La pression monte pour le gouvernement militaire de transition au Soudan. L’Union africaine lui a donné un ultimatum lundi. Le Conseil paix et sécurité, qui s’est réuni à Addis-Abeba, a annoncé par communiqué qu’il laissait 15 jours à l’armée soudanaise pour remettre le pouvoir aux civils, sans quoi le pays serait suspendu de l’organisation continentale. Cette décision intervient alors que la pression de la rue continue.
Dans son communiqué le Conseil paix et sécurité de l’UA est clair : il « condamne fermement et rejette totalement la prise de pouvoir par l’armée soudanaise, ainsi qu’une période de transition de deux ans ». L’Union africaine accorde donc deux semaines à l’armée soudanaise pour rectifier le tir, sans quoi « certains protocoles seront mis en place ».
La suspension d’un pays de l’organisation africaine est quasi automatique, dès lors qu’un coup d’État militaire est reconnu par l’institution. En 2015, le Burkina Faso avait subi le même sort, comme l’Égypte et la Centrafrique deux ans plus tôt. Tous trois ont depuis lors réintégré l’Union africaine.
Des sanctions peuvent également être prises à l’encontre des individus identifiés par l’Union africaine comme contribuant au maintien d’une situation inconstitutionnelle. Après le coup d’État de 2012 au Mali, plusieurs militaires ont ainsi vu leurs avoirs gelés et se sont fait signifier une interdiction de voyager sur le continent.
Dans les rues de Khartoum, les Soudanais, eux, s’impatientent. L’Association des professionnels soudanais, fer-de-lance de la contestation a demandé ce 15 avril la dissolution du Conseil militaire de transition et son remplacement par un conseil civil.
Maintenant que la Constitution est suspendue, ainsi que le Parlement, le Soudan est désormais dirigé par un Conseil militaire de transition, formé de hauts gradés des forces de sécurité. Ce conseil est dirigé par le général Abdel Fattah Abdelrahman Burhan, ancien chef de l’armée de terre. On compte aussi le chef de la police, de l’armée de l’air, et des personnalités moins connues. Mais un nom attire particulièrement l’attention : celui d’un ancien chef d’une milice du Darfour, accusée d’avoir semé la mort lors de la guerre de 2003, mais qui semble être devenu une figure importante du nouveau pouvoir.
C’est lui qui, ces derniers jours, a serré les mains des diplomates étrangers venus aux nouvelles : l’ambassadeur néerlandais, les chargés d’affaires américain et britannique, le représentant européen… C’est lui qui commande les troupes encore postées autour du rassemblement populaire à Khartoum. Le nouveau vice-président, le numéro 2 du nouveau pouvoir, celui dont l’omniprésence interroge les chercheurs, c’est lui.
Lui c’est Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemeti, un célèbre chef Janjawid. Il est à la tête de 20000 hommes bien équipés, connus pour leur brutalité, au point que des unités de l’armée régulière s’étaient révoltées contre eux en novembre 2016, au sud de Khartoum.
Anciennement appelés les « gardes-frontière », les hommes de sa « Force de soutien rapide » sont officiellement sous le double commandement des renseignements et de la présidence. Une ambiguïté qui convient bien à Hemeti qui, loyauté clanique oblige, garde de fait la haute main sur ses miliciens.
De l’avis de beaucoup, l’homme-clé du Conseil militaire de transition, c’est lui. Peut-être, glisse un chercheur, pour garantir à ses hommes qu’il les protégera jusqu’au bout. Ou peut-être, dit un autre, pour que les militaires disposent toujours d’une force armée loyale et prête l’action, quoi qu’il arrive.
RFI