KINSHASA (Reuters) – La police congolaise a abattu plusieurs manifestants qui s’étaient rassemblés mardi dans les rues de Kinshasa et dans d’autres villes de la République démocratique du Congo (RDC) pour réclamer la démission du président Joseph Kabila, dont le second et dernier mandat à la tête a expiré lundi à minuit.
Le chef de l’Etat entend se maintenir au pouvoir au moins jusqu’en avril 2018 après avoir expliqué que, pour des raisons logistiques et financières, il n’était pas possible d’organiser des élections avant cette date. Le scrutin présidentiel qui devait désigner son successeur était initialement programmé le mois dernier.
Des petits rassemblements s’étaient formés mardi matin à Kinshasa après l’appel à la “résistance pacifique” lancé par l’opposant historique Etienne Tshisekedi.
Des coups de feu ont éclaté dans plusieurs quartiers de la capitale de 12 millions d’habitants, bastion de l’opposition, faisant craindre une répression sanglante du mouvement de protestation.
“La situation est mauvaise”, a déclaré le directeur du Bureau des Nations unies aux droits de l’homme en RDC, José Maria Aranaz. “Nous vérifions des informations selon lesquelles 20 civils auraient été tués mais cela semble assez solide”, a-t-il dit par téléphone à Reuters.
Ida Sawyer, de l’organisation Human Rights Watch (HRW) pour l’Afrique centrale, a fait état pour sa part d’au moins 26 personnes tuées par les forces de sécurité lors de manifestations à Kinshasa, Lubumbashi, Matadi et Boma.
Aucune confirmation n’a pu être obtenue auprès des autorités.
Les manifestations sont interdites à Kinshasa, où l’armée est déployée. Les grandes avenues de la ville, d’ordinaire très actives, étaient quasiment désertes mardi et des groupes de jeunes se formaient dans les rues adjacentes avant d’être dispersés par des tirs de gaz lacrymogène.
Des patrouilles de casques bleus des Nations unies sillonnaient les rues à bord de blindés.
INCIDENTS À LUBUMBASHI
A Lubumbashi, au coeur des mines de cuivre les plus riches d’Afrique, la police et la Garde républicaine, unité d’élite fidèle à Kabila, ont ouvert le feu pour empêcher des manifestations, a déclaré un militant local, Grégoire Mulamba. Un autre militant, Jean-Pierre Muteba, a déclaré qu’un garçon de 14 ans avait abattu par la police. Celle-ci n’a pas répondu immédiatement aux sollicitations de Reuters.
Le maire de Lubumbashi, Jean-Oscar Sanguza, a démenti qu’il y ait eu des morts dans sa ville, ajoutant que les forces de l’ordre étaient intervenues pour mettre fin à des pillages.
Estimant que Kabila “a perdu sa légitimité et sa légalité à la tête du pays”, l’opposant Etienne Tshisekedi a accusé le chef de l’Etat de s’être rendu coupable de “parjure”, de “haute trahison” et de “violation intentionnelle de la Constitution” en refusant d’organiser sa succession.
“Je lance un appel solennel au peuple congolais à ne pas reconnaître l’autorité illégale et illégitime de Joseph Kabila et à résister pacifiquement au coup d’Etat”, déclare-t-il dans une déclaration mise en ligne mardi matin sur YouTube.
Le maintien au pouvoir du président congolais suscite aussi des critiques en Belgique, l’ancienne puissance coloniale, qui a annoncé qu’elle allait “réexaminer” ses relations avec la RDC, et en France, qui a appelé l’Union européenne à faire de même.
“La gravité de la situation justifie que l’Union européenne réexamine ses relations avec la République démocratique du Congo”, a souligné le porte-parole du Quai d’Orsay en faisant état d’arrestations et de violences à Kinshasa mais aussi à Lubumbashi.
Les diplomates craignent que des violences ne fassent replonger la RDC dans la guerre civile à l’image du conflit de 1996-2003 qui a fait des millions de morts.
Depuis l’indépendance, en 1960, l’ex-Zaïre n’a pas connu de transition politique pacifique.
(avec Amédée Mwarabu à Kinshasa; Tangi Salaün, Jean-Stéphane Brosse et Henri-Pierre André pour le service français)
Source :challenges