Il paraît que le français, de par sa subtilité, est la langue des diplomates au siège de l’ONU ; parce que permettant, par son fin utilisateur de «parler du feu sans se brûler la langue». Enfin, comme nos différentes langues d’ailleurs. Mais c’est celle de Molière qui nous intéresse aujourd’hui…
Honorable Oumar Mariko, lors de l’interpellation (la quatrième du genre) du Ministre en charge de la sécurité intérieure :
«Vous êtes sorti du bois, mais je ne suis pas sûr que vous ayez réussi à vous adapter à la société des hommes. Est-ce qu’il ne serait pas mieux que vous retourniez dans les bois».
Pourquoi diantre, l’interpellé s’est-il senti blessé par cette expression lancée en plein visage par l’Honorable Oumar Mariko ? Pour le savoir, nous avions consulté «le petit Québécois». Voilà ce qu’il en dit : «L’expression québécoise « il n’est pas sorti du bois » est similaire à « Il n’est pas sorti de l’auberge». « Un Québécois qui n’est pas sorti du bois est donc dans le pétrin, dans une situation difficile. Il peut donc à la fois vivre dans une tour d’habitation en plein centre-ville de Montréal et ne pas être sorti du bois».
Ça, c’est pour le sens. Voilà pour l’étymologie : «sortir du bois », s’apparente à « sortir de l’auberge ». Cette expression, nous enseigne, « Le Petit Québécois» est issue de « l’argot des voleurs du XIXe siècle qui désignait de façon ironique la prison comme «une “auberge” puisqu’on y bénéficiait gratuitement du gîte et du couvert, mais d’où il n’était pas aisé de sortir».
Mais, c’est surtout par rapport au loup que l’expression est née. Ce carnassier, on le sait, n’a pas bonne presse dans la croyance populaire occidentale et hexagonale. L’attestent, ces autres expressions populaires qui le citent :
– Les loups ne se mangent pas entre eux (Les méchants, les gens malhonnêtes ne se nuisent pas réciproquement. C’est la loi du milieu).
– Se jeter dans la gueule du loup (s’exposer à un danger grave, le plus souvent inconsciemment. Aller au-devant des risques et des embêtements par provocation.
– Hurler avec les loups (témoigner d’un conformisme, d’une hypocrisie et d’un souci de son propre confort moral pouvant aller jusqu’à se montrer injuste, voire cruel, pour ne pas déplaire à la majorité. Finalement c’est « suivre le troupeau » mais dans les situations qui peuvent être graves (pour celui contre lequel on se met à hurler).
– Quand on parle du loup on en voit la queue (il suffit que l’on parle de quelqu’un pour qu’aussitôt il apparaisse, alors qu’on ne l’attendait pas forcément. L’expression s’emploie souvent en laissant en suspens la seconde partie de la phrase : « Quand on parle du loup… », ce qui permet d’évacuer plus commodément le symbolisme viril exprimé par « queue ».
– Un vieux loup de mer (un vieux marin endurci et expérimenté. Pourquoi loup ? Parce qu’à l’origine, il s’agissait d’un marin sauvage et solitaire, comme le vieux loup de la meute).
– L’homme est un loup pour l’homme (les hommes sont féroces entre eux, parfois même plus impitoyables et cruels que les animaux les plus méchants.
– Le loup meurt dans sa peau (quelqu’un qui est né méchant ou vicieux le reste jusqu’à la fin de sa vie).
– Faire entrer (ou enfermer) le loup dans la bergerie (introduire un élément nuisible, malfaisant, dans l’endroit, parmi les gens que l’on devrait défendre ou protéger…).
Les deux dernières expressions que voici, nous renvoient spécifiquement sur le fait de «sortir du bois» :
– Avoir une faim de loup : (avoir vraiment très faim. Le loup famélique prêt à se jeter voracement sur la première proie qui passe à sa portée se tient en arrière-plan de cette image dévorante).
– La faim fait sortir le loup du bois : (la nécessité oblige à se montrer ; certaines circonstances obligent à commettre des erreurs ou des imprudences. Ou bien : certaines occasions permettent de révéler la véritable nature de quelqu’un qui, jusqu’à présent, ne se montrait pas. Cette locution est plus employée au sens figuré qu’au sens propre (pour ce qui est de la faim) bien qu’on l’emploie aussi dans ce sens avec une lueur d’ironie) [source : « Le Chevaucheur Royal»]
Le mot «bois», rappelons-le, est utilisé comme synonyme de «forêt », «brousse», « tanière», etc.
On le voit donc : «sortir du bois» a spécifiquement trait au loup. Mais pourquoi l’élu de Kolondiéba a expressément utilisé l’expression à l’intention du Ministre Sada Samaké ? Ceci est une autre histoire que nous vous contons.
A la faveur du tout premier conseil des ministres présidé par le président IBK à la date du 09 septembre 2013, l’équipe de reportage de l’ORTM entrepris de recueillir les impressions des nouveaux membres du gouvernement. Voilà ce que le Ministre de la Sécurité Intérieure trouva comme excuse pour se subtiliser :«Désolé ! Moi, je viens juste de sortir du bois».
Réaction du député Oumar Mariko lors de la séance d’interpellation, courant semaine dernière : «Vous êtes sorti du bois, mais je ne suis pas sûr que vous ayez réussi à vous adapter à la société des hommes. Est-ce qu’il ne serait pas mieux que vous retourniez dans les bois».
Voilà toute l’histoire ! Alors, à vous de juger : la colère de Sada se justifie-t-elle ?
B.S. Diarra
Source: La Sentinelle