Trois jours après la tentative d’assassinat du président de la transition malienne, le colonel Assimi Goïta, lui-même tombeur de son prédécesseur, Bah N’Daw, l’opinion nationale et internationale attend toujours d’en savoir davantage sur les mobiles de cet acte qui aurait pu mettre un coup de frein à la transition, pour en connaître les tenants et les aboutissants. En attendant que le suspect arrêté, se mette à table, les questions ne manquent pas. Et avec elles, de nombreuses zones d’ombres au regard desquelles on peut nourrir de sérieuses inquiétudes pour le Mali. La principale étant de savoir s’il faut craindre pour la Transition. La question est d’autant plus fondée que le flou persistant sur la situation et les premiers mots de la victime elle-même qui parle de « déstabilisation », peuvent faire craindre des turbulences au sein du landerneau politique ou de la Grande muette, au cas où devait s’organiser une sorte de purge pour remonter aux éventuels commanditaires. Du reste, on peut se demander si c’est une façon de préparer les esprits, d’autant que la piste terroriste a été pratiquement écartée par les autorités maliennes.
On peut craindre que cet acte attentatoire à la vie du locataire du palais de Koulouba, n’en vienne à tracer la courbe du reste de la transition
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cet épisode de la tentative d’immolation du président de la Transition en mouton sacrificiel de la Tabaski, en pleine mosquée à Bamako, est un acte dont le Mali n’avait pas besoin. Surtout à cette étape charnière de sa transition qui peine encore à trouver ses marques, à sept mois de sa fin censée déboucher sur des élections pluralistes devant ramener le pays à l’ordre constitutionnel normal. Le fait est que loin d’être anodin, l’on peut craindre que cet acte attentatoire à la vie du locataire circonstanciel du palais de Koulouba, n’en vienne à tracer la courbe du reste de la transition. Et pour cause. Primo, si le colonel Assimi Goïta, comme il se susurre dans certains milieux, nourrit de réelles envies de prolonger son bail à la tête de l’Etat malien, il serait difficile d’empêcher ses détracteurs de voir derrière cet attentat manqué, un montage calculé. Soit dans le but de trouver un motif pour une prolongation de la Transition, soit dans une logique de victimisation pour espérer se refaire une cote de popularité aux yeux de ses compatriotes. Secundo, à mi-chemin de cette Transition plutôt mouvementée, il n’est pas exclu que le colonel Goïta qui a voulu se vêtir du manteau de « messie », ait pu se rendre compte de la difficulté de sa tâche et des obstacles éventuels au point de vouloir procéder à une chasse aux sorcières en vue d’écarter de son chemin, d’éventuels adversaires civils ou militaires potentiellement gênants. Dans ces conditions, il faut s’attendre à ce que les lignes bougent dans un sens ou dans un autre, dans les jours, semaines ou mois à venir. Tertio, s’il s’agit d’une volonté réelle d’en finir avec le récidiviste président putschiste de la transition, rien ne dit que ses adversaires tapis dans l’ombre ne reviendront pas à la charge d’une façon ou d’une autre.
Avec ces événements successifs, la Transition malienne danse véritablement sur un volcan
Dans tous les cas, quelle que soit l’hypothèse, les risques sont énormes et il y a des raisons de nourrir des inquiétudes pour le Mali. Car, si l’on n’y prend garde, l’on pourrait déplorer les effets collatéraux et autres répliques telluriques de cet acte qui risque de secouer fortement et faire tanguer dangereusement le navire de la Transition. Et puis, à l’allure où vont les choses, rien ne dit que les élections à venir pourront se tenir à bonne date. Surtout si l’on doit assister à des complots à n’en pas finir, contre ou au sein de la Transition. Sans oublier le danger, pour la paix sociale, que pourrait représenter une éventuelle candidature de l’homme de Kati face à une classe politique qui n’entend pas se faire couper l’herbe sous les pieds par la soldatesque. C’est dire si avec ces événements successifs, la Transition malienne danse véritablement sur un volcan. C’est pourquoi il est impératif, pour les autorités de Bamako, de faire toute la lumière sur cette affaire qui est loin d’avoir livré tous ses secrets. Autrement, le flou contribuera à faire davantage peser le doute et les soupçons sur le président de la Transition lui-même. En tout état de cause, la seule alternative, pour le colonel Assimi Goïta, reste finalement de respecter scrupuleusement la feuille de route de la Transition et de s’y conformer pour un retour pacifique du Mali à l’ordre constitutionnel normal. C’est le plus grand service qu’il puisse rendre à son pays.
« Le Pays.bf »