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Soudan du Sud : une guerre civile aux implications régionales

Salva Kiir président sud soudanais homologue soudanais Omar el Béchir Juba

Dans Appels sur l’actualité, l’émission de Juan Gomez, Cédric, un auditeur de Kinshasa, pose la question des intérêts économiques de Khartoum dans le conflit qui oppose depuis le 15 décembre les autorités du Soudan du Sud et une rébellion conduite par son ex-vice-président, Riek Machar. Omar el-Béchir s’est rendu le 6 janvier à Juba pour rencontrer son homologue Salva Kiir… Et des pourparlers ont démarré le 13 janvier à Addis-Abeba – sans parvenir encore à faire taire les armes. De son côté, Abdelkader, à Ndjamena, s’interroge sur les soutiens extérieurs des uns et des autres dans cette affaire…

Cédric : Quelles sont les conséquences économiques pour Khartoum de ce conflit au Soudan du Sud
On sait qu’avec l’indépendance du Soudan du Sud, en 2011, Khartoum a perdu les trois quarts de sa production pétrolière, les champs pétroliers étant pour la plupart situés au Sud. Le manque à gagner s’est chiffré à plus de 3 milliards de dollars, selon les autorités soudanaises. Cependant, Khartoum tire d’importantes ressources financières du transit du pétrole sud-soudanais par ses oléoducs, et la guerre civile qui se déroule actuellement, notamment dans les Etats producteurs de pétrole, gêne considérablement ses intérêts. La production au Soudan du Sud, environ 350 000 barils/jour, qui subit le contrecoup de la guerre, aurait baissé environ de 15 % selon les estimations les plus optimistes. Et si les combats s’intensifient, la production pourrait chuter davantage, ce qui poserait un problème économique important à Khartoum qui perçoit 10 dollars par baril de brut qui transite par ses oléoducs. Si cette manne s’arrête, la crise économique que traverse le Soudan risque de s’amplifier : la situation est difficile à Khartoum, comme l’ont prouvé les manifestations contre la vie chère du mois de juin dernier et les violentes émeutes qui ont secoué le régime. Rappelons enfin que Juba doit, en théorie, verser environ 1 milliard de dollars de compensation aux termes de l’accord pétrolier conclu en 2012 avec Khartoum, et ce pour les pertes de revenus engendrés par l’indépendance. Or on voit mal, avec la guerre qui fait rage, comment Juba pourrait s’acquitter de cette dette. Inquiet de cette situation, Omar El Béchir s’est donc rendu le 6 janvier à Juba pour apporter son soutien à Salva Kiir et lui proposer d’envoyer des experts pour remettre à flot son industrie pétrolière.
Abdelkader : Salva Kiir, on le sait, dispose de soutiens extérieurs. Mais le Soudan appuie-t-il militairement son voisin du sud ?
Toute la question est de savoir si Khartoum va envoyer des hommes combattre aux côtés de Salva Kiir. Le faire directement semble fort peu probable. Car au Soudan du

Sud, nul n’imagine voir l’armée de Khartoum, c’est-à-dire celle de l’ennemi historique, intervenir directement. En revanche, des groupes rebelles historiquement hostiles à Juba et parrainés par Khartoum pourraient aller rejoindre les rangs loyalistes. C’est d’ailleurs l’une des inquiétudes exprimées dans le camp de Riek Machar. Dans la ville de Bentiu, située dans l’Etat pétrolier frontalier avec le Soudan, l’Etat d’Unité, les ex-rebelles de la South Sudanese Liberation Army (Armée de libération du Sud-Soudan, ndlr), fidèles à Salva Kiir, auraient bénéficié du renfort d’éléments infiltrés par Khartoum. Khartoum pourrait donc, par groupes rebelles interposés, jouer un rôle d’appui militaire à Salva Kiir notamment dans les régions frontalières.

