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Témoignage de Zouber Sotbar : ATT mérite la reconnaissance de la patrie

Je sors de mon silence pour rendre un hommage à l’ancien Président de la République du MALI Amadou Toumani TOURE dit ATT.

J’avais à peine 12 ans quand les protestations ont commencé contre le régime du Général Président Moussa TRAORE aux affaires depuis 1968 à l’issue d’un coup d’état contre le Père de l’Indépendance du MALI, l’ancien Président Modibo KEITA. Même si la dictature militaire s’était assouplie avec le temps, c’était aussi le résultat d’une répression méthodique en décalage avec les profondes aspirations du peuple malien qui voulait accéder au pluralisme politique et à la liberté d’expression.

Les acteurs du mouvement démocratique se sont préparés depuis de nombreuses années dans la clandestinité en infiltrant toutes les couches de la société, y compris l’armée républicaine. Aveuglé par des va-t-en guerre et de plus en plus déconnecté par la réalité, Moussa TRAORE s’est entêté dans l’erreur obligeant une partie de l’armée à prendre ses responsabilités. Le Lieutenant-Colonel ATT n’était pas le cerveau de ce putsch militaire, mais il s’est imposé naturellement à ses camarades parce qu’il a toujours été un rassembleur et un homme de paix.

A la tête de l’une des premières transitions démocratiques en Afrique, il a fait rayonné le MALI sur l’ensemble du continent africain et même au-delà. Le bilan de la Transition démocratique de 1991 n’était pas parfait, mais il demeure encore aujourd’hui un cas d’école à bien des égards. Outre la Constitution de 1992 servant encore de référence avec ses atouts et ses limites, il a mis fin au conflit dans le Nord du MALI, il a organisé pour la première fois dans l’histoire du MALI un procès public pour crimes de sang respectant les droits de la défense, enfin il a organisé les premières élections démocratiques du MALI. Ce bilan est certes celui du mouvement démocratique, mais c’est aussi celui de Feu Amadou Toumani TOURE et la patrie lui sera éternellement reconnaissante pour cela. Les aventuriers qui ont pris le pouvoir au MALI il y a quelques mois devraient en prendre de la graine parce que n’est pas ATT qui veut, mais qui peut et pour l’instant on est loin du compte !

Pour l’une des rares fois à l’époque, si ce n’est pour la première fois de l’histoire contemporaine de l’Afrique, un putsch militaire se soldait par une véritable transition démocratique permettant au peuple de reconquérir le pouvoir par les urnes. Fort de cet exploit, ATT a été mandaté sur de nombreux théâtres de guerre en Afrique pour partager sa vision et son expérience de la paix. Le soldat de la paix comme on l’appelait affectueusement n’a ménagé aucun effort au service de la paix. C’est pour cela sans doute que l’ancien Président Alpha Oumar KONARE conscient déjà du bilan mitigé de l’expérience démocratique malienne sans renier sa part de responsabilité en a fait un recours dans une logique de transition. Le retour d’ATT aux affaires était donc loin d’avoir été un accident de parcours, il a été orchestré de façon méthodique :

 

– Le plan de lutte contre la Dracunculose ou Ver de Guinée : en prenant la tête de cette opération, ATT est sorti du seul champ militaire en étant au plus près des préoccupations concrètes du peuple MALIen et en sillonnant le MALI profond pour capitaliser sur l’éradication de ce fléau dont il a été l’un des acteurs clés.

– La destruction de l’ADEMA qui s’était mué en parti unique avec tout ce que cela implique comme dérive. Il fallait d’abord écarter le danger d’une gouvernance IBK et ceux qui en ont douté en ont fait la triste expérience, puis multiplier les candidatures dissidentes issues des rangs de l’ADEMA pour fragiliser celle de Soumaila CISSE qui était sur le point de gagner indéniablement.

– La mise à disposition des moyens d’une partie de l’ADEMA et même de l’Etat au service de la campagne d’ATT à qui il ne restait plus qu’à rendre sa démission anticipée de l’armée pour se présenter à l’élection présidentielle.

ATT aurait pu faire carrière à l’International au service de la paix et à ce titre je l’aurais bien vu comme Secrétaire Général des Nations Unies. Je peux me tromper, mais je doute qu’ATT ait été un acteur clé de sa propre élection parce qu’il ne me donnait pas le sentiment d’être attaché à la conquête ou à l’exercice du pouvoir, mais les circonstances justifiaient ce sacrifice pour essayer de remettre la démocratie malienne sur les rails dans un contexte de fortes tensions politiques et de fragilité des acquis.

