Depuis un certain temps, les Grecs tiennent le haut du pavé dans l’actualité, défrayant la chronique à cause principalement du montant astronomique du boulet de la dette que leur pays traine, environ près de 200% de son PIB.
Une situation préoccupante, au point de remettre en cause le principe de la solidarité au sein de l’Union Européenne, voire son existence même. Une publicité dont la Grèce se serait passée volontiers, d’autant qu’on lui renvoie une image de pestiférée, à l’antipode de la gloire du pays de Socrate et d’Alexandre le Grand.
Un pays qui a donné naissance à l’une des plus prestigieuses civilisations du monde, qui a donné la démocratie (démos peuple; kratos pouvoir) à l’Europe et à l’univers, qui a fourni au monde les noms les plus célèbres de la pensée humaine.
A l’image de Platon, l’un des penseurs les plus influents que le monde ait jamais produit, de Démosthène, le bègue devenu grand orateur à force de volonté, d’Aristote, d’Hippocrate, le père de la médecine, d’Archimède de Syracuse avec sa poussée qui fait voguer les navires sur les flots, d’Homère ou de Pythagore avec son fameux théorème.
Faut-il aussi évoquer la géométrie euclidienne, qui a posé les bases de la géométrie moderne, Sophocle ou Eschyle, le père de la tragédie grecque? On pourrait multiplier les exemples à l’infini. Ce n’est certainement pas un hasard si la politique (la gestion des affaires de la cité), comme la démocratie, est aussi d’origine grecque.
Cette civilisation était si resplendissante qu’à son apogée les Grecs n’hésitaient à appeler les autres habitants de la planète «Oï Bararoï», autrement dit les «Barbares». Ont-ils trop dormi sur leurs lauriers? Toujours est-il que, conquise par les Romains, la Grèce a amorcé son déclin.
Mais que la Grèce moderne, descendante de l’ancienne Hellenie, en vienne aujourd’hui à connaître une humiliante descente aux enfers donne à réfléchir. Une Grèce qui, au demeurant, a une curieuse similitude de destin avec le Mali, pays lui aussi héritier d’une riche civilisation, de glorieux empires, dont le plus illustre, l’empire du Mali, s’étendait entre le Sahara et la forêt équatoriale, l’Océan Atlantique et la boucle du Niger, sur les actuels Mali, Burkina Faso, Sénégal, Gambie, Guinée, Guinée – Bissau, Mauritanie et une grande partie de la Côte d’Ivoire.
C’est cet empire qui a donné naissance, en 1236, à la Charte de Kouroukan Fouga, la Charte du Mandé, considérée comme la 1ère Constitution au monde, bien avant la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Les splendeurs de l’empire fondé au 13ème siècle par Soundjata Kéïta, furent rehaussées par l’un de ses successeurs, Kankou Moussa, qui, lors de son fameux pèlerinage à la Mecque, en 1324, emporta avec lui 8 tonnes d’or portées par des milliers d’esclaves et inonda le monde de ses largesses, à tel point que lors de son escale en Egypte les cours du métal jaune s’effondrèrent.
Auparavant, son père, Aboubakari II, explorateur dans l’âme, avait abandonné le trône pour se lancer sur les océans, à la tête d’une expédition de 2 000 hommes. Il aurait découvert l’Amérique avant Christophe Colomb. L’empire du Mali finit par décliner et ses descendants finirent par dormir sur leurs lauriers. Et l’actuel Mali de plonger au plus profond dans une crise multidimensionnelle sans précédent, avec l’effondrement de l’Etat précédé par celui de sa colonne vertébrale, l’armée.
Avec la crise, un homme politique français n’a pas hésité à qualifier la Grèce de «pays sans Etat», miné par une économie parallèle, en la comparant, avec une bonne dose de cynisme, aux «pays africains». Nul doute que les descendants des «Barbares» n’ont pas pardonné à la Grèce d’avoir donné à l’humanité l’une plus belles civilisations du monde.
La Grèce, comme le Mali, étaient sans doute des pays à abattre, dans la farouche, pour ne pas dire cruelle, compétition entre les Nations à travers les âges, par la faute et l’incurie de leurs fils et filles et de la rapacité des Nations dites fortes.
Si, en Grèce, l’on a assisté à l’effondrement de l’économie, au Mali, c’est tout l’Etat qui est passé à la trappe. Pourtant, dans un sursaut venu du fond des âges, certainement via un conseil d’outre-tombe d’Alexandre le Grand, un jeune leader de gauche, Alexis Tsipras, a pris le parti de résister au rouleau compresseur du capital néolibéral.
Yaya Sidibé
source : 22 Septembre