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Tensions sociales nées du projet SOSUMAR : Les responsables de l’ADVS expriment leur réticence à l’installation d’un projet industriel dans la zone

Le projet sucrier de Markala avait connu une vive résistance de la part de la population de la commune rurale de Sansanding. Cette résistance a amené le groupe Illovo Sugar qui détenait 75% du capital à se retirer. Retour sur un projet qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive.

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Lancé en 2004, le projet sucrier de Markala (PSM) est un projet agro-industriel initié par le gouvernement. Il est conçu sous la forme d’un partenariat public-privé et a trois objectifs à savoir la mise en place d’une industrie du sucre de classe internationale capable de concurrencer les importations et de produire à moindre coût suffisamment de sucre pour le marché national et la sous-région, contribuer à réduire la pauvreté par l’accroissement des revenus des paysans et renforcer le lien entre les secteurs agricole et industriel pour permettre la mise en valeur des énormes potentialités de la zone, la création d’emplois et de la valeur ajoutée.

La résistance de la population de la Commune de Sansanding a amené le partenaire stratégique à se retirer. Une mission sur le terrain le mardi 9 septembre dernier avec l’ONG Tonus et la coalition malienne contre l’accaparement des terres (CMAT), avec l’appui de RRI (Rights and Resources Initiaves), nous a permis de rencontrer le sous-préfet de Sansanding, les responsables de l’association pour le développement des villages de Sana (ADVS) et le maire de la commune.

 

Le projet qui devrait drainer un investissement de plus de 78 milliards de nos francs ne verra peut-être jamais le jour à cause du refus des populations. A Sansanding, les responsables de l’ADVS qui ont opposé une vive résistance au projet nous ont donné les raisons de leur refus.

 

Le porte-parole de l’association, Binké Tounkara a affirmé que dans un premier temps, c’est un site situé entre Markala et Ségou qui avait été retenu pour la réalisation du projet.  » Ce qui a même valu l’appellation  » Projet sucrier de Markala «  ou «  Société sucrière de Markala (SOSUMAR) «  , a-t-dit-il.  » Mais les populations de cette zone ne lui ont pas réservé un accueil enthousiaste. Elles ont estimé que l’implantation d’un tel projet sur leurs terres peut entraîner des conséquences fâcheuses comme, par exemple, la famine. Leur hostilité a fini par contraindre l’Etat à transférer le projet sur un autre site. La zone de Séribala-Dougabougou fut retenue et le choix a été jugé à l’époque pertinent dans la mesure où le site s’étend sur plus d’un million d’hectares « , a déclaré le conseiller du chef du village de Sibila.

 

 » Les agitations de notre maire Lassana Kouma ont amené les autorités à choisir la commune de Sansanding. La méthode retenue était de déposséder les populations de leurs terres et de déplacer tous les villages. Nous n’avons pas cautionné qu’on vienne nous exproprier du seul bien que la nature nous a octroyé. Nos agissements à l’époque ont amené le gouverneur Abou Sow à exiger de la société SOSUMAR de donner aux familles dont les parcelles ont été retenues pour la pépinière des frais forfaitaires en attendant leur dédommagement « , a ajouté Binké Tounkara.

 

Le projet a détruit le tissu social

» Dans le village de Wélétiguila où le projet était déjà en expérimentation sur une superficie de 200 hectares, les paysans ont passé trois ans sans rentrer en possession de leurs dus, malgré les engagements pris par les initiateurs du projet « , rapporte le président de l’ADVS Bamoussa Traoré.

 

Selon lui, le projet consistait à faire disparaître leur identité culturelle. «  Le projet a causé d’énormes dégâts dans notre zone. Il a divisé la population, détruit le tissu social et la nature par la destruction et l’abattage de plusieurs karités qui étaient une source de revenus pour nos femmes et enfants « , a déclaré le président.

 

Tous les intervenants ont abondé dans le même sens. Ils ont pointé du doigt le maire de la commune de Sansanding et de Sibila. Selon eux, les villages qui habitent le site du projet n’ont pas été consultés. Tous ont soutenu que ce sont les deux élus locaux qui ont fait que le projet a changé de site. Ils ont exprimé leur réticence par rapport à l’installation et l’occupation de leurs terres par des investisseurs privés. D’où leur appel au gouvernement d’augmenter le rythme des aménagements pour faire face à la croissance économique de la zone.

