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Tentative de coup d’État en Guinée-Bissau : le mystère s’épaissit

Au début du mois, il semblait que la Guinée-Bissau était sur le point d’être victime de ce que l’on a appelé l’épidémie de coups d’État en Afrique de l’Ouest, mais certains doutent désormais de la version officielle des événements.

Après avoir connu plus d’une douzaine de coups d’État ou de tentatives de coup d’État depuis son indépendance en 1974, et avoir été utilisée comme une voie de passage pour le trafic de drogue, la Guinée-Bissau annonce que des personnes tentent de renverser le président Umaro Sissoco Embaló, dans un contexte d’instabilité.

Le Mali, la Guinée et le Burkina Faso avaient tous récemment succombé à des prises de pouvoir militaires et, le 1er février, des hommes armés ont fait irruption dans le palais du gouvernement dans la capitale, Bissau.

Le président, âgé de 49 ans, et son cabinet se trouvaient dans l’enceinte du palais pour une réunion.

Mais après cinq heures de combats, qui ont fait 11 morts, M. Embaló a déclaré que tout était fini et a établi un lien entre ce qu’il a appelé une tentative de prise de pouvoir et le commerce illégal de drogues.

S’exprimant à nouveau cette semaine, il désigne comme étant à l’origine de la tentative de coup d’État trois hommes qui avaient déjà été arrêtés par les États-Unis pour avoir tenté d’expédier de la cocaïne.

L’un d’entre eux était l’ancien chef de la marine, José Américo Bubo Na Tchuto, et le président affirme qu’il avait lui-même vu les deux autres alors qu’il tentait de se cacher des agresseurs.

Les trois personnes sont arrêtées depuis et ne se prononcent pas sur les accusations.

Parlant avec assurance et sur un ton détendu, le président a confié aux journalistes, jeudi, qu’il avait survécu à une tentative d’assassinat grâce à sa foi en Dieu.

La possibilité que les stupéfiants aient quelque chose à voir avec l’attaque repose sur la réputation de la Guinée-Bissau, devenue un point de transit pour les drogues en provenance d’Amérique latine et à destination de l’Europe.

L’ONU et les États-Unis ont par le passé décrit ce pays de deux millions d’habitants comme un “narco-État” où les politiciens étaient financés par des criminels et où des réseaux au sein du gouvernement étaient établis pour protéger le commerce illégal.

En 2019, M. Embaló a remporté des élections contestées et a promis qu’il y aurait une attitude de “tolérance zéro” à l’égard du trafic de drogue.

Ses partisans disent qu’il a créé les conditions pour que la police puisse lutter contre le commerce, mais il n’est pas clair si cela a fait une différence.

“Certaines des personnes précédemment impliquées dans ce trafic semblent avoir fait un retour en force”, déclare Lucia Bird, de l’Initiative mondiale contre le crime organisé transnational.

“Nous sommes en paix”

Mais au-delà des murs des bâtiments gouvernementaux, des questions se posent.

Dans un salon de coiffure du centre de Bissau, un client m’a dit avec certitude qu’il ne croyait pas à une tentative de coup d’État.

“Tout est calme. Nous sommes en paix à Bissau”, insiste-t-il. “Il ne s’est rien passé. Regardez autour de vous.”

Néanmoins, malgré l’absence d’une forte présence militaire, les choses ont été tendues et une jeune femme affirme que c’est comme si le pays “revenait en arrière”.

Le principal adversaire politique du président, l’ancien Premier ministre Domingos Simoes Pereira, qui dirige le plus grand parti politique du pays, a publiquement mis en doute sa version des faits.

“Comment pouvez-vous me dire qu’il y a eu des coups de feu pendant cinq heures et qu’aucune force militaire n’est venue aider le cabinet ? C’est étrange”, confie-t-il à la BBC.

“Les citoyens de Guinée-Bissau veulent savoir ce qui se cache réellement derrière cette prétendue tentative de coup d’État. Qui sont les personnes qui ont perpétré ce coup d’État ? Combien étaient-ils ? Qui les commandait ? Quels étaient leurs véritables objectifs ?”

Le président n’a jusqu’à présent pas fourni de réponses complètes à ces questions mais a lancé une enquête officielle. Jeudi, il a souligné que “les mains qui tiennent les armes sont des personnes ayant des liens avec le grand cartel de la drogue”.

“Une attaque orchestrée”

Lorsqu’on lui a demandé s’il croyait toujours avoir le soutien de l’armée alors que celle-ci semblait lente à lui venir en aide, il a répondu par l’affirmative, mais a ajouté que la chose la plus importante était qu’il croyait en Dieu.

Il existe une autre théorie avancée par l’analyste politique Rui Landim, qui pourrait expliquer la survie du président et pourquoi l’armée semblait réticente à l’aider.

Il explique à la BBC qu’il pense que M. Embaló a peut-être organisé le coup d’État afin de persuader la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) “d’envoyer des troupes pour le maintenir au pouvoir”.

Les divergences entre le président, le premier ministre et le parlement l’ont laissé dans une position de faiblesse.

Mais le président a déclaré que l’engagement de la Cedeao à envoyer des troupes était un acte de solidarité régionale.

Dans l’incertitude de ce qui s’est réellement passé il y a près de quinze jours, certains restent nerveux.

Au lendemain de l’attaque, certains ont fui à la campagne et ils ne sont pas encore tous revenus.

Source : BBC
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