Pourquoi le gouvernement ougandais apporte-t-il son aide au président Salva Kiir ? 
Pour une série de raisons à la fois personnelles, économiques et politiques. Le président ougandais Yoweri Museveni est un très vieil allié des dirigeants du Soudan

du Sud. Par le passé, il a soutenu John Garang, le héros de l’indépendance mort en 2005 dans un accident d’hélicoptère. Et depuis que Salva Kiir est président, les deux hommes entretiennent d’excellentes relations. L’Ouganda est le principal partenaire commercial du Soudan du Sud et on estime à 150 000 le nombre de commerçants ougandais qui travaillent des deux côtés de la frontière. De plus, les ouvriers qualifiés ougandais sont très recherchés à Juba, notamment dans le domaine de la construction. Salva Kiir et Yoweri Museveni sont d’autant plus proches que, selon certains analystes ougandais, ce dernier se méfierait de Riek Machar à qui il reprocherait d’avoir soutenu par le passé la rébellion ougandaise de la LRA, la Lord Resistance Army – l’Armée de résistance du seigneur. Lorsque le conflit entre les deux hommes a éclaté, Museveni s’est immédiatement porté au secours de Salva Kiir.

Combien de militaires ougandais le président Museveni a-t-il dépêchés sur place ?
Officiellement, environ 150 hommes pour sécuriser l’aéroport et protéger les ressortissants ougandais. Mais en réalité, les soldats ougandais seraient déjà plusieurs milliers. Riek Machar affirmait le 9 janvier sur nos antennes que ses hommes avaient été bombardés par des avions de chasse ougandais. On sait que l’armée ougandaise dispose de Sukhoï russes. Par ailleurs, plusieurs sources affirment que Museveni a envoyé des hélicoptères de combat de type MI 24 au Soudan du Sud – qui ne sont cependant pas entrés en action. Mais Kampala dément tout soutien aérien et se limite à réaffirmer qu’elle se contente de sécuriser l’aéroport de Juba. Une façon sans doute pour Museveni de ne pas se voir accusé de participer à un conflit que les puissances régionales et les Etats-Unis s’emploient à tenter d’éteindre.

La rébellion paraît tenir tête à l’armée régulière. A-t-elle des soutiens extérieurs ?
Pour l’instant, il semble qu’elle ne dispose d’aucun soutien extérieur. Kampala et Khartoum appuient Salva Kiir. L’Ethiopie et le Kenya sont neutres. Riek Machar est donc isolé. Certaines sources, proches de la rébellion, affirment que celle-ci ne dispose d’ailleurs que de moyens limités en armes, en munitions et en essence. Donc,

si la guerre se prolongeait, cela poserait d’énormes problèmes logistiques aux rebelles, même si Riek Machar affirme que ses hommes ont effectué d’importantes prises de guerre sur leurs adversaires… Cette rébellion n’est cependant pas démunie. Elle a bénéficié de la défection de secteurs importants de l’armée. Au nord du pays, dans l’Etat d’Unité, la quatrième division dirigée par James Koang Chol a rejoint Riek Machar. A Bor, dans l’Etat de Jonglei, ce sont les hommes de l’ancien rebelle Peter Gadet qui se battent aux côtés de Riek Machar. Au Sud, dans les trois régions équatoriales, d’autres groupes de soldats ont rejoint la rébellion, même si l’hémorragie semble plus limitée. Il faut aussi savoir que ces soldats qui ont fait défection sont pour la plupart des soldats expérimentés de l’armée sud-soudanaise – le SPLA (Sudanese people’s liberation army, ndlr). Des vétérans de la guerre de libération qui connaissent les techniques de guérilla. Et d’ailleurs, la plupart des actions menées ces derniers jours par ces insurgés sont des actions de guérilla et des embuscades contre les convois de l’armée régulière. La plupart de ces hommes sont d’ethnie Nuer, l’ethnie de Riek Machar qui constituait l’épine dorsale de l’armée du Soudan du Sud. Mais il est difficile à ce stade d’estimer le nombre de soldats qui ont rejoint Riek Machar.

rfi

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