Ce mois de mai est celui de la clarification et du début des grandes manœuvres dans la perspective de l’élection du Président de la République dont le 1er tour aura lieu, en principe le 29 juillet 2018.
Au palais de Koulouba, le 5 mai dernier, Soumeylou Boubèye Maïga et Bocari Tréta ont conduit une délégation de 67 partis politiques dont 4 partis politiques du centre et 4 de l’opposition extra-parlementaire pour demander au Président fondateur du RPM d’accepter d’être candidat à sa propre succession. L’absence remarquée de la Convergence pour le développement du Mali (Codem), de Housseini Amion Guindo, de l’ADEMA-PASJ et du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR) de Choguel Kokalla Maïga au sein de cette plateforme d’alliance électorale et politique dont l’objectif est de soutenir la candidature d’IBK à l’élection présidentielle du 29 juillet prochain n’a pas échappé aux observateurs. A l’exception de quelques formations politiques ayant un ancrage certain, les autres ne sont que des particules selon l’avocat Me Malick Ibrahim. « Je ne suis pas un homme en ambition solitaire. Dès lors que le peuple qui m’a porté là où je suis à travers vous revient avec ce même destin, je ne peux que m’y soumettre, surtout quand cette demande vient d’un fond aussi sincère, aussi fidèle à ce que j’ai senti moi-même venant de ce pays – ce pays prie pour nous, souhaite que nous soyons à ce rendez-vous dans une aussi belle forme qu’aujourd’hui. Il vous reviendra, mesdames et messieurs de la majorité, d’en décider les conditions de mise en œuvre, en tout respect – quand on vous respecte vous devez respecter, et votre démarche m’impose le respect. A partir de cet instant, et en conformité avec la Constitution du Mali, le collège électoral étant convoqué, à vous de mettre en œuvre votre souhait dont je pense qu’il a l’assentiment de la majorité du peuple malien. Qu’Allah bénisse le Mali ! », a déclaré le Chef de l’Etat à ses soutiens. Il ne s’est pas empêché de lancer des piques à ceux qu’il qualifie de « compagnons honteux » et « opportunistes avérés ».
Les assises du comité central du Rassemblement pour le Mali (RPM) qui ont eu lieu le lendemain ont lancé un appel à candidature au président fondateur eu parti. Une petite analyse de l’intervention présidentielle laisse présumer qu’il a envie du pouvoir mais doute encore de la capacité de ses soutiens à relever le défi de la réélection en dépit des nombreux associations et mouvements qui inondent la place publique. Un doute qui s’explique par les hésitations de certains alliés de poids à s’engager auprès de lui.
Une visite stratégique du chef de l’Etat en Côte d’Ivoire
La démission du Président de la Convergence pour le développement du Mali (Codem), Housseini Amion Guindo de son poste de ministre de l’éducation nationale au sein du gouvernement de Soumeylou Boubèye Maïga est une fissure de plus au sein du groupe de soutien au chef de l’Etat. La Codem est la troisième force politique de la majorité avec 682 conseillers communaux obtenus lors de l’élection municipale du 20 novembre 2016 derrière le RPM (2423 élus) et l’ADEMA-PASJ (1817 conseillers). Le parti de la quenouille actuellement victime des tentatives de débauchage de ses cadres vaut mieux que la réunion de l’Union pour la démocratie et le développement (UDD) de Tiénan Hubert Coulibaly et de l’Union Malienne Rassemblement démocratique Africaine (UM-RDA) d’Ibrahim Bocar Ba qui ont eu obtenu respectivement 345 et 258 élus communaux. De même, la Codem pèse plus lourd que le trio l’Asma CFP du Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga (300 élus municipaux), l’APR d’Oumar Ibrahim Touré (137 conseillers) et le Miria de Mamadou Kassa Traoré (86 conseillers).
Un autre poids lourd de l’ex-majorité qui hésite à s’aligner derrière le chef de l’Etat sortant est le Mouvement patriotique pour le renouveau de Choguel Kokalla Maïga. Le MPR, c’est 412 conseillers communaux. Ce qui n’est pas à négliger. Si par extraordinaire, la Convention Sociale Démocrate (CDS Mogotiguiya) de Mamadou Bakary Sangaré dit Blaise forte de 112 conseillers et de plus 10 maires obtenus sur des bases saines sans grands moyens financiers venait à se démarquer de la majorité, les choses se compliqueront davantage pour le Chef de l’Etat et ses lieutenants.
