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Terreur Judiciaire ?

Selon une citation apocryphe de Camus,  » Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. Ne pas nommer les choses, c’est nier notre humanité « .

Il ne fait nul doute qu’on assiste aujourd’hui dans notre pays à l’avènement d’un véritable gouvernement des juges, à savoir la tendance pour bon nombre de magistrats à privilégier leur interprétation personnelle au détriment de la loi et ce, sous le regard souvent amusé, mais toujours impuissant et médusé des maliens. Il est des droits et libertés fondamentales dont la quintessence même réside dans le fait qu’ils sont juridiquement protégés et donc inviolables, sauf pour des causes expressément prévues par la loi et auxquelles il n’est fait recours que de manière exceptionnelle. C’est le cas par exemple du droit d’aller et venir ou encore de la liberté d’expression qui permet de critiquer de manière constructive et objective tout ce qui heurte notre sensibilité. Aujourd’hui, face au rouleau compresseur de la justice, animé selon les cas par une méconnaissance non avouée des règles, un esprit revanchard ou encore la recherche effrénée du sensationnel, les droits les plus élémentaires sont foulés au pied, parce que certains magistrats se croient investis d’un pouvoir, sinon divin, du moins régalien, qui les place au-dessus des règles de procédure.

Le foisonnement ces derniers temps des mandats de dépôt en est une parfaite illustration. Et l’on se demande quel plaisir certains magistrats trouvent à envoyer, sans qu’il y ait un véritable trouble à l’ordre public ou alors que le trouble a cessé, les personnes poursuivies à la Maison Centrale d’arrêt, surpeuplée et où cohabitent des terroristes, des assassins, des meurtriers, des violeurs, des escrocs, des délinquants en col blanc, des auteurs de menus larcins et très souvent, des personnes suspectées qui seront innocentées par la suite. Alors qu’une simple mise en cause ou une poursuite sous contrôle judiciaire suffit à retenir la personne à la disposition de la justice. On a coutume de dire qu’en droit, la liberté est la règle, les restrictions l’exception. Il faut reconnaître que dans notre pays, cet adage est aujourd’hui renvoyé aux calendes grecques. En effet, bien qu’ils disposent généralement d’autres alternatives, certains magistrats ne se posent plus de questions et délivrent des mandats à tour de bras. Ce qui est fort dommage et ne contribue guère à rehausser l’image de notre justice.

Face à cette tendance, il est plus que temps que les pouvoirs publics assument leurs responsabilités en mettant des garde-fous afin que cette terreur judiciaire, inéluctable en cette période, soit un tant soit peu encadrée.

Il s’agira par exemple de revoir le Statut des magistrats afin de fixer de manière précise dans quelles conditions un magistrat auteur d’abus de pouvoir pourra voir sa responsabilité engagée et répondre de ses actes.

Il s’agira également d’enlever aux unités d’enquête de la police ou de la gendarmerie toute possibilité de recouvrement de sommes d’argent pour un emprunt non remboursé ou encore une hypothétique escroquerie ou un éventuel abus de confiance, en menaçant la personne poursuivie de privation de liberté afin de l’inciter à signer une reconnaissance ou un engagement à rembourser dans un délai déterminé. Ce n’est pas leur travail. Mais la pratique est monnaie courante puisque certains officiers de police judiciaire y trouvent leur compte. Le vice est souvent poussé jusqu’à l’extrême puisque même s’ils reçoivent une plainte ou un soi-transmis en début de semaine, les enquêteurs attendent très souvent la fin de semaine pour convoquer la personne visée. Et pour cause.

Il s’agira enfin et surtout de créer un Juge des Libertés dont le rôle sera de contrôler la légalité et la régularité des mesures privatives de liberté.

Par Juge des Libertés, il faut entendre un Bureau composé de plusieurs juges, exempts de tout reproche, respectueux de la sauvegarde des droits humains et versés dans l’application stricte des règles de procédure, sans aucune autre considération. Une fois saisi, ce magistrat devra alors, dans les 48h, procéder à un examen rapide de la situation en utilisant un faisceau d’indices comme l’existence ou la disparition d’un trouble à l’ordre public (passé, actuel ou futur), le risque de disparition ou de falsification de preuves, le risque de subordination de témoins, le risque de fuite… En l’absence avérée de tels risques, il devra tout simplement ordonner la remise en liberté immédiate de la personne détenue et sa décision devra s’imposer au magistrat qui a pris la mesure privative de liberté. Quitte alors à ce dernier ou au plaignant de faire appel, mais entretemps, la personne détenue devra être élargie.

Transition ne rime pas avec chasse aux sorcières et la répression judicaire actuelle doit être plus orientée vers la recherche de responsabilité directe que vers la justice spectacle.

*Docteur en droit Enseignant-chercheur

Avocat à la cour

 

L’INDEPENDANT
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