Tombouctou fut une ville-lumière, située aux confluences de plusieurs civilisations et la fameuse université de Sankoré, véritable foyer intellectuel qui attirait, tels des lucioles, des savants du monde entier venus s’abreuver à la source limpide du savoir, n’a pas peu contribué, à l’apogée de la ville, entre les 15ème et 16ème siècles, à fonder la renommée universelle de la Cité mystérieuse
La mosquée de Sankoré abritait la Medersa, cette université qui valut au 15ème siècle son rayonnement international à la cité qui, à l’époque, comptait près de 100 000 habitants. 25 000 étudiants se répartissaient entre l’université et les 180 écoles coraniques. Provenant de tout le monde musulman, ils venaient parfaire leurs connaissances en théologie, en droit, en grammaire, mais aussi en matière de traditions, d’histoire et d’astrologie. Des lettrés, écrivains et théologiens venus du Maghreb faisaient le déplacement, autant pour apprendre que pour enseigner.
Des professeurs de Tombouctou se voyaient invités par la célèbre université musulmane d’AI-Ahzar en Egypte. Des jurisconsultes marocains de Fès faisaient le voyage de Tombouctou pour renouveler leur savoir. Le vrai trésor de Tombouctou est constitué d’un ensemble de près de 100 000 manuscrits, détenus par les grandes familles de la ville.
Ces manuscrits, dont certains datent de l’époque préislamique, remontant 12ème siècle, sont conservés comme des secrets de famille. Ils sont pour la plupart écrits en arabe ou en fulani, la langue peule, par des savants originaires de l’ancien empire du Mali et contiennent un savoir didactique, notamment dans les domaines de l’astronomie, de la musique, de la botanique, de la médecine…
Des manuscrits plus récents couvrent le droit, les sciences, l’histoire (avec d’inestimables documents comme le Tarikh es-Sudan de Mahmoud Kati sur l’histoire au 15ème siècle et le Tarikh el-Fetash d’Abderahmane Es-Saad, au 17ème siècle), la religion, le commerce. L’Institut des hautes études et recherches islamiques (IHERI) Ahmed Baba (Cedrab), fondé en 1970 avec l’aide de l’UNESCO, recueille ces manuscrits pour les restaurer et les numériser. Si plus de 18 000 ont déjà été collectés, on estime qu’il en existerait jusqu’à 300 000 dans la zone touarègue.
60 à 80 bibliothèques privées existent dans la ville, parmi lesquelles la bibliothèque commémorative Mamma Haidara et la bibliothèque Mahmoud Kati. Couvrant l’ensemble des domaines du savoir, les manuscrits sont menacés par les mauvaises conditions de conservation et surtout par le trafic dont ils font l’objet au profit de riches collectionneurs occidentaux.
Lorsque le 25 Janvier 2012, les djihadistes qui se sont emparés du Nord Mali ont perpétré un autodafé à la grande bibliothèque Ahmed Baba, tout le monde a craint le pire. Heureusement, grâce au courage et à la perspicacité de certains Tombouctiens, l’essentiel de ce fond documentaire, unique au monde, fut sauvé. Quelques milliers de manuscrits furent quand même détruits.
Cet épisode devrait donner à réfléchir. Comment trouver les voies et moyens de valoriser et d’exploiter ces manuscrits, de les traduire, d’en faire des matériels didactiques pour les écoles, les rendre redondants, pour emprunter un vocabulaire cher aux informaticiens, afin qu’en cas de coup dur, les connaissances qu’ils contiennent ne se perdent pas?
Comme on l’a vu avec l’incendie de la fameuse bibliothèque d’Alexandrie, où d’inestimables savoirs qui permettaient, par exemple, aux thaumaturges de guérir, d’un seul mot, des maux réputés incurables, sont partis en fumée. Pour toujours.
Yaya Sidibé
source : 22 Septembre