 

 

Projet sucrier de Markala : une initiative de l’Etat du Mali

Le maire de la commune de Sansanding, Lassana Kouma que nous avons eu au téléphone a nié les accusations portées contre lui. Selon lui, le projet sucrier de Markala est une initiative de l’Etat malien.  » Je n’ai pas la compétence de faire changer le site d’un projet.

 

Dans sa réalisation, il y a eu une étude d’impact environnemental et des assemblées générales ont été organisées dans tous les villages de ma commune. A l’issue de ces assemblées générales plusieurs villages ont donné leur quitus. Ils ont même proposé leur lieu de recasement. Des mesures d’accompagnement ont été prises par le gouvernement et les responsables du projet pour dédommager les familles concernées « , a dit Lassana Kouma.

 

L’élu local a affirmé que certains producteurs ont même adhéré à l’idée en faisant des propositions qui consistent à faire la culture de la canne et à la vendre à l’entreprise. Pour le maire, il faut rechercher le refus de la population ailleurs, c’est-à-dire les enjeux politiques que des gens ont voulu tirer du projet. En réponse à la question du déplacement des villages, le maire a dit que ce sont les villages de moins de 100 habitants qui sont concernés.

 

 

Pour mieux édifier le public sur les raisons de l’échec du projet SOSUMAR, nous avons rencontré également le sous-préfet de Sansanding Youssouf Gariko. Le représentant de l’Etat a dit qu’il n’était pas sous préfet à l’époque de la localité. Sur la base des rapports qu’il a trouvés sur place, Youssouf Gariko a accepté de nous fournir des renseignements sur le dossier SOSUMAR.

 

Le représentant de l’administration a affirmé que les différents rapports qu’il a trouvés sur place démontrent que c’est le bureau d’étude ESDCO SARL qui a mené les études environnementales et sociales. De ce rapport qu’il nous a présenté, il ressort que sur les 45 villages et hameaux de la commune de Sansanding, 5 villages ont exprimé un avis défavorable, 30 villages sont favorables et 8 villages se sont déclarés sans avis. Un autre rapport montrant un début de payement des sommes d’encouragement destinées aux familles concernées par l’installation de la pépinière des pivots 1 et 2 est aussi visible.

 

 

Retrait du partenaire stratégique de la SOSUMAR

Les différents rapports montrent que le processus de consultation s’est déroulé en mai 2007, de janvier à avril 2009 et août 2009. Les consultations visaient à informer et sensibiliser les différentes parties affectées par les composantes du projet ainsi que son fonctionnement et de recueillir leurs avis, préoccupations et propositions de solutions pour éradiquer et compenser les impacts négatifs. Les préoccupations des populations, notamment les aspects fonciers, sécurité alimentaire, infrastructures socioéconomiques et compensations ont été prises en considération dans la formulation du projet, selon l’un des rapports.

 

 

Pour le sous-préfet, c’est la restitution qui n’a pas été faite. Ce qui fait que, dit-il, la population estime qu’elle a été trompée. A la question de savoir si le site a été attribué à l’opérateur Modibo Keïta, le sous-préfet affirme qu’il ne dispose pas d’informations officielles là dessus. Par contre, qu’il a vu une lettre qui autorisait l’opérateur à utiliser le site durant une période donnée.

 

De l’analyse du dossier, Youssouf Gariko a déclaré que les gens accordent beaucoup d’importance à la rumeur. C’est ce qui occasionne des tensions qui peuvent être évitées si la communication se faisait correctement. Il reconnaît que le projet SOSUMAR avait provoqué une tension dans la commune de Sansanding, mais qui a fini par baisser après le retrait du partenaire stratégique du groupe sud-africain Illovo Sugar qui détenait 75% du capital.

 

 

Cette situation mérite que le gouvernement l’étudie sérieusement avant de se lancer dans des contrats avec des privés qui pourraient contribuer à augmenter la grogne sociale. Cela est d’autant impératif que IBK, lors de son interview passée en bamanan sur l’ORTM, a rappelé le cas de Sansanding avec Modibo Kéïta comme une belle initiative pour amorcer un réel développement dans cette localité.            

 

Moussa SIDIBE

Envoyé spécial

SOURCE: L’Indépendant
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