De nombreux observateurs ne comprennent pas pourquoi le Président IBK et son proche entourage se privent volontairement de la capacité de mobilisation de la CDS mais aussi du talent et de l’intelligence de son leader Blaise Sangaré, victime d’une sorte d’ostracisme au sein de la majorité depuis septembre 2013. Privé du soutien d’une partie des leaders religieux, orphelin du coup de pouce de la junte militaire du général Amadou Haya Sanogo, le Président de la République qui ne bénéficie pas de la même ferveur populaire qu’en 2013, semble compromettre sa réélection par son hésitation à prendre une décision forte et courageuse. A ce stade, on ne peut pas dire que les multiples équations sont loin d’être résolues pour la réélection du Président fondateur du RPM qui effectue à partir de ce 10 mai, une visite stratégique de 48 heures en Côte d’Ivoire, quelques semaines après celle de son Premier ministre.
Soumaïla Cissé et Modibo Sidibé à la loupe
Au sein de l’ADEMA-PASJ, c’est la fin des supputations. Le Pr Dioncounda Traoré fait preuve de sagesse en déclinant l’offre d’être candidat à l’élection présidentielle. Un gâchis pour les responsables du comité exécutif de l’ancien parti au pouvoir qui peinent à se fédérer autour d’un homme comme ce fut le cas d’Alpha Oumar Konaré. L’ADEMA se déchire. Aujourd’hui, il est peu probable que le parti présente un candidat issu de ses rangs. Donc la probabilité d’un soutien à son ancien président, aujourd’hui aux commandes de l’Etat, est de plus en plus forte en dépit d’une grande opposition de certains cadres et de la base. Si la conférence nationale extraordinaire du 19 mai prochain décide de soutenir IBK, c’est un parti divisé qui va s’engager dans la bataille électorale. Avec tout ce qui se passe actuellement, le temps a donné raison à Mamadou Bakary Sangaré dit Blaise, conseiller spécial à la présidence sur le Directeur de cabinet du Président de la République, Dr Ibrahim Traoré. Fin stratège, le concepteur de Mogotiguiya, l’un des plus brillants et intelligents cadres de sa génération, pour reprendre une expression du quotidien national ‘’L’Essor’’, avait soutenu qu’il ne faut pas miser sur l’ADEMA dans la bataille pour la réélection d’IBK contre l’avis du directeur de cabinet.
Division à l’ADEMA mais aussi au Parti pour le développement économique et la solidarité (PDES). Le 2ème congrès ordinaire des héritiers du général Amadou Toumani Touré a connu une fin tourmentée avec une graine de division. Un bureau parallèle conduit par Mohamed Dipa Sy a annoncé dans un message spécial lu à la télévision nationale, le ralliement du parti à la cause du Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta. L’équipe de Djibril Tall qui revendique la légitimité, balaie d’un revers de main ces informations. Monsieur Tall a annoncé la suspension de ceux qui s’opposent aux résolutions du congrès. Une fois cette tentative de rébellion matée, les héritiers d’ATT peuvent maintenant songer à choisir un candidat qui incarne mieux leurs intérêts ou du moins ceux du Mali.
Tous les regards sont fixés sur le stade du 26 mars et le palais de la culture. Les responsables de l’URD ont joué gros en choisissant le mystique stade du 26 mars pour l’investiture de leur candidat, l’honorable Soumaïla Cissé. Si les lieutenants du challenger d’ATT en 2002 et d’IBK en 2013 au second tour arrivent à faire une grande mobilisation, ils créeront une certaine panique dans le camp averse et donneront un bon signe pour le scrutin du 29 juillet 2018. Dans le cas contraire, ils prendront un sérieux coup dur pour la suite de la bataille électorale.
Au palais de la culture où Modibo Sidibé sera investi par le NPP sans le PIDS de Daba Diawara, le discours du patron des Fare Anka Wuli permettra aux observateurs de connaître sa direction après son refus de signer l’acte de la coalition pour l’alternance et le changement.
Ce mois de mai est sans aucun doute celui de la clarification et du début des grandes manœuvres. La précampagne va entrer dans sa phase la plus active même si le mois béni du Ramadan commence dans une semaine.
Chiaka Doumbia
Le challenger