Voilà des semaines, sinon des mois, que le torchon brûle entre la France et le Mali. On vous résume ce que l’on sait de ce conflit larvé, qui a abouti à l’expulsion de l’ambassadeur français à Bamako.
L’heure n’est plus à l’entente cordiale entre la France et le Mali. Depuis plusieurs mois, la tension est montée d’un cran entre les deux pays, jusque-là alliés face aux forces terroristes qui opèrent dans la région. On vous résume ce que l’on sait de cette brouille diplomatique.
1. Les militaires prennent le pouvoir à Bamako
Le point de départ de ces tensions est un changement de dirigeants à la tête du Mali, survenu à l’été 2020.
Le 18 août 2020, des militaires déposent en effet le président Ibrahim Boubakar Keita, qui doit annoncer sa démission à la télévision nationale. Dans la foulée, Jean-Yves Le Drian avait déclaré que la France condamnait « avec la plus grande fermeté la mutinerie » alors en cours.
2. La montée d’un sentiment anti-français
Depuis ce coup d’État, les relations bilatérales n’ont cessé de se détériorer, d’autant que les putschistes sont entrés ces derniers mois en résistance face à une grande partie de la communauté internationale, dont ses voisins, et qu’ils soufflent sur les braises d’un sentiment anti-français latent dans la région.
Des manifestations contre la présence de la France et d’autres puissances étrangères sont ainsi régulièrement organisées dans le pays. L’une d’elles a encore eu lieu en ce courant du mois de janvier 2022.
3. Au printemps 2021, la France dénonce « un coup d’État dans le coup d’État »
Un nouveau coup de théâtre a lieu en mai 2021 : les militaires déposent le président et le premier ministre de transition, qui avaient été installés au pouvoir suite au putsch de l’été 2020. Quelques jours plus tard, le colonel Assimi Goïta, leader de la junte, prête serment en tant que président de transition.
De son côté, Emmanuel Macron dénonce « un coup d’État dans le coup d’État inacceptable qui appelle à des sanctions » .
4. Des tensions autour de la modification du dispositif français au Mali
La réduction du dispositif de l’opération Barkhane est elle aussi source de tensions. Annoncée par Emmanuel Macron en juin 2021, elle est considérée par le premier ministre malien comme étant un « abandon en plein vol ».
Ces accusations de Choguel Kokalla Maïga, tenus à la tribune de l’ONU en septembre 2021, passent mal à Paris, qui estime, par la voix de Florence Parly, la ministre des Armées, qu’elles sont « indécentes » et « inacceptables ». Emmanuel Macron parlera lui d’une « honte » . Des propos qui vaudront à l’ambassadeur français d’être convoqué par Bamako.
6. Le potentiel recours à l’armée privée russe Wagner regretté par la France
Ces dernières semaines, la tension est encore montée d’un cran autour de la question du recours possible par les autorités maliennes aux services du groupe Wagner, une armée privée russe réputée proche du Kremlin et soupçonnée d’exactions en Centrafrique, où le groupe est également présent.
En visite au Mali en septembre dernier, Florence Parly indiquait ainsi que la France « n’[allait] pas pouvoir cohabiter avec des mercenaires », marquant là l’opposition de Paris à la présence de ce groupe.
La junte a démenti vouloir recourir à ces mercenaires russes mais diplomates et agents de renseignements français continuent d’avoir de sérieux doutes. « On constate aujourd’hui sur place des rotations aériennes répétées avec des avions de transport militaire appartenant à l’armée russe, des installations sur l’aéroport de Bamako permettant l’accueil d’un chiffre significatif de mercenaires, des visites fréquentes de cadres de Wagner à Bamako et des activités de géologues russes connus pour leur proximité avec Wagner », avait indiqué en décembre une source gouvernementale française.
6. L’ambassadeur français sommé de quitter le Mali
La relation entre les deux États s’est encore dégradée en cette fin de mois de janvier 2022. Après que Florence Parly a dénoncé « les provocations » de la junte malienne, un représentant de celle-ci a dénoncé les « réflexes coloniaux » dont faisait selon lui preuve la ministre française.
Enfin, lundi 31 janvier, la télévision d’État annonçait que la junte expulsait l’ambassadeur français de Bamako.
« Le gouvernement de la République du Mali informe l’opinion nationale et internationale que ce jour […] l’ambassadeur de France à Bamako, son excellence Joël Meyer, a été convoqué par le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale (et) qu’il lui a été notifié la décision du gouvernement qui l’invite à quitter le territoire national dans un délai de 72 heures », a annoncé un communiqué, diffusé via la télévision d’État.
Selon Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, les autorités françaises se donnent jusqu’à « mi-février » pour « prévoir une adaptation » de leur dispositif au Mali au regard de « l’isolement progressif » du pays.
Source: ouest-france