PARENA plaide pour un nouveau  Pacte national de paix et de bonne gouvernance qui sera traduit dans une nouvelle architecture institutionnelle rationalisée, simplifiée et moins coûteuse : suppression de l’élection présidentielle au suffrage universel, suppression de la fonction de Premier ministre, élection du président de la République par le parlement élu au scrutin proportionnel, élection des gouverneurs de toutes les régions du Mali par des assemblées régionales élues à la proportionnelle.

Une nouvelle Constitution marquera notre détermination commune à ouvrir une nouvelle ère de notre histoire après avoir tiré tous les enseignements de la profonde crise que nous traversons.

IV – POUR UNE STRATÉGIE AUTONOME DE SÉCURITÉ DU TERRITOIRE NATIONAL :

17- La situation sécuritaire s’est considérablement dégradée au nord du Mali pendant le six derniers mois. Du début des pourparlers inter-maliens, en juillet, à ce mois de décembre, les explosions de mines anti-personnel, d’engins explosifs improvisés,  les  attaques à la roquette, les tirs de mortiers ( obus) ont provoqué de nombreux morts et blessés parmi les soldats de l’ONU, les militaires et les civils maliens.

18- Les enseignements tirés du dialogue inter-malien en cours et la dégradation de la situation sécuritaire nous incitent à croire que le Mali se doit d’avoir sa propre stratégie de sécurisation, de stabilisation et de protection de notre territoire. Elle suppose une claire connaissance des acteurs de l’instabilité. Par exemple qui sont ces anciens du MUJAO qui opèrent dans le triangle Ménaka-Ansongo-Banibangou (Niger) et qui endeuillent de part et d’autre de la frontière ? Qui sont les poseurs de mines et d’engins explosifs improvisés dans les secteurs de Gao, Bourem ou Tessalit ? AQMI ?

19- La participation croissante de jeunes maliens aux activités djihadistes n’est-elle pas un défi pour notre pays ? Combien de Mohamed Ali Ag Wadoussène sont membres ou sympathisants de la Sariat El Ansar ou d’autres circuits djihadistes? Peut-on continuer de faire semblant d’ignorer l’appartenance de jeunes originaires du Sud à la Sariat Al Forqane?

20- Le Mali ne doit-il pas chercher à soustraire des réseaux djihadistes ses nationaux qui y sont entrés quelles que soient les raisons de leur allégeance ? Avons-nous des passerelles pour parler à ces concitoyens ? Peut-on faire l’économie d’un dialogue avec nos compatriotes dont les activités déstabilisent le pays ?

Se pose alors la question d’une stratégie, une politique pour stabiliser, sécuriser et protéger notre pays. Il s’agit de prendre notre destin en mains en définissant nos objectifs, nos priorités et les moyens de les atteindre.

Avec une telle stratégie nous cesserons d’être spectateurs de notre destin, en prenant le contrôle du processus de sortie de crise, en parlant avec tous ceux dont les engagements et les activités perturbent la quiétude des populations.

De ce point de vue, la MINUSMA et Barkhane seront partie de notre stratégie.

V- LA STABILITÉ DU SAHEL:

21- La coopération sous régionale (G5), régionale (processus de Nouakchott) et internationale est nécessaire pour lutter contre le terrorisme et stabiliser le Sahel.

Toutefois tous ces efforts seront insuffisants si la détermination nationale connaît de failles et des faiblesses. Chaque pays doit avoir une stratégie nationale fondée sur une vision et une évaluation des menaces et des défis ainsi que des solutions combinant ouverture au dialogue, restructuration et professionnalisation des forces armées, des services de renseignement et de sécurité.

VI- RECOMMANDATIONS :

22- Au président de la République : 

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