Le destin en a décidé autrement et ATT a été triomphalement élu Président de la République du MALI en 2002. Si cette élection était loin d’être parfaite, les résultats n’ont fait l’objet d’aucune contestation contrairement aux légendes urbaines et autres mythes qui voudraient qu’IBK aurait été spolié d’une probable victoire. A l’issue du premier tour, Soumaila Cissé a réussi à se maintenir au second tour alors que la Cour Constitutionnelle avait annulé plus de voix dans son camp que dans celui d’IBK éliminé au 1er tour. Pour autant, IBK qui a eu la dent si dure à l’encontre d’ATT a oublié qu’il lui a apporté son soutien au second tour en négociant la Présidence de l’Assemblée Nationale du MALI. ATT a été un Homme d’Honneur et c’est pour cela qu’il s’est investi personnellement pour convaincre les états-majors des principaux partis politiques pour soutenir IBK face au jeune Moussa MARA en commune IV alors qu’il aurait pu mettre fin à sa carrière politique.

ATT, fidèle à sa réputation de soldat de la paix, a réussi à pacifier la classe politique malienne en théorisant et en expérimentant un système de gouvernance politique basé sur la gestion consensuelle des affaires de l’Etat. Il n’y avait ni majorité, ni opposition, même le parti SADI était représenté dans le gouvernement en la personne de Cheick Oumar SISSOKO. Cette stabilité politique a permis à l’Etat d’entreprendre des grands chantiers de développement des infrastructures routières pour limiter les contraintes de l’enclavement géographique du MALI en plus d’autres chantiers. Il a peut-être manqué de vision politique, mais il n’a pas manqué de volonté politique. En même temps, difficile de définir une vision politique quand les organisations politiques étaient plus préoccupées par le partage du pouvoir à court terme que la conquête et la gestion du pouvoir. Cette réalité n’a pas échappé à ATT et surtout à son entourage immédiat bien décidé à se maintenir au pouvoir.

C’est ainsi qu’ATT briguera un second mandat face à IBK, opposant de façade ayant bénéficié des largesses du régime en tant que Président de l’Assemblée Nationale, puisque Soumaila Cissé briguait lui un second mandat à la tête de la commission de l’UEMOA où il a fait honneur au MALI.

Ce second mandat d’ATT a été celui de trop parce que la gestion consensuelle a maintenu le statut quo politique au détriment de la confrontation des idéaux et des visions politiques. A ce titre, la gestion consensuelle a finalement été un échec démocratique, pire elle a institutionnalisé l’équilibre des chapelles politiques au sein de l’administration au détriment de l’Etat, celui qui garantit l’intérêt général, la neutralité et la continuité du service indépendamment de la coloration politique des ceux qui occupent des postes. Cette faillite accélérée de l’Etat a fini par remettre en cause tous les acquis des régimes précédents, y compris celui d’ATT. Face à l’absence d’Etat, la volonté politique d’ATT ne suffisait plus et ce d’autant plus qu’il ne s’était pas fait que des amis en refusant de signer les accords de migration du régime Sarkosy, en refusant d’abandonner le Colonel Khadafi pourchassé à mort ou encore en refusant de céder à la pression de la communauté internationale qui était bien décidée à consacrer la création de l’Azawad dans le Nord du MALI.

C’est dans ce contexte qu’ATT a été renversé par un putsch a quelques mois de l’élection présidentielle à laquelle il n’était pas candidat conformément à la Constitution dont il a la paternité et conformément à ses déclarations publiques et explicites sur le sujet. L’acharnement de la junte militaire montre que l’objectif était de l’éliminer physiquement. Il aurait pu essayer de riposter, mais fidèle à sa tradition de paix, il a proposé sa démission de lui-même pour ne pas être un obstacle à la suite du processus de transition. L’avenir nous dira qu’elle a été son niveau d’implication supposé dans la mort de militaires maliens pris au piège de la rébellion touarègue, mais je doute que cet Homme ait pu être lié à ces exactions. En tant que Chef de l’Etat à l’époque des faits, il en porte une responsabilité morale, mais cela ne fait pas de lui un coupable.

ATT était revenu triomphalement de son exil forcé au Sénégal et depuis il jouissait d’une grande sympathie de la part de la population malienne. Patriote convaincu, il n’a jamais douté de l’amour que son peuple lui porte en dépit des incompréhensions et de son bilan, certes mitigé, mais tout à fait honorable à la tête du Mali.

Dors en paix mon Général parce qu’il ne peut en être autrement.

Tu as aimé les maliens et le Mali.

Tu mérites la reconnaissance de la patrie.

Tu n’as pas été parfait parce que la perfection n’est pas de ce monde, mais tu as été un Grand Serviteur de ton pays, de ton peuple et de l’Humanité avec conviction et humilité !

Zouber SOTBAR

 

Source: L ‘Aube- Mali

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