Après deux mois de travaux, la commission chargée de la rédaction de la nouvelle Constitution a remis officiellement, le 11 octobre 2022, l’avant-projet au président de la transition. Il y a des avancées certes, des inquiétudes demeurent pour autant
L’avant-projet de la nouvelle Constitution ouvre la voie large à un nouvel élan politique et consacre de nouvelles dynamiques dans la gouvernance de l’État. Le texte comporte 195 articles et 7 chapitres. Comparé à la Constitution du 25 février 1992, l’avant-projet de la nouvelle loi fondamentale procède à des développements/clarifications conceptuels, se distingue dans son contenu par des innovations majeures dans le jeu institutionnel et est plus ouvert sur l’avenir.
La protection de l’enfant est désormais affirmée et consacrée dans la Constitution ainsi que la protection humaine contre l’arbitraire de la justice. L’option du mariage est clairement définie (l’union entre un homme et une femme). Le droit à l’alimentation est reconnu et consacré comme un droit fondamental. L’usage illégal de la punition et de la profanation des attributs de l’État (drapeau) est énoncée.
Procédure de destitution
Les langues nationales sont promues et ont toutes vocation à devenir officielles. Toute autre langue étrangère peut être adoptée comme langue d’expression officielle. Le concept de laïcité est désormais défini. Le concept d’État unitaire est formellement consacré et l’État ne peut concéder aucune portion du territoire national, ni renoncer à aucun des droits souverains qu’il exerce sur son territoire.
La mission de veille citoyenne des organisations de la société est consacrée ainsi que la reconnaissance du rôle des légitimités traditionnelles dans le renforcement de la cohésion sociale et la gestion des conflits. Les institutions de la République prévues sont au nombre de 7 : le Parlement et la Cour des comptes font leur entrée ; la Haute cour de justice et le Haut conseil des collectivités locales disparaissent. Le Parlement comporte le Sénat et l’Assemblée nationale. Le président de la République est désormais responsable devant le Parlement et peut faire l’objet d’une procédure de destitution par cette institution en cas de haute trahison ; le concept de haute trahison dispose dorénavant d’un contenu de définition.
Le président de la République détermine la politique de la nation et ne peut exercer plus de deux mandats. La Cour constitutionnelle n’a plus le pouvoir de reformer les résultats des élections. Les députés ou membres du sénat ont l’obligation d’assister aux travaux des séances plénières dans leurs chambres respectives sous peine de sanctions règlementaires. Les séances des questions–réponses, à l’issue de l’interpellation des ministres devant le Parlement, doivent être rapportées et publiées dans le Journal officiel. Les citoyens ont la possibilité de saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature.
Des insuffisances
Ces points peuvent constituer des avancées salutaires, mais des inquiétudes demeurent. La procédure de destitution du président de la République paraît difficile dans sa mise en pratique et sa réussite. On peut le comprendre aisément dans le sens d’une protection de cette institution pour garantir sa stabilité. Il ne faut pas, sans doute, permettre au premier venu la possibilité de le démettre.
Aucune disposition ne précise expressément l’impossibilité pour le président de la République de dissoudre le Parlement. Il n’est pas précisé le moyen par lequel les biens du président de la République, des membres du gouvernement et du Parlement doivent être rendus publics par la Cour des comptes avant et après leur entrée en fonction.
Aux termes de l’article 192 de l’avant-projet, tout putsch ou coup d’État est un crime imprescriptible contre le peuple malien. Pour plus de fermeté, il aurait été souhaitable de préciser qu’aucune loi d’amnistie ne saurait protéger les auteurs de coup d’État ou de putsch. Il est important d’empêcher toute possibilité pour les auteurs de coup d’État d’user d’arguments juridiques pour se soustraire de la sentence de la loi. L’histoire des coups d’État au Mali, surtout celle récente, a été riche en innovation : il n’a jamais été reconnu comme tel par ses auteurs. Il fallait donc également affirmer l’impossibilité de toute forme de démission ou de destitution des présidents d’institution autres que celles prévues dans le texte constitutionnel.
Également, la disposition de l’impossibilité d’une révision constitutionnelle en cas d’atteinte à l’intégrité territoriale réaffirmée dans l’avant-projet de la nouvelle Constitution (article 191) ne colle pas avec la réalité actuelle. Il aurait été plus juste de préciser une exceptionnalité.
Source : Benbere