Voici plus de 50 ans que nous nous trompons nous-mêmes en pensant pouvoir élaborer et mettre en œuvre une politique de développement en Afrique. Cette erreur de jugement qui remonte loin dans le temps a des conséquences désastreuses. Les riches et les puissants sont devenus encore plus riches. Quant à la pauvreté, elle a gagné du terrain avec la croissance démographique. La plupart des pays africains ne sont pas devenus plus autonomes mais plus dépendants. Un cercle vicieux comme chez les toxicodépendants : Plus on leur offre de came et plus ils deviennent léthargiques et accros. La seule différence, c’est que pour l’Afrique, l’offre de produits rendant accro ne vient pas de cartels cupides mais de gouvernements bien intentionnés. Et ces produits ne sont pas distribués par des dealers patibulaires mais par le personnel humanitaire, souvent très engagé, qui se trouve sur place. Une tragédie en somme.
Mais en vérité, en Afrique, le développement ne peut et ne doit être effectué que par les Africains eux-mêmes. Les pays africains doivent savoir ce qu’ils veulent et doivent planifier ce dont ils sont capables. Si, pour ce faire, ils ont besoin de l’aide d’autres pays, alors ils doivent l’exprimer et le justifier. Et si leurs raisons sont bonnes, ils recevront l’aide. Nous devons plus les considérer comme des pays preneurs, et eux ne doivent plus voir en nous des pays donateurs.
Pour résumer :
L’expérience montre clairement que l’augmentation massive de l’aide publique au développement n’améliore aucunement les conditions de vie dans les pays africains. Il est, au contraire, plus probable qu’une grande partie des ressources complémentaires tombe entre de mauvaises mains, et que l’exode continue.
Jusqu’à présent, l’aide au développement n’a, globalement, créé aucune dynamique économique durable en Afrique subsaharienne.
L’aide publique au développement a, plutôt, renforcé la dépendance des pays bénéficiaires, et entravé toute dynamique économique propre.
Nonobstant les conditions commerciales privilégiées, l’on ne trouve pratiquement aucune marchandise provenant d’Afrique subsaharienne sur le marché mondial.
La politique étatique actuelle en matière de développement a pris en charge des compétences qui ont compromis les possibilités de développement africain dans une perspective d’autosuffisance.
L’aide au développement est devenu un dispositif servant juste à assurer sa pérennité soit qui ne sert qu’à se suffire à lui-même.
L’Afrique a besoin :
D’entrepreneurs africains et étrangers qui créent des entreprises de production en Afrique. Il faut les encourager massivement car tout développement économique de l’Afrique est impossible sans industrialisation.
D’une formation professionnelle pratique en fonction des besoins pour un développement économique durable.
D’une aide au développement qui soit fournie aux organisations fiables sur place, afin de promouvoir l’esprit d’initiative.
Mémorandum de Cologne – Exposé
Plaidoyer pour une politique de développement saine
Si les l’aide au développement avaient atteint leurs objectifs, nous serions, aujourd’hui, en train de discuter de leur échéance. Mais rien n’est moins vrai : Elle doit être intensifiée et un plan Marshall est même préconisé pour l’Afrique.
Nonobstant toutes les déceptions justifiées en raison de l’absence d’acquis en matière de développement avec impact durable, l’on doit admettre que des progrès ont bien été réalisés en termes de développement dans certains domaines (santé, éducation, démocratie participative, promotion des femmes, informatique et communications). Y ont largement contribué certaines ONG, fondations politiques et services de développement ecclésiastiques, entre autres.
Cependant, depuis des années le seuil de pauvreté se maintient obstinément à un niveau élevé (50% de la population) Les états sont en train d’imploser ; les conflits ethniques ou culturels gagnent en intensité en plusieurs endroits. Toutes les tentatives visant à réduire la corruption au plus haut niveau (la corruption étatique est le principal fléau qui accable l’Afrique), se sont avérées inefficaces jusqu’à présent. La souveraineté nationale est mal interprétée et détournée de son but, et utilisée pour permettre la fraude et la répression
Les pays développés de l’hémisphère Nord ont leur part de responsabilité dans cette gabegie : l’aide au développement s’est révélée être une drogue dont les consommateurs choyés ne s’en lassent pas. Etant donné qu’il est impossible de vérifier l’utilisation de la remise des fonds tel que convenu, (p.ex. par le parlement et la justice des pays bénéficiaires), ces fonds viennent renforcer les activités illégales et en partie criminelles de gouvernements ne disposant que d’une faible légitimité démocratique, et qui sont plus intéressés par des privilèges personnels que par une politique de développement en faveur de leur population. Cette complicité entre des régimes parasitaires et des organismes donateurs occidentaux n’est pas défendable du point de vue de l’éthique : L’argent du contribuable est jeté par la fenêtre ! Le développement ne peut venir que de l’intérieur.
C’est la raison pour laquelle nous exigeons un sevrage au niveau des pratiques courantes en matière de coopération au développement et un retour au réel enjeu de l’aide au développement : Encourager les populations des pays pauvres à « activer » leur propre potentiel de développement pour une « vie agréable », c’est-à-dire faire en sorte qu’ils soient disposés à surmonter les obstacles qu’ils rencontrent afin de prendre leur vie en main et devenir autonome grâce à une activité rémunérée.
Les efforts menés en vue de comprendre et d’apprécier les différences socio-culturelles doivent être entrepris avec beaucoup plus de sérieux.
Dans les relations commerciales et économiques avec les pays africains, il est nécessaire de mettre fin à l’ensemble des pratiques qui entraînent des pertes d’emplois désastreuses, en particulier les pratiques menaçant de fausser la concurrence au niveau de la politique en matière d’agriculture et de pêche des pays européens (subventions à la production). Il convient de commencer avec les systèmes de production ayant une incidence particulièrement néfaste pour l’Afrique.
Il est nécessaire d’écarter toutes incitations pernicieuses (fuite des cerveaux). Au lieu de cela, nous recommandons de plus se recentrer sur la formation professionnelle et la formation continue, en veillant à inclure des technologies adaptées aux conditions locales. Il s’agit de promouvoir tout particulièrement les domaines de formation en MINT (mathématiques, informatique, sciences naturelles et techniques), l’apprentissage en ligne et les bourses d’études sur place ainsi que l’équipement des universités à travers le renforcement durable des institutions.
La coopération avec la diaspora africaine, en partie très active, doit être encouragée. Par exemple, inciter et soutenir le personnel qualifié exerçant en Europe afin de lui permettre un retour dans son pays d’origine.
Les destinataires de l’aide au développement ne doivent pas uniquement se limiter aux gouvernements de pays en développement mais également inclure des institutions qui viennent élargir la palette des bénéficiaires de l’aide : des ONG sélectionnées et des éléments ayant l’esprit d’entreprise issus des couches moyennes et qui ont, jusqu’ici, été étouffés par l’état parasitaire caractérisé par le clientélisme. Pour les gouvernements qui ne se conforment pas aux normes convenues par la coopération au développement (catalogue des critères de la coopération au développement) et ce, au détriment de leurs populations, il est nécessaire de supprimer les transferts de fonds au titre de la coopération au développement, et pour les cas extrêmes de corruption, il convient d’annuler les fonds pour toute la durée du mandat du président en exercice. Les « aides budgétaires » non contrôlées doivent être supprimées de façon plus conséquente qu’auparavant. Nous nous opposons à la tendance actuelle consistant à vouloir reprendre l’aide au développement fondée sur des motifs essentiellement liés à la politique étrangère, en faveur de pays qui ne peuvent en bénéficier pour cause de violations des droits de l’homme.
En revanche, il est nécessaire de mettre à disposition plus de moyens pour des domaines prioritaires qui ont des répercussions durables en termes de potentiel de développement de la population économiquement active. Il est urgent de promouvoir davantage les programmes de planning familial afin de freiner la forte croissance démographique qui anéantit tout progrès socio-économique.
Il convient de promouvoir davantage les micro-crédits pour les femmes conformément aux critères de la banque des villages (Grameen Bank).
Il est urgent de promouvoir plus fortement les petites et moyennes entreprises (PME) allemandes à travers plus de recours au capital-risque.
Il convient de réclamer, pour toutes les mesures d’aide, une concertation axée sur les objectifs de l’ensemble des pays donateurs (bailleurs d’aide). Cette concertation doit s’effectuer entre ces bailleurs d’aide afin d’améliorer la cohérence.
Cologne, le 27/11/2016