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Solidarité, un couteau à double tranchant

Avec l’hospitalité et l’humanisme, la solidarité est l’une des valeurs cardinales qui ont fondé et fondent encore la société malienne. Aujourd’hui, elle est pourtant de plus en plus décriée.

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Dans le dictionnaire de la langue française, le mot « solidarité » désigne le « sentiment qui pousse les hommes à s’accorder une aide mutuelle ». Il s’applique à « l’attitude responsable consistant à aider les personnes qui en ont le plus besoin ». Cette définition est universelle car elle représente bien l’image de ce concept dans les sociétés humaines. Il est donc question du principe que, tout comme les maillons d’une même chaine sont solidaires, les êtres humains sont reliés entre eux et, partageant une communauté de destin, se doivent assistance. Autant dans les sociétés traditionnelles que dans notre monde moderne, cette valeur reste la mieux partagée. Il apparait cependant que le contenu mis dans cette notion de solidarité a bien changé de celle des auteurs de la charte de Kurukan Fuga, qui stipule en son article 2 que « si solidarité nous voulons dans la parenté et le bon voisinage, il faut que nous nous soutenions et que nous nous considérions mutuellement ». De devoir moral dans la tradition malienne, la solidarité a pris une autre dimension avec la religion. Dans l’Islam, la solidarité signifie l’entraide entre les hommes dans leurs préoccupations ici-bas et même dans l’au-delà. Pour la religion chrétienne, c’est l’entraide sur le plan spirituel et socioéconomique qui s’explique par l’amour du prochain, l’amour divin et le partage. L’islam comme le christianisme, ainsi que toutes les autres religions pratiquées au Mali, prônent donc l’entraide entre les hommes.

Depuis presque trois décennies, l’État malien a mis en place des outils pour soutenir ses citoyens les plus vulnérables, mais l’institutionnalisation des actions de solidarité date de 2001 avec la création d’un ministère dédié. Ainsi, le ministère du Développement social, de la Solidarité et des Personnes âgées a reçu pour mandat de mettre en œuvre la politique sociale du gouvernement à travers des instruments comme le Fonds de solidarité nationale (FSN) et la Banque malienne de solidarité. Près de quinze années plus tard, après avoir plusieurs fois changé de dénominations et dans un contexte marqué par une grave crise sociale, politique et militaire qui a renforcé la vulnérabilité de communautés entières, le département est aujourd’hui en charge de la Solidarité, de l’Action humanitaire et de la Reconstruction du nord, et le ministre Hamadou Konaté, est le numéro 3 du gouvernement. « La crise au Mali, et particulièrement dans les régions du nord, a fait naître d’énormes besoins qu’il est urgent de combler », explique Adama Noumpounon Diarra, directeur général du Fonds de solidarité nationale, qui est, avec la Direction nationale du développement social, l’une des structures techniques en charge de la mise en œuvre de la politique nationale en la matière. Pour mettre en lumière les actions de solidarité et inciter les Maliens à en accomplir au quotidien, le mois de la solidarité se tient chaque année. La 21ème édition, qui a débuté le 1er octobre et sera officiellement lancée le 12, est présidée par le président d’honneur de la Fédération malienne des personnes handicapées, M. Ismaïla Konaté. Elle a pour thème « Solidarité, un facteur de réconciliation, de développement et de consolidation de la paix ». La solidarité est donc une valeur commune, reconnue et recommandée et qui renforce le ciment social, en permettant de soutenir les plus faibles, de répartir les richesses communes. Et pourtant, elle est en perte de vitesse, particulièrement en milieu urbain.

Couteau à double tranchant ?

« 1 riche et 9 pauvres. Revenez plus tard et vous trouverez 10 pauvres ». Ce proverbe illustre bien l’opinion de ceux qui pourfendent la « solidarité version moderne ». « Il ne fait plus bon être généreux par les temps qui courent. Vous vous retrouvez avec toutes sortes de requêtes et vos ressources ne profitent même plus à votre famille », explique B. Diarra, sociologue. « Cela pousse les gens à se renfermer et cela met à mal la structure sociale malienne qui n’est pas habituée à fonctionner ainsi ». Hali Cissoko, banquier, remet en cause la solidarité qui favorise « la fainéantise de ceux qui en bénéficient ». Dans nos familles aujourd’hui, vous trouverez une dizaine de gros gaillards assis à boire le thé et une seule personne qui trime pour nourrir toute la grande famille », poursuit-il. « On n’apprend pas aux gens à pécher, on ne les aide pas, en leur donnant tout ce dont ils ont besoin », explique A. Doucouré pour qui « c’est plutôt la satisfaction personnelle de celui qui donne, puisque son don ne change pas durablement la vie d’autrui ». La solidarité « bling bling » se généralise, « avec les caméras présentes à chaque fois que l’on offre un sac de riz », ajoute M. Cissoko. « Cette histoire de solidarité, désintéressée appartient au passé. Maintenant, celui qui donne ne cherche qu’à satisfaire son égo », appuie A. Doucouré, économiste.

« Le fonds culturel comme religieux est là, mais avec les vicissitudes du monde actuel et la prédominance de l’individualisme et du privé en ce sens que chacun veut avoir ses biens à lui, ces valeurs se sont amenuisées progressivement », assure notre sociologue. Il donne pourtant comme exemple des communautés où l’entraide est toujours érigée en règle. Chez les Dogons, la solidarité s’exerce à l’échelle territoriale, qui implique l’obligation de secours et d’entraide entre les familles, les quartiers et même les villages. Chez les Senoufo, « personne ne va demander un service les bras ballants. Un petit sac de mil, de riz, deux poulets, les accompagnent toujours à titre de contribution. Dans le milieu sarakolé, quand le jeune débarque à Bamako, il est automatiquement pris en charge et reçoit un pécule pour travailler. Dès les premières rentrées, le jeune doit contribuer en famille, avec un montant si minime soit-il », explique-t-il. Ce sont des formes de solidarité qu’il convient de documenter et de partager dans notre société d’aujourd’hui.

La solidarité, obligation ou valeur partagée que l’on peut choisir de pratiquer ou non ? Chacun a certainement son opinion, mais tous sont d’accord pour affirmer qu’elle est un couteau à double tranchant…

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