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Tensions avec le Mali : la France et ses partenaires se donnent 15 jours pour s'”adapter”

Face à une junte hostile qui vient d’expulser l’ambassadeur français, Paris et ses partenaires de la force Takuba se sont donné jusqu’à la mi-février pour envisager son avenir au Mali, après neuf ans de lutte antijihadiste menée par la France.

Face à la junte malienne, la France et ses alliés sont en pleine réflexion. Paris et les partenaires européens autour des forces spéciales Takuba se sont donné deux semaines pour envisager l’avenir de la force au Mali, en réponse à la décision lundi 31 janvier de Bamako d’expulser l’ambassadeur français. Depuis neuf ans, des forces françaises sont présentes au Mali dans le cadre de la lutte antijihadiste, ayant associé ses partenaires européens depuis.

Les pays partenaires du groupement européen de forces spéciales Takuba, créé en 2020 à l’initiative de la France pour partager le fardeau, vont travailler “d’ici la mi-février” pour “prévoir une adaptation” de leur dispositif au Mali au regard de l'”isolement progressif” de ce pays, a annoncé mardi 1er février le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal.

“La situation ne peut pas rester en l’état. D’ici la mi-février, on va travailler avec nos partenaires pour voir quelle est l’évolution de notre présence sur place” et “pour prévoir une adaptation”, a-t-il déclaré sur FranceInfo au lendemain de l’annonce de l’expulsion de l’ambassadeur de France, en réaction aux récentes déclarations jugées “hostiles” de responsables français.

Cette décision fait culminer les tensions entre Bamako et l’ancienne puissance coloniale, qui compte encore plus de 4 000 militaires au Sahel, dont plus de la moitié au Mali, malgré un allègement du dispositif entamé l’été dernier, compensé par l’arrivée de renforts européens.

L’expulsion de l’ambassadeur français par Bamako est “une fuite en avant de la part de la junte, qui a accumulé de nombreux actes hostiles à l’égard de la communauté internationale, y compris de ses partenaires africains”, a expliqué le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale, dans une interview à France 24.

“L’ambassadeur de la Cédéao, qui est une organisation africaine, a également dû quitter le Mali”, poursuit-il.

“Progressivement réduire la voilure”

Interrogé pour savoir si les troupes françaises allaient se retirer du Mali, le porte-parole du gouvernement a fait remarquer que Paris avait “progressivement réduit la voilure et on va continuer à le faire”.

De fait, les discussions entre Européens vont déjà bon train en coulisses depuis la récente décision de la junte d’exiger le retrait d’un contingent de force spéciales danoises, venu grossir les rangs de la force Takuba, qui regroupe 800 militaires au Mali.

“Les pays prendront dans les 14 prochains jours une décision sur ce à quoi devrait ressembler le futur de la lutte contre le terrorisme au Sahel”, avait déclaré vendredi la ministre danoise de la Défense, Trine Bramsen, alors que Takuba, symbole d’une Europe de la défense chère à Emmanuel Macron, est aujourd’hui dépendante du bon vouloir de Bamako pour exister.

Berlin a d’ores et déjà qualifié l’expulsion d'”injustifiée” : “l’expulsion injustifiée de l’ambassadeur français mène à une impasse”, a écrit le ministère allemand des Affaires étrangères dans un tweet. Il y a un “besoin de dialogue, pas d’escalade pour atteindre l’objectif commun de sécurité et de lutte contre le terrorisme au Mali”, où des troupes allemandes sont déployées dans le cadre de la mission de formation de l’Union européenne ou de la mission de l’ONU (Minusma), poursuit-il.

“À force de se mettre à dos non seulement ses partenaires européens mais aussi africains, la junte se retrouvera d’ici quelques mois confrontée à un problème de financement, parce que le pays est exsangue et l’aide internationale est nécessaire au fonctionnement du Mali”, poursuit le général Jérôme Pellistrandi.

“Une fuite en avant qui se retournera contre Bamako”

Les relations bilatérales n’ont cessé de se détériorer depuis que des colonels ont pris par la force en août  2020 la tête du Mali, plongé depuis 2012 dans une profonde crise sécuritaire et politique. Peu pressés de rendre le pouvoir aux civils, les putschistes sont entrés ces derniers mois en résistance face à une grande partie de la communauté internationale, dont ses voisins, et soufflent sur les braises d’un sentiment antifrançais régional latent.

La France et ses alliés européens s’alarment aussi de l’appel fait, selon eux, par la junte aux mercenaires de la sulfureuse société de mercenaires russe Wagner, réputée proche du Kremlin. La junte persiste à démentir.

Si la junte profite d’un soutien “des Maliens de Bamako” qui éprouvent un sentiment anti-Français, poursuit le général Pellistrandi, “il faut bien voir que la junte ne contrôle qu’à peine 30 % du territoire malien et c’est bien cela le problème. Si elle profite de l’appui de Wagner, la junte est engagée dans cette fuite en avant qui au final se retournera contre elle, parce qu’elle n’est pas capable d’être dans la durée.”

Échec cuisant pour Paris ?

Un retrait forcé du Mali après neuf ans d’engagement au prix de 48 morts français (53 au total au Sahel) constituerait un cuisant revers pour le président français. D’autant plus en pleine présidence française de l’Union européenne et à trois mois de l’élection présidentielle française à laquelle Emmanuel Macron va sans doute se représenter. Mais l’attitude de la junte rend ce scénario de plus en plus difficile à éviter, d’après de nombreux observateurs.

“Un soldat français peut-il encore risquer sa vie pour la protection d’un pays failli qui expulse son ambassadeur ?”, s’indignait mardi sur Twitter le colonel français en retraite Raphaël Bernard, auteur de l’ouvrage paru en novembre “Au cœur de Barkhane”, du nom de l’opération antijihadiste française au Sahel.

Une sortie du Mali ne se ferait toutefois pas sans difficulté. Le désengagement des militaires français, solidement implantés sur des bases à Gao, Ménaka et Gossi, prendrait de nombreux mois à organiser, selon l’état-major. En outre, la relocalisation de Takuba promet d’être un casse-tête : le Niger voisin a fait savoir qu’il n’accueillerait pas cette task force. Quant au Burkina Faso, il vient de connaître un coup d’État.

Le vide laissé par les troupes ne manquerait enfin pas de profiter aux mouvements jihadistes affiliés, selon les zones, à Al-Qaïda ou au groupe État islamique, qui ont conservé un fort pouvoir de nuisance malgré l’élimination de nombreux chefs.

Alors que les violences se sont propagées au Burkina Faso et au Niger, ainsi que dans le nord de la Côte d’Ivoire, du Bénin et du Ghana, la France conserve en tout cas la ferme intention de maintenir sa présence dans la région en y renforçant ses activités de coopération, selon des sources concordantes.

Source : France 24 Avec AFP

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