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Situation nationale : Le Mali de nouveau dans l’œil du cyclone ?

Les mois se suivent et semblent se ressembler pour le Mali. Embourbé dans une crise multidimensionnelle depuis le coup d’Etat le plus absurde de l’histoire contemporaine, le pays est régulièrement secoué par des situations plus scandaleuses les unes les autres depuis cette fameuse visite « au nom de la République«  que le Premier ministre, chef du gouvernement, Moussa Mara a cru devoir effectuer à Kidal, contre l’avis de tous, le 17 mai 2014. Les rapports de la Cour suprême et du Bureau du Vérificateur général (BVG) au sujet des marchés sulfureux d’achats de l’avion présidentiel, d’équipements et de fournitures diverses pour les forces armées de défense et de sécurité, sont venus alourdir davantage un climat sociopolitique et sécuritaire déjà à la limite du supportable pour l’opinion publique.

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En effet, la conséquence a été la cinglante débâcle des forces armées nationales à l’issue d’une contre-offensive mal préparée et inopportunément menée pour « laver l’affront » subi lors de cette visite du Premier ministre. Depuis lors, le Mali a perdu de facto sa souveraineté sur une bonne partie de son territoire et l’intégrité de son territoire n’est plus qu’aléatoire.

Le peuple et la communauté internationale étaient en train de ruminer leur colère à la suite de la remise en cause totale de l’accord préliminaire de Ouagadougou et qui avait permis l’organisation en 2013 des élections présidentielle et législatives ayant valu au président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita et son parti, le Rassemblement pour le Mali (RPM) d’acquérir une majorité plus que confortable sur l’échiquier politique national.

Le Mali revenait de très loin. Mais, tous les acquis de cette période d’accalmie venaient d’être dangereusement compromis par l’ego démesuré d’un homme. Fallait-il pour autant lui en vouloir au-delà du raisonnable ? Visiblement non. Car, le Premier ministre Mara pouvait bénéficier de circonstances atténuantes (expression empruntée à la famille judiciaire), d’autant qu’il n’avait pas de grande expérience connue de l’Etat et de la complexité des relations internationales et diplomatiques. Alors, poussé probablement par sa fougue de jeune intellectuel et aidé en cela par cette inexpérience de la gestion des affaires au plus haut sommet de l’Etat, il s’est cru « tout permis » du plus audacieux au plus stupide.

On en était là lorsque survint l’affaire dite de « l’avion présidentiel » dont le prix d’achat et l’opportunité d’acquisition faisaient l’objet de vives critiques, tant du côté de l’opposition politique que des partenaires financiers du Mali, notamment le Fonds monétaire international (FMI). L’une des conséquences immédiates a été la motion de censure initiée par l’opposition parlementaire à l’Assemblée nationale.

Malgré les arguments à la faveur de cet exercice démocratique dont la pertinence ne pouvait objectivement être contestée, la motion a été rejetée à une large majorité des élus dits de la nation. Dans son mémoire en défense lors de cette séance d’interpellation devant les honorables députés, le Premier ministre, au lieu d’éclairer l’opinion sur le sujet, a en plutôt rajouté à la confusion.

La polémique s’est alors amplifiée, notamment au sujet du prix d’achat et des conditions d’acquisition du fameux avion présidentiel. Tantôt, il a été acheté à 17 milliards, selon le président Ibrahim Boubacar Kéita (himself), tantôt il a coûté un peu plus, environ 20 milliards de l’avis du Premier ministre, Moussa Mara devant l’Assemblée nationale. Entre-temps, d’autres sources contestent la sincérité de ces deux montants. Ce qui sera plus ou moins confirmé par les différents rapports de contrôle et de vérification qui vont suivre.

Il a fallu l’injonction du FMI pour que les autorités admettent d’instruire la Cour suprême et le Bureau du Vérificateur général (BVG) aux fins d’éclairer la lanterne de l’opinion publique nationale et internationale sur ce qui prenait de plus en plus l’allure d’un vaste scandale financier jamais égalé dans notre pays.

Le 11 octobre dernier, ce fut d’abord la Cour suprême, à travers un rapport produit par la Section des comptes, qui trouvait beaucoup de failles et d’insuffisances dans le dossier de l’achat de l’avion présidentiel. Mais dénonçait dans des termes beaucoup plus souples ce qui apparaissait comme une grosse arnaque en vue de soulager de façon indue et frauduleuse les caisses de l’Etat. Le préjudice pour le Trésor public est ainsi estimé à plusieurs dizaines de milliards de FCFA.

Le 3 novembre, c’était le tour du BVG de rendre public son rapport de vérification sur la régularité des actes commis à la faveur des marchés passés de gré à gré, à des opérateurs qui n’en avaient ni la qualité, ni les compétences et encore moins les moyens. Puisqu’en amont, dans les deux cas (avion et fournitures militaires), il a fallu que l’Etat fasse des décaissements pour préfinancer certaines opérations, en plus de la garantie apportée à des banques de la place pour le financement intégral des achats.

Depuis la publication de ces deux rapports, l’on assiste à une levée de boucliers généralisée à tous les niveaux de l’opinion. Dans les grins, les cafeterias, les bureaux et autres lieux publics ainsi que sur les réseaux sociaux, la subtilité des pratiques utilisées pour détourner les deniers publics de l’Etat ; les voies et autres méthodes utilisées pour surfacturer au quintuple le prix normal de certains articles, le sujet est sur toutes les lèvres et alimente tous les débats.

Mais aussi curieux que paradoxal, au sommet de l’Etat, c’est le silence radio absolue. Le premier interpelé par la situation, notamment le président de la République, de par le contrat de confiance qui le lie au peuple, grâce au suffrage duquel il incarne aujourd’hui la première institution du pays, contribue à en rajouter à l’incompréhension et au désespoir des populations. Ces sentiments se muent progressivement en colère et amertume perceptibles pour tout observateur averti.

Désabusée et complètement décontenancée, l’opinion publique fulmine sa colère de façon intériorisée pour le moment. Mais pour combien temps faudra-t-il encore contenir cette colère, si les plus hautes autorités ne réagissent pas immédiatement à travers des mesures administratives, politiques voire judiciaires pour que les supposés auteurs de ces détournements et autres surfacturations soient mis à la disposition de la justice pour répondre de leurs actes ?

C’est l’équation à plusieurs inconnues qui taraude actuellement les esprits à Bamako et partout au Mali. Aussi, faut-il rappeler que le délai, accordé par la communauté internationale pour que des « sanctions soient prises » à l’encontre des personnes citées ou impliquées dans ces malversations, s’égrène lentement mais inexorablement vers sa fin fixée au mois de décembre prochain !

Le président Ibrahim Boubacar Kéita a beau être un « encaisseur attitré » de coups, il lui semble de plus en plus difficile de tenir devant la forte pression de son opinion et des partenaires du Mali. C’est tout à son bénéfice aujourd’hui que de taper fort et sans complaisance aucune à la faveur de cette opportunité que lui offrent ces deux rapports, pour assainir un tant soit peu son écurie.

S’il ne le fait pas à temps, l’eau de la marmite bouillante risque de faire sauter le couvercle et l’éclabousser littéralement. A lui d’agir et vite ! Car, la patience des populations et des partenaires du Mali a des limites qu’il faut s’abstenir de franchir. Sinon, d’une situation d’accalmie fragile, le pays pourrait entrer de nouveau en zones de turbulences que nul ne souhaite aujourd’hui.

B.Sidibé

SOURCE: L’Indicateur du Renouveau  du   11 nov 2